Neurosis est à la musique ce que la mystique est à la religion : la quête absolue de l’absolu. Cette quête menée depuis plus de 20 ans par les désormais six de San Francisco a débuté dans la rage d’un hardcore punk torturé en 1987. Puis au fil du temps et des rencontres, les Californiens ont posé les jalons d’un style, transversal et radical, le post-core.
Certains disciples se sont arrêtés à « Time of grace » (1999), « Given to the rising » ne les reprendra pas sur le chemin, car sans en être un prolongement direct, ce nouvel album est l’étape d’après « The eye of every storm » (2004) qui avait partagé les foules. Un étage de plus à la tour de Babel entreprise par le groupe pour atteindre la grâce ultime.
Car en terme de grâce, de perfection, de puissance et d’émotion vraie, « Given to the rising » se pose là. Évitons l’écueil de l’euphémisme en le qualifiant de « grand » et voyons ce qui en fait d’ores et déjà un des albums de l’année.

Le son de Neurosis est plus que jamais dantesque. Les guitares sont des montagnes, la batterie un torrent tumultueux, les vocaux des ravins sans fond. Et si j’évoque ce rapport à la nature brute, c’est que « Given to the rising » est d’une radicalité sans égale, un mur, une citadelle. Car pour l’auditeur, il s’agit bien de prendre une citadelle à l’écoute de cet album. La citadelle intérieure. Et c’est très clairement ce que nous indique l’extrait promo reçu avec l’album : « Given to the rising is a sound borne of that captivating and transcendent moment ». Cette fois c’est éloquent, et n’en déplaise aux fans de la première heure, le mot est lâché : Neurosis aspire à la transcendance…

Chez Neurosis, la transcendance sonore passe par le travail, et ce, à tous niveaux. La production est d’une densité assez incroyable et l’on se demande comment autant de structures et de textures assemblées ensemble peuvent à la fois co-exister et se distinguer les unes des autres. « Given to the rising » n’est jamais inaudible au sens brouillon du terme. Malgré l’intensité de certains moments ( « Distill » par exemple), chaque piste peut être isolée et étudiée par l’auditeur. Ce qui en fait un album complexe et complet sur lequel on reviendra en y trouvant à chaque nouvelle fois, un point différent de perspective d’écoute.
Le titre éponyme de l’album qui ouvre l’opus est une vraie synthèse des morceaux à venir. Il est l’alternance d’un riff rageur, « mastodontien » même, et d’une plage de sérénité électronique évanescente. Le déroulement qui en suit est fluide et surprenant, comme à chaque album de Neurosis. On ne sait pas quand va tomber le couperet du riff inquisiteur ou quand la puissance des guitares va laisser place aux murmures et aux plages synthétiques. Le fait est que c’est toujours au bon moment que cela se produit. L’inattendu est présent à chaque instant. En atteste un « To the wind » absolument magnifique, introduit par une mélodie simple mid-tempo, suivi d’un refrain noise rock entêtant, et s’achevant dans la longue complainte d’une tourmente sludge, signature désormais classique du combo. La démonstration même que ce groupe peut vous faire passer par tous les états de l’âme en huit minutes…

Vous l’aurez compris cet album est juste indispensable. Indispensable parce que seul ce groupe amène le style à ce niveau et parce que seul ce groupe fait sortir le post-core du guetto intellectualisant et, disons le, chiant dans lequel il a parfois tendance à tendre.
Une fois encore, l’aficionado sera plus que comblé et nourri de cette nouvelle production. Le novice sera tout autant subjugué que le pire des hérétiques contemplant le plafond de la chapelle Sixtine.
Ce Neurosis est un éblouissement.


Rédigé par : Be-on | 19/20 | Nb de lectures : 17564