Capitaine ! Capitaine ! Iceberg en vu !
Ouh-là moussaillon, il semblerait que ce soit une drôle d’affaire que c’t’engin-là !
En effet, il est assez rare de se manger un tel parpaing glacé venant des USA. Ce n’est point trop leur coutume habituellement mais les Américains ombrageux n’en sont pas à leur premier méfait. Deux ans après "Death and the Black Work", ces occultes apôtres originaires du Colorado soumettent à nos oreilles le nouveau rejeton de leurs expérimentations dans les mondes obscurs intitulé "Apocalypse Sun".

Apocalypse, c’est peu de le dire ! Ce ne sera pas donné à tout le monde de pouvoir s’enfiler les 66 minutes tyranniques qui vont déferler dans vos chastes esgourdes. L’étrange impression de se faire ratiboiser le scalp alors que ça ne blaste pas tout du long mais lors des accalmies, ces énergumènes apprécient de nous latter à coup de doubles assénées à hautes cadences.

Mais il n’y a pas que les rythmiques, les riffs vont tout faire pour vous envoyer dans un joli costume qui s’attache dans le dos. Il s’agit d’un véritable vortex de dissonances, d’arpèges dégénérés et de trémolos hallucinatoires qui n’hésitent pas à s’aventurer dans les sphères aiguës qui risquent de faire crisser quelques tympans. Même si ces sonorités rappellent celles de leurs compatriotes Krallice ou Liturgy, nous sommes bien en pleine orthodoxie. Il s’agit bel et bien d’un acte oppressant nous ramenant au matraquage sauvage d’un "Salvation" de Funeral Mist. Il y a là le même souci d’atomiser l’auditeur et de laisser ce dernier chancelant et hagard au fond du précipice.
De surcroît, si je vous dis que çà et là nous pouvons entendre quelques chants grégoriens… Oui, il semblerait que DSO ait fait forte impression sur le combo américain tant et si bien qu’on pense assez fort à SMRC.

Les titres sont de longs labyrinthes ténébreux et sauvages où la victime aura tôt fait de tomber dans les chausse-trapes et de se faire happer par le maelström exécuté par le combo. En effet, une fois au bout du cauchemar, apparaissent des lueurs capables de nous guider aux travers des ténèbres. Il n’est pas rare que cet enchaînement de riffs se pare de suffisamment d’accroche voire adoptent parfois un caractère épique pour que nous puissions dans le même temps différencier les morceaux et retenir des lignes mélodiques surnageant au-dessus du chaos.
De même, l’ambiance n’est point unidimensionnelle. On s’aperçoit assez vite que ces sauvages développent des atmosphères distinctes entre l’agression froide et une dose de mélancolie qui vient se glisser dans les interstices de la noirceur. Ainsi, un titre comme "Excitium" surprend par son ton volontiers pesant et menaçant flirtant avec le funeral. Dans un autre genre, "The Utterance of Kasab’el" se fait pénétrant par l’utilisation de leitmotivs lancinants et de trémolos désespérés.

Pour ce qui est de la texture maléfique, cette dernière sied parfaitement à cette litanie apocalyptique. Le rendu est glacial, clinique et dispense une clarté limpide à la délivrance du message.

Mais avant que vous ne vous jetiez sur votre radeau pour partir à l’assaut de cet océan déchaîné, il me faut vous mettre en garde contre les déconvenues qui risquent de vous empêcher d’atteindre le cœur du glacier. Il se pourrait que quelques récifs et autres bourrasques risquent de vous faire passer cul par-dessus tête de l’embarcation.
Il y a d’abord une irrésistible impression de redondance. En effet, il n’est pas rare de surprendre nos Américains en flagrant délit de répétition. Ils ont une tendance certaine à nous envoyer les mêmes tournures et les mêmes enchaînements de riffs. Certes, on peut appeler cela du style mais celui-ci se fait parfois redondant. De ce fait parfois, vient un vent mauvais dévoilant un manque d’inspiration.
Il se peut aussi que le marin se voie freiner dans sa progression car le souffle de l’orage est un élément capricieux. Je n’ai pu empêcher l’inattention m’envahir à mi-parcours lorsque le combo propose son titre le plus lent et le plus linéaire.
De même, l’apothéose aurait été plus belle en enlevant ce titre de plus de dix minutes assez peu fascinant qui clôt l’album. Il aurait été tellement plus beau de finir sur la sombre touche mélancolique du titre précédent.

Au final, l’odyssée est incroyablement dense et souvent époustouflante mais je pense définitivement qu’amputée de certains titres et ornementée d’un peu plus de variations, on tenait un monstre. Une belle frousse malheureusement plombée par sa longueur et sa redondance.


Rédigé par : Dark Rabbit | 14,9/20 | Nb de lectures : 13615