NEHËMAH – Shadows from the Past… (Oaken Shield/Adipocere Records) - 05/03/2003 @ 11h46
La seconde charge des corbeaux savoyards de Nehëmah lance son cri primal du cœur d’un marais infect et purulent, comme un signe éloquent du refus d’aseptiser, du rejet des chemins engorgés d’indigestes prétendants et de calcutateurs. Une petite immersion dans les critiques jetées à la face de « Shadows from the Past… » permet de se faire une idée amusante mais somme toute symptomatique de l’état d’esprit des fans lorsqu’ils sont confrontés à leur X-ième sortie de black metal typé Norvège début des années 90… Qu’y reproche-t-on en priorité à Nehëmah ?
Une parenté avec les vieux Darkthrone qui pousserait trop loin la consanguinité : en clair ce que fait Nehëmah aujourd’hui, Darkthrone l’a déjà fait il y a dix ans. Déduction logique et inébranlable – que n’aurait pas reniée Terry Jones et son ineffable personnage de Sir Bedevere (cf. la scène culte de la sorcière dans « Monty Pythons anf the Holy Grail ») : l’original est forcément bien supérieur à la « copie », soit le vieux préjugé de la prime à l’ancienneté érigé en dogme. Mais en est-on bien sûr ? Si on veut bien se donner la peine de contourner le biais du culte et du temporel (ce que 90% des personnes concernées ne feront pas, aucune illusion à ce sujet), lequel des deux groupes demeure le plus intéressant à l’écoute ? Le jugement n’est pas aussi unilatéral qu’on pourrait l’affirmer. Rapidement, Darkthrone ont pour eux la quantité, le contexte géographique et un contrôle patenté de la monotonie hypnotique, Nehëmah ont à mes yeux des compositions nettement plus solides et captivantes sur la durée. Enfin le but de cette chronique n’étant certainement pas un comparatif inter-groupes, je m’arrêterai à cette conclusion laconique qui n’est là que pour montrer la relative absurdité de juger une œuvre en l’étalonnant systématiquement par rapport à des concurrents d’une autre époque dont on sait à l’avance qu’ils emporteront le bout de gras. Malheureusement cette façon obtuse et superficielle de raisonner est enracinée tellement profondément dans le ciboulot du black-métalleux lambda que, même sans malveillance aucune (ça arrive…), on ne compte plus les groupes méritoires dont la carrière s’est étiolée à l’ombre dévorante des précurseurs. Je ne cesserai pas d’en être stupéfait…
Le second reproche généralement fait à l’album est déjà beaucoup plus pertinent sur le fond : « Shadows from the Past… » n’apporterait pas la confirmation escomptée après le retentissant « Light of a Dead Star » sorti l’an passé à la même époque. Ce n’est pas entièrement faux, il n’y a plus ici de « Light of a Dead Star » (le morceau) ou de « Nehëmah in Vulva Infernum », donc pas d’hymne emblématique pour porter l’album sur ses épaules. Tout de suite ça fait comme un vide qu’il faut absolument combler par un songwriting consistant de bout en bout et une réalisation sonore au moins équivalente à celle du devancier. Or, concombres et consternation générale, Nehëmah donnent l’impression d’avoir souscrit à un processus régressif dans ce domaine : la caisse claire nage assez souvent dans les basses, masquée par les cymbales ; la guitare est devenue rachitique ; la basse, pourtant apanage du leader Corven, ne fait un timide coucou qu’à ceux qui disposent d’un casque ou d’une hi-fi de gamme très correcte ; le chant apparaît lacéré, dénudé et livré à lui-même avec, c’est le moins que l’on puisse dire, beaucoup moins de relief que sur l’album précédent. Même s’il ne faut rien exagérer, on a du mal à croire que c’est le même producteur aux manettes sur les deux albums (Ludovic Tournier). Laid et primitif, tels sont les deux adjectifs que l’on emporte d’une écoute de « Shadows from the Past… ». Et là où le bât blesse, c’est que « laid et primitif » est ce à quoi tout le monde s’accorde par bonne conscience à associer le black metal dit « intègre », mais aussi ce à quoi paradoxalement peu de monde a vraiment envie de le voir ressembler… ce qui – pardonnez le tableau – se rapproche de l’attitude courue qui consiste à faire l’apologie en salon d’un cimetière au clair de lune et à côté de trouver cela tellement ringard d’aller soi-même humer la terre fraîche et le marbre au chant des lucioles. Enfin voilà, la messe est dite, inutile de chercher plus loin, Corven a fourvoyé son inspiration, sa musique s’est atrophiée, elle n’a plus aucun intérêt, basta et allons voir ailleurs !
