Dungorpat
Il y aura eu, pour NILE, un avant et un après « Annihilation Of The Wicked ». Jusqu'alors, ceux qu'on présentait comme les dignes successeurs de MORBID ANGEL avaient à chaque sortie franchi un cap supplémentaire. Dans la brutalité et la noirceur mystique avec « Black Seeds Of Vengeance », dans la technicité avec « In Their Darkened Shrines », et dans la capacité à simplifier leur death metal pour n'en retenir que l'essentiel avec « Annihilation Of The Wicked » : les ambiances et la lourdeur oppressante des rythmiques. « Ithyphallic », qui marquait le retour d'une certaine brutalité, était cependant construit sur le même schéma qu'« Annihilation... » et les instruments traditionnels étaient toujours aussi en retrait, voire inexistants.

Il faudra certainement qu'on s'y fasse, malgré les déclarations de Karl Sanders, le nouvel album de NILE fait la part belle aux guitares (ENORMES) et à la batterie, les incursions traditionnelles étant réduites à un instrumental, « Yezd Desert Ghul Ritual in the Abandoned Towers of Silence » et à quelques timides apparitions en début ou fin de morceau. Sanders lui-même est dramatiquement absent sur le plan vocal, ses raclements de gorge caverneux ne se faisant entendre qu'en de trop rares occasions. Heureusement, même si la discrétion des influences ethniques est regrettable, Karl et ses amis ne se sont pas pour autant contentés d'écrire un album de brutal death facile. C'est même tout le contraire, et « Those Whom The Gods Detest » n'a, avec le recul, pas beaucoup à envier à ses prédécesseurs devenus cultes. NILE ne surprend plus et nous connaissons ses recettes, ses changements de rythmes, ses breaks suffocants ahurissants de lourdeur, ses mélodies venues de nulle part comme autant de portes ouvertes sur un autre temps ; NILE ne surprend plus mais il nous régale pourtant, comme sur « Kafir!» avec des vocaux orientaux qui apportent la touche d'exotisme qu'on attend de lui, comme « Iskander D'hul Karnon » et son chorus dissonant à la IMMOLATION ou comme la fin incantatoire de « 4th Arra of Dago ».

« Those Whom The God Detest » consolide indéniablement NILE à la tête d'un death metal avant-gardiste qu'il a finalement créé, même si BEHEMOTH lui grappille des parts de marché. On ne peut, en tant que fan du groupe, que mettre un genou à terre devant une telle apparente facilité à domestiquer l'insondable violence qui sourd de chaque note pour en faire un amalgame cohérent, mystique, addictif. Mais malgré toutes ses qualités, il manque à cet album une part de prise de risque là où un groupe comme THE MONOLITH DEATHCULT ose sans se fourvoyer. On fera finalement le même reproche à NILE qu'à BEHEMOTH, celui de ne faire « que » de bons albums là où on les sait capables d'en faire de fabuleux.

Avant de laisser le calame à notre Coco d'amour, un petit mot sur l'édition spéciale digipack de l'album : somptueuse! Il faut bien sûr commencer par apprécier l'artwork, comme d'habitude fortement marqué par l'Egypte ancienne, mais la texture spéciale recouvrant la tête d'Akhenaton et les deux logos, rappelant celle de la pierre au toucher, devrait faire craquer même les plus réticents. A l'intérieur, quatre volets dont un contient le livret (finition satin), dans lequel on retrouve avec plaisir les longues explications de Karl Sanders sur la signification des morceaux, absentes d'« Ithyphalic », et un autre le CD dans un fourreau spécialement conçu pour l'occasion. Le livret nous apprend également que beaucoup d'anciens membres sont venus participer aux chœurs, comme Pete Hammoura (ex-batteur), Chief Spires (ex-bassiste) et Jon Vesano (ex-bassiste), une raison de plus d'apprécier l'album malgré ses défauts...
Note : 15/20

Cobra Commander
Toute l'attente qui entourait la venue du septième opus de ce groupe incontournable du Brutal Death est tombée aux chiottes grâce à un glandu qui a balancé l'album sur le Net trois mois avant sa sortie officielle! Pas d'bol… mais bon, ça change rien: "Those Whom The Geeks Detest"... nous plante un nouveau coton-tige imbibé de natron dans les feuilles et… ça picote toujours un peu!

Ceux qui ont considéré - Hathor ou à raison - "Ithypallic" comme l'album le plus foireux de la carrière de NILE, reviendront vite dans les jupes de leur momie grâce à ce nouvel album : le groupe mené par le père Sanders revient à ses vieilles formules et délivre un disque parfaitement calibré. Sans aucune surprise ni aucun festival d'étonnement mais bien bourru et extrêmement efficace. Dès l'ouverture de l'album, on constate que l'aspect plus chaotique qui faisait le charme "Ithypallic" a disparu et que c'est le versant le plus massif et linéaire qui va dominer l'ensemble de "Those Whom The Gods Detest" qui, finalement, s'ancre dans la grande tradition NILEsque. NILE ratatine tout et en fout plein les mirettes, des riffs massifs aux mille-feuilles de voix tout est là et - chose appréciable - l'excellence est encore au rendez-vous. "Those Whom The Gods Detest" n'apporte rien de particulièrement notable à la pyramide qu'érige NILE depuis bientôt dix ans, juste une nouvelle pierre que l'on se prend en pleine gueule.
Brutal, massif et taillé dans le granit, l'album épate et impose un certain respect.

En gommant les escapades biscornues de "Ithyphallic", NILE retrouve sa brutalité proverbiale et dégobille un album bas du front, ultra brutal : jouissif. C'est une impression de fluidité et de simplicité qui prévaut, tout semble couler de source, un album "naturel" en somme. A vrai dire, ce septième vase canope partage beaucoup de points communs avec "Annihilation of The Wicked", dix titres implacables, épais, adipeux et sans aucune fioriture… une vrai parcours de santé aéré par quelques titres lents qui donnent un certain relief…

Bref, tout est typiquement NILE, les fans ne seront pas déçus, juste un peu blasés de voir le groupe faire, refaire et re-refaire ce qu'il a toujours fait… Voilà voilà…

Non, ce qui met un frein à l'enthousiasme est le côté assez "terne" de cette rondelle. Le disque est très bon mais reste bien loin des chefs-d'œuvre du passé, "Those Whom The Gods Detest" manque cruellement de "tubes", de chansons vraiment à part… Les titres ne se démarquent pas les uns des autres, aucun titre ne vous aspirera la cervelle par les narines comme le faisaient "Bara Edinazzu" ou Masturbating the War God et c'est bien dommage… Aussi dommage que cette agaçante batterie en plastique triggée jusqu'au trognon qui n'a plus rien d'humain… et aussi dommage que la disparition des passages atmosphériques qui se sont fait la malle pour les plaines verdoyantes du dernier et somptueux album de Karl Sanders…

C'est donc un album en demi-teinte que dévoile NILE, la brutalité ébouriffante est revenue, mais l'originalité est au placard. Le train-train s'est installé en même temps qu'une certaine monotonie… la folie des débuts n'est plus… la majesté est émoussée, l'aura est en berne mais la fleur à cinq pétales qui marquera votre joue vous réchauffera pour l'hiver.

A vous de voir si cette routine au somment vous convient (encore)...
Cahier des charges respecté, minimum syndical atteint:
14/20


Rédigé par : Dungorpat & Cobra Commander | 14.5/20 | Nb de lectures : 16510