Alors que la communauté du métal porte encore le deuil de Jesse Pintado, leur ex-guitariste foudroyé dans sa trente-septième année des suites d’un coma diabétique, NAPALM DEATH célèbre déjà son quart de siècle d’existence avec un douzième album qu’on pourrait presque qualifier de synthèse.

Toujours prompt à nous surprendre, c’est par une intro étrangement atmosphérique que NAPALM DEATH a choisi de démarrer ce « Smear Campaign » ; une intro marquant l’une des deux apparitions de leur unique guest sur cette galette, j’ai nommé Anneke Van Giersbergen. Mais c’est toutefois sur le titre « In Deference » que l’apparition de la naïade à la voix d’or de THE GATHERING est la plus distincte. N’allez pas croire pour autant que NAPALM DEATH a opté pour une aseptisation de leur musique. La participation d’Anneke se résume tout au plus à un clin d’œil, à quelques phrases de fond sonore qui n’ont qu’une portée anecdotique sur la teneur de cette galette.

En fait c’est très rapidement que NAPALM DEATH passe aux choses sérieuses dès le second titre « Sink fast, let go » qui déboule comme une véritable décharge d’adrénaline. Mitch Harris d’habitude relégué à des backing vocals occasionnels, s’exprime ici sur toute la durée du morceau par ses braillements aigus et nasillards, héritage direct du passé punk et des vieilles influences nippones des ennemis du music business. Du reste, la participation au chant de Mitch n’aura jamais été aussi importante que sur ce disque puisque ses cris décharnés reviennent sur la quasi totalité des morceaux.

Autre vestige de leur passé musical, NAPALM DEATH nous administre également avec « Smear Campaign » un certain retour au death par des breaks, des plans lourdement métalliques. Est-ce à cause du retour d’une de leur idoles sur le devant de la scène? Mais quelques passages de cette nouvelle offensive semblent directement inspirés de l’immense CELTIC FROST. Je pense tout particulièrement à ce break bien heavy qu’on découvre vers la seconde minute d’un morceau comme « Fatalist » ou encore l’intro de « Identity Crisis » dont le son de guitare semble tout droit venu de « To Mega Therion ». Notre irremplaçable Barney, se substituant à un improbable Thomas Gabriel Fisher, y va même de quelques « Hough » très appuyés, histoire de bien nous faire sentir l’hommage, ici distillé.

Toujours marqués par la musique des SWANS, NAPALM DEATH ne rechigne pas devant une paire de passages plus lents voir même plus ambiants comme le final de « Smear Campaign » (le morceau) et quelques petites dissonances subtilement intégrées dans un disque qui est, en définitive d’une rare violence. Malgré un léger retour au death et des clins d’œil plus ou moins marqués pour certaines de ses influences (SWANS, GAUZE, SOB), « Smear Campaign » est en fait un album particulièrement brutal qui développe une force de frappe colossale. Difficile d’imaginer que c’est un être humain normal qui assure la mitraille rythmique des blasts supersoniques. Ajoutez à cela les riffs parfois presque « cosy » mais principalement hyper nerveux du père Harris et la voix déformée de notre bon Barney et vous commencerez à avoir une idée de ce qui vous attend ici.

Réinventant sa musique une nouvelle fois, NAPALM DEATH nous propose un disque directement inspiré par le passé mais irrésistiblement tourné vers l’avenir. Avec des textes toujours aussi énervés et des revendications chaque fois plus marquées. NAPALM DEATH a encore bien des choses à nous dire et du reste, le jour où Barney ne se fera plus le porte-drapeau des altermondialistes de tout poil, il y a fort à parier qu’il ne tire définitivement sa révérence. Au rythme où vont les choses dans notre pauvre monde, ça devrait nous laisser un autre quart de siècle avant que ça n’arrive.

Pour revenir à « Smear Campaign », NAPALM DEATH signe, ici, un disque sans doute un peu moins réussi que ne pouvait l’être « The Code is Red » ou « Enemy of Music Business » mais ce nouveau disque ne devrait pas décevoir les aficionados du bon grind avec un G majuscule.


Rédigé par : Tonton | 16,5/20 | Nb de lectures : 16941