Et puis non, restons, vautrons-nous sur une chaise dans le noir absolu et repassons-nous l’album encore une fois. Et tendons l’oreille… la réponse n’est pas loin. Une fois passé outre la frustration initiale de l’absence de jonction avec le premier album, on est plus à-même de juger avec la tête froide et de se rendre compte que l’accusation d’indigence n’a vraiment pas lieu d’être. Le premier titre « Black Winds over the Walls of Csejthe » inaugure une voie ombrageuse avec son évolution dynamique et ses brusques mélodies perçantes surlignées de quelques synthés mis en œuvre avec une juste économie. Un premier uppercut gagnant sur toute la ligne, vite suivi d’un crochet du droit assassin en la personne de « Sønner av den Fimbulvetr ». Sur ce morceau au tempo toujours montant et au jeu sobre, Corven appuie au maximum la haine contenue dans sa gorge et fait grimper la nausée sur un arrière-plan ouvertement hostile. Bis repetita avec « The Thousand Tongues of Medusa », encore un morceau dépouillé, paralytique, qui se fonde cette fois sur la dualité entre l’agonie gutturale désormais familière (mais pas moins inquiétante) et une petite collection de courtes mélodies lisibles et rythmiques faisant surgir de par l’envoûtement qu’elles engendrent le reflet immonde et pétrifiant de la gorgone dont il est question dans les lyrics. Le candidat suivant, « Warlock », est probablement le point d’orgue de l’album tout en n’ayant rien d’exceptionnel à présenter au premier chef, tout simplement un morceau typiquement Darkthronien balayé par une rage typiquement Nehëmienne, tout en beats tertiaires bornés comme c’est pas possible et en pluies de cymbales, lézardé d’accélérations foudroyantes et cimenté par des guitares fièrement brandies en barricades inébranlables à défaut d’innovantes : tout simplement un petit chef-d’œuvre de black nocturne et oppressant. On saute l’archi-traditionnel – mais non moins vaillant – « Siguilum Sanctum Lycantropia » pour se retrouver avec le titre éponyme, le seul qui n’ait pas été écrit par Corven, mais par un certain Vanes (les experts à l’aide). Ici, la batterie est laissée au repos et tandis que chuchote le blizzard et que la basse joue le rôle du métronome, c’est au gré d’une dérive infinie gorgée de cris immoraux et d’interminables raclements de cordes saturées que l’on progresse toujours plus bas dans les entrailles de la démence, dont on finit tout de même par émerger, éprouvé mais pas rompu – le supplice ne durant pas assez longtemps pour cela (« seulement » 3’44). « Selvmord » démarre sur un rythme processionnaire, comme s’il se posait en continuité de son prédécesseur, la batterie en plus. A la minute toutefois, le martèlement méthodique reprend son cours et révèle un nouveau blasphème dans la droite ligne de « Warlock » (et donc de « Transilvanian Hunger », n’en déplaise à ma petite diatribe…), en moins mémorable et avec des leads, c’est à signaler, de plus en plus tordus et acides. A la mort de la dernière note, il ne reste plus qu’à refermer dignement le grimoire… quoiqu’il soit de mon devoir de signaler que vous trouverez à la plage 33 une reprise de Bathory, mais ne m’en demandez pas le titre, ni si l’interprétation est fidèle, pour moi ça sonne comme un morceau de Nehëmah supplémentaire avec peut-être un feeling thrash accentué aux entournures. Enfin il y a une plage vidéo – qui, paraît-il, n’apparaît que sur les promos et les 200 premières copies – du clip de « In October Nightshades » (de « Light of a Dead Star »). Rien de spectaculaire, si ce n’est la certitude que le groupe possède sur scène une indéniable emprise malgré un jeu statique.
En somme Nehëmah choquent avec cet album : ils choquent en fait ceux qui avaient aimé « Light of a Dead Star » de travers, ils choquent surtout ceux qui ne peuvent dissocier le facteur divertissement de leur consommation musicale. Non, nous disent Nehëmah, le black metal n’est pas là pour amuser la galerie, n’est pas là pour racoler, n’est certainement pas là pour faire à chaque voyage tripper le client de sensations fortuites par des riffs illustres et obligeants – ceci arrive mais ce n’est pas un dû. Le black metal – leur black metal – est là pour empoisonner les tympans, pour montrer les crocs, pour semer la terreur, pour transpirer une rancœur qui ne peut prendre chair que par l’obscénité et la disgrâce. Il n’a rien de gratuit à offrir et il est vain d’en attendre des arrangements convenus ou des poncifs. En ce sens la démarche de Nehëmah m’évoque celle de Nocte Obducta sur le contrepied acerbe et excellent « Schwarzmetall », voire – toutes proportions gardées – celle de Blut aus Nord sur « Mystical Beast of Rebellion ». On peut les ignorer si on n’aime pas, mais leur cracher dessus c’est tout simplement souiller la bannière du black metal – soyons intelligents et évitons, nous ne savons pas s’il en reste de rechange…


