Il y a déjà trois ans, la presse plébiscitait unanimement la pièce maîtresse que NILE nous avait concoctée avec « In Their Darkened Shrines ». Devant un album qui semblait sans faute, je me prosternais devant ce magistral coup de pied que NILE venait de donner dans la fourmilière.

Pourtant, des écoutes multiples et intensives finirent par laisser pointer l’indéfinissable sentiment d’avoir été dupé, d’une façon ou d’une autre, par l’œuvre pyramidale jaillie des crânes de Sanders et son gang. Plutôt que d’avoir répondu à leurs instincts créatifs, les membres de NILE n’avaient-ils pas plutôt composé le disque dont rêvaient leurs fans ? N’y avait-il pas une certaine arrogance dans cette volonté de nous en mettre plein la vue avec ce disque aussi ronflant que monstrueux ?

Même si un titre comme « The Blessed Dead » me fait toujours l’effet d’un uppercut en pleine face lorsque je l’entends, « In their Darkned Shrines » a cessé de m’impressionner et il va sans dire que j’attendais le groupe au tournant.

Et NILE nous arrive donc avec cette nouvelle offrande « Annihilation of the Wicked », étrennant au passage son nouveau batteur, le Grec Georges Kollias (ex-NIGHTFALL) sur lequel personne n’aurait misé un drachme dans la course à la succession du terrible Tony Laureano.

La première constatation qui s’impose après une écoute de chauffe, c’est que NILE ne s’est pas endormi sur ses lauriers et a parfaitement digéré l’enthousiasme soulevé par « In Thier Darkened… » pour ne pas nous infliger une resucée de ce dernier. Si le groupe n’a pas subi de changements drastiques, « Annihilation of the Wicked » met en avant des points très intéressants. Nous sommes en présence d’un groupe qui n’a plus rien à démontrer et qui se lâche, donnant ainsi libre cours à son inspiration. Vous l’aurez sans doute deviné, « Annihilation… » n’est pas aussi brutal que pouvait l’être son prédécesseur. C’est un peu comme si NILE avait renoncé à nous refaire une démonstration de force pour se concentrer sur une approche plus subtile de son death métal.

Bien entendu, il y a toujours de terribles brûlots supra-brutaux, dont NILE a le secret, comme « Cast Down the Heretic » ou « The Burning Pits of the Duat » mais le reste de l’album propose des titres alternants tempos lourds et accélérations bestiales. Le duo Toler-Wade/Sanders a fait un très gros travail au niveau des guitares. Les délicieuses harmonies moyen-orientales n’ont jamais été aussi fines et les solos plus imparables. Quant à la performance de ce bon vieux Georges Kollias, elle est tout simplement magistrale. Pas besoin de réfléchir pour s’apercevoir que NILE a fait le bon choix en l’accueillant dans son giron. Il est vrai que les prestations en concert du sieur Kollias ne laissaient planer aucun doute quant à ses capacités d’instrumentiste. Comme c’était le cas lors du No Mercy, Kollias démontre avec ce disque qu’il n’est pas le remplaçant de Laureano mais bel et bien le batteur de NILE.

Mais là où le groupe a subi son changement le plus conséquent, c’est sur les ambiances qu’il nous distille tout au long de ces neuf titres. Si jusqu’à présent les décors musicaux qui nous faisaient voyager dans l’univers de NILE donnaient dans une grandiloquence délicieusement pompeuse, c’est par la simplicité de mélopées orientales acoustiques qu’ « Annihilation… » nous fait sentir le souffle brûlant du désert. Si ce petit côté « bande originale » dans ces interludes musicaux est toujours présent, NILE entre toutefois dans une aire nouvelle en délaissant les biscotos de « Maciste » pour l’exotisme d’un « Laurence d’Arabie ». Il n’y a guère que sur « Von Unaussprechlichen Kulten » que le spectre des anciens arrangements refait surface pour finir l’album sur une touche plus tonitruante.

Il est certain qu’au premier abord, « Annihilation… » peut sembler étrangement calme si l’on garde en mémoire la boucherie du précédent ouvrage. Mais NILE a su négocier le virage du succès avec un disque qui ne s’essoufflera pas avec les écoutes et qui nécessitera indéniablement plus de temps pour en faire réellement le tour.

Encore un pur moment de bravoure, qui mérite le détour



Rédigé par : Tonton | 17/20 | Nb de lectures : 15966