(Réclamer le bûcher pour les chroniqueurs "objectifs" (rien que ces deux mots accolés sonnent comme un affront) ne m'épargne pas du devoir de transparence. J'ai participé à leur casting "A la recherche du nouveau Jacob Bannon", et suis reparti broucouille avec un pneumothorax sous le bras. Pas grave, je méritais pas le poste, et suis depuis en excellents termes avec les gaziers. Et surtout, ce skeud n'aurait jamais autant défoncé.)

HxC is the new Black? Si dans les nineties Cleveland en a été le premier bastion, si le début de notre décennie a vu l'Amérique du Nord engendrer des TEEN CTHULU et autres SPREAD THE DISEASE, c'est en France que le mariage a priori contre nature entre dans-ta-gueulisme hardcore et âpreté black metal fête ses noces de plomb. KICKBACK, CELESTE et désormais NESSERIA, trois groupes, et autant de manières de dégobiller sa haine et son désespoir à la face du monde. L'on savait, d'après leurs terribles splits avec THE GRIZZLY TWISTER et VENOSA, les Orléanais d'humeur belliqueuse, mais avec ce premier full-length, ces enfoirés viennent de placer la barre sacrément haut en matière de charclage sonore. Et leur hardcore chaotique CONVERGEsque de passer à la vitesse supérieure, au sens propre comme au figuré.

Succinctement, tu prends les plus sourds accès de violence rouleau-compressants de CONVERGE, l'ultrachaotisme d'un SHORA période perceuse plutôt que berceuse, le grind mural de NOSTROMO et le riffing nauséeux de CELESTE, tu les carres dans ta machine à laver et t'enclenches le mode essoreuse. Ces mecs sont pas là pour te vendre de la lessive, mais vont littéralement TE LAVER LA GUEULE. Et fallait pas compter sur la prod' monumentale du Drudenhaus Studio pour servir d'adoucissant, puisque les étourdissantes pluies de blasts (quoique vu la densité, on parlera de murs) font à peu près l'effet que génèrerait une Kalashnikov chargée au mortier. Les lascars ont la science de la déflagration grindoblackcore annihilatrice judicieusement placée comme celle de la dissonance à la limite du soutenable ("Ministère de la concurrence culturelle", "Le Quatrième âge"), et, de breaks musculeux en écrasants ralentissements CELESTE (le groupe, pas l'adjectif), torchent un premier album éprouvant, qui, pour les loques qui lisent en diagonale, se résumera à : GUERRE TOTALE+POLITIQUE DE LA TERRE BRÛLÉE. Plus rien ne repoussera après ça.

Vu l'intensité rare de ce vortex d'ultraviolence, on ne s'étonnera pas qu'ils aient laissé sur le carreau un quintal de hurleurs. Mis au pied du mur lors de l'enregistrement, c'est leur bassiste, Julien, qui se charge de jouer les chansonniers sur l'album. Et de tous ceux qui sont passés avant lui, il est celui qui vomit le plus loin ses tripes, véritable Jacob Bannon version punitive, monosyllabes expulsées façon fusil à canon scié dans l'abdomen. Une animosité palpable, une agression limite physique, et un choix logique quand on sait que c'est lui qui torche depuis toujours ces textes d'une violence et d'une lucidité qui te fourrent le nez dans ta propre merde, arrivant à faire sonner le français comme peu l'ont fait avant lui. De l'art de la punch-line cinglante, aux antipodes de tout cliché.

Niveau remontrances, à part une ou deux longueurs dispensables (ou qui manquent d'ampleur?) dans les parties lentes, rien à signaler. Moins "fou" que ses prédécesseurs mais plus intense et remonté que jamais, cet album est un authentique condensé de sauvagerie cathartique (une première moitié d'album totalement soufflante), accouché dans la douleur. A l'heure où brasser du vent n'indigne plus personne et où les postures de branleurs sont surtout là pour masquer la vacuité de leur musique, NESSERIA déballe ses tripes façon seppuku et vient remettre quelques pendules à l'heure. Avec la délicatesse d'un coup de cutter dans le coeur.


Rédigé par : Crown_Me | 18/20 | Nb de lectures : 14723