Rédigé par : Uriel | 14.5/20 | Nb de lectures : 9339




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Commentaire
Gepeto
Invité
Posté le: 05/03/2003 à 17h19 - (2296)
Ptét' bien, mais ridicules qd ils prétendent apprendre à des gars comme Satyr ce qu'est le BM... Ca leur enlève de la crédibilité...

corbo
Invité
Posté le: 05/03/2003 à 17h36 - (2297)
inintéressant et chiant

le vrai true
Invité
Posté le: 05/03/2003 à 23h12 - (2302)
y sont même pas true ... eux !

Gillou
Invité
Posté le: 06/03/2003 à 09h32 - (2305)
D'accord avec Gepeto...
Ils font de la bonne musique mais ont une mentalité un peu à chier...
C'est un peu comme les gars d'Arkhon Infaustus, qui ne se prétendent 'pas nazis, mais bien pires que ça, les fachos trouvent qu'on va trop loin' (dernier H'NH)
C'est sûr qu'avec de telles réflexions, la scene métal va gagner en crédibilité...

Nekobibu
Membre enregistré
Posté le: 06/03/2003 à 16h15 - (2311)
Le problème, avec certains représentants de la scène française, c'est qu'ils sont tellement nuls qu'ils sont obligés de jouer la carte de la provoc pour se faire connaître... C'est pas avec ça que les media verront dans la France une force avec laquelle compter...
Heureusement qu'on a quand même quelques groupes excellents noyés dans cette mare de médiocrité...

popov
Invité
Posté le: 06/03/2003 à 16h58 - (2314)
Disons que les groupes de true beu meu essaient de cacher une certaine vacuité artistique derrière une pseudo éthique, un "esprit" norvégien (quand on vit ds la France profonde, viens me dire ce qu'il y a de norvégien là dedans) Que des justifications qui sont maintenant prises au pied de la lettre, les mecs font un truc merdique pour faire un truc merdique et se drapent dans leur éthique BM... je vois pas pourquoi on pourrait pas dire que c'est à chier rien que parce que "tu comprends, c'est l'esprit black qui veut ça".
Pour bien rigoler, faut lire ces mecs en interviews, ils sont géniaux, on dirait Jean Claude Van Damme, mais avec plus de maquillage.

glups
Invité
Posté le: 06/03/2003 à 17h19 - (2315)
Putain mais tout est dans le nom du groupe .... enfin surtout dans leur 2 dernieres lettres :
NEHËMAH

AH
AH
AH


Jeandi
Invité
Posté le: 06/03/2003 à 21h02 - (2318)
ENtièrement d'accord avec vous les gars, mais je pense qu'on tient quand même un beau morceau en France avec Arkhon Infaustus. Leur dernier album est une tuerie. Et pourtant je déteste les groupes français...

Gillou
Invité
Posté le: 07/03/2003 à 16h52 - (2325)
Ah mais c'est sûr, arkhon infaustus fait de la bonne musique, y a pas à chier...
c'est juste qu'ils ont une mentalité de merde, pour rester poli...

Dark whisper
Invité
Posté le: 24/04/2003 à 17h32 - (3196)
Une petite info pour Uriel : Vanes, c'est pour Vanessa, la femme de Corven...

ars
Invité
Posté le: 13/08/2003 à 00h23 - (4883)
Apprendre a Satir a faire du black. HA HA HA HA HA HA HA . IL se prennent pour qui eux ?

Brutal Nounours
Invité
Posté le: 21/03/2005 à 01h27 - (14270)
Nekobibu, cite des exemples d'excellents groupes parce que là, tu parles pour rien dire. Tu te contentes juste d'ouvrir ta gueule sans rien expliquer ou apporter quelque chose de constructif. Ton commentaire est passe partout et peu s'appliquer à n'importe quel groupe, même tes groupes préférés.

Popov, tu critiques un style que tu n'aimes pas. Quel est l'intérêt à part le fait de se faire mousser ou de se conforter dans ces certitudes ? Moi, est-ce qu'il me viendrait à l'esprit de critiquer des groupes de Hardcore alors que je n'y connais rien et que je n'aime pas ce style ? Admettons que je n’aime pas ton style favori, est-ce que je viendrais m’incruster avec un air imbus de ma personne en affirmant que tu écoutes de la merde alors que j'y connais que dalle pour être capable de juger en toute impartialité ? Non. C'est une question de logique et de fiabilité mon petit.

Gillou, tout le monde ne pense pas aussi bien que toi. Avant de critiquer tous ceux qui ne partagent pas la magnificence de tes idées, commence par tolérer les discours que ton étroitesse d'esprit est incapable de tolérer, parce que je vais te faire une révélation : c'est toi le gros intolérant sur ce coup là mon gars. Je déteste les gars qui se proclament défenseurs de la veuve et l'orphelin, en crachant sur tout extrémisme alors qu'ils se comportent eux-mêmes comme des vrais talibans avec leur bonne morale de psychorigide.




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