Y a-t-il un intérêt quelconque à chroniquer ce disque dans VS ? C’est la question que je me posais depuis quelques mois avant de passer à l’acte. Nous sommes en la présence d’un disque sorti voilà presque un an dans la confidentialité d’alcôve d’une poignée d’initiés. Un album bénéficiant d’un pressage à 2000 copies qui s’est retrouvé épuisé à peine quelques semaines après sa sortie ; un groupe qui a déjà à son actif quelques démos et splits absolument introuvables ; un groupe dont on ne sait rien ou presque, qui se refuse à rejoindre les réseaux trop médiatiques de la communauté myspace, qui n’apparaît que rarement dans les médias, dont on compte les interviews sur les doigts des deux mains ; un groupe qui se cache derrière l’anonymat de pseudos plus ou moins kitch ; une musique qui trimballe toutes sortes de clichés morbides et blasphématoires qui donne à penser qu’il y a vraiment des pieds occultes qui se perdent. Et enfin, un album dont d’autres ont déjà parlé bien avant et sans doute mieux que je ne m’apprête à le faire.
Alors pourquoi perdre ce temps précieux pour déverser une prose stérile et dépassée avant même d’être couchée ?
Tout simplement pour me faire plaisir mes mignons.
L’article qui suit n’a d’autres objectifs que d’assouvir un besoin de chronique masturbatoire et de combler une terrible lacune dans nos colonnes. Bien entendu, si cela permet à quelques-uns d’entre vous de découvrir le phénomène NECROS CHRISTOS, ça ne sera pas un mal. Mais revenons à notre sujet.

D’une certaine façon on pourrait affirmer que le trio berlinois a bénéficié d’un sacré buzz pendant cette dernière année écoulée. 2007 a véritablement été l’année de NECROS CHRISTOS alors que nous n’aurions pas été nombreux à parier un rouble sur le groupe lors de ses débuts. Composé d’un seul et unique membre se défoulant dans sa cave avec une boîte à rythme et son synthé, le « Christ mort » était au moins aussi palpitant que les perspectives de voir un film d’auteur moldave non sous-titré. Une paire de recrues et quelques cinq années plus tard voilà donc le premier album des Teutons impies « Triune Impurity Rites » et son visuel découlant d’une forte influence des sciences occultes et plus précisément satanistes omniprésentes dans le style CHRISTOS.

Un coup d’œil rapide sur le livret et son étalage, d’ossements et de postures des protagonistes dignes des photos les plus hilarantes du métal brésilien. Le temps également de s’apercevoir que « Triune Impurity rites » se décline en 23 plages pour près d’une heure de sabbat et on enclenche la rondelle de plastique dans le lecteur.

La première chose qui frappe l’auditeur au bout d’une première écoute, c’est cette facilité dont dispose NECROS CHRISTOS pour nous faire avaler ses couleuvres soi-disant blasphématoires. Musicalement le groupe se contente de nous servir un death metal lorgnant vers le minimalisme d’un black old school. Les tempos sont plutôt modérés mais s’alourdissent régulièrement jusqu’à s’étirer dans les riffs lâchés du doom. Le chant d’outre-tombe, souvent délivré sur un mode incantatoire ou parfois doucement chuchoté, s’accompagne presque systématiquement d’une réverbération. Mais ce qui fait sans doute tout l’intérêt d’une galette comme celle-ci, c’est l’ambiance quasi fascinante que le trio arrive à distiller avec des moyens d’une incroyable sobriété.

Je précisais quelques lignes plus haut que ce premier album se déclinait en 23 plages mais pour être plus exact il n’y a guère plus qu’une douzaine de titres sur ce disque. Le reste des plages étant monopolisé par des interludes que le groupe place méthodiquement avant chacune de ses chansons. Des interludes qui jouent la carte de la simplicité et du dépouillement. NECROS CHRISTOS ne cherche pas à faire du sensationnalisme de Prisunic pour nous initier à sa musique, pour nous préparer à un ténébreux voyage. Il suffit de quelques notes de guitares classiques, de ritournelles moyenâgeuses, du glas lugubre d’une cloche, de quelques incantations pour que des images de cultes oubliés, d’exhumations nocturnes, de visites de catacombes perdues se dessinent dans notre inconscient. NECROS CHRISTOS ne cherche pas à choquer à provoquer ou à avoir l'air plus trve ou iveul que le commun des petits chanteurs à la croix renversée. Il se contente simplement de délivrer imperturbablement son message.

Découpé en trois actes respectivement intitulés “The Three Cultmysteries according to the Torments of the Damned”, “The Three Cultmysteries according to the Ceremonies of Goetia” et “The Three Cultmysteries according to the Rites of Necro-Demonomancy”; “Triune Impurity rites” se savoure dans son intégralité comme une sorte d’opéra funeste, de périple nocturne, d’oraison funèbre. Ecoutez un unique titre de ce disque priverait indéniablement l’auditeur de ces atmosphères si réussies et rétrograderait NECROS CHRISTOS au simple rang de groupe death/black à tendance doom influencé par les structures simples des premiers CELTIC FROST alors que ce trio nous produit ici bien plus que cela.

Cerise sur le caveau, à aucun moment, on ne mesure exactement la part de sérieux qu’il peut y avoir derrière l’idéologie sataniste du « grand NECROS CHRISTOS ». Le groupe chemine adroitement sur le mince fil qui sépare la fumisterie, du satanisme convaincu si bien qu’on se demande un peu à quel degré ces incantations seraient à prendre. Nos Berlinois sont-ils de véritables initiés versés dans les sciences occultes ou se foutent-ils tout simplement de notre gueule parce qu’on voudrait volontiers y croire ? Existe-il une part bien cachée d’humour dans ces ténèbres abyssales et claustrophobes ? Il faudra bien en avoir le cœur net un jour ou l’autre.
Pour l’heure, je vous recommande chaudement de jeter une oreille sur cette petite merveille qui m’a rendu plus prolixe qu’à l’accoutumé. Tentez l’expérience d’une promenade nocturne ou, tout simplement, du refuge de l’obscurité pour vous mettre cette galette entre les oreilles, effet garanti.
La version vinyle limitée de « Triune Impurity Rites » est annoncée pour bientôt. Il me tarde déjà de mettre la main dessus.
Pour finir "Triune Impurity Rites" mériterait la sélection VS mais cela serait faire injure à leur démarche mystérieuse et confidentielle.


Rédigé par : Tonton | 999/20 | Nb de lectures : 14275