Ah ! Blake Judd… Lui, c’est une vraie anguille. On l’attend par la droite et il nous revient par la gauche. Insaisissable le mecton ! C’est peu de le dire car lorsque ce dernier annonça que la deuxième partie de son Black Meddle serait consacré aux junkies, je m’attendais à une plongée dans une de ces jams psychédéliques dont il nous a abreuvés lors de ses deux dernières livraisons. Eh bien non (enfin pas tout à fait), le pépère va déjouer les pronostics et ainsi éviter les lieux communs.

Alors que les deux misanthropes de Darkthrone nous refont un remake de « Chérie, je me sens rajeunir » et finiront par jouer dans la même cour que The Baseballs, Blake lui, nous la joue plutôt « Retour vers le futur » puisque après avoir visité les 70’s, il pointe finalement son pif d’explorateur dans les années 80. Non seulement, Blake garde son côté Black Floydien mais rajoute une bonne louche de Post-punk/Indus/New wave. Il semblerait que le père Judd s’est infusé une bonne dose de Killing Joke -entre autres-dans les portugaises.

Il en découle des morceaux bien plus structurés que les deux dernières livraisons. En effet, il n’était pas rare que je fasse les gros yeux devant certains titres qui ressemblaient à une jam improvisée lors de l’enregistrement. Ce n’est plus le cas, on assiste à un revirement presque « pop » via un agencement classique couplets/refrains. De plus, il n’est pas rare que les refrains se parent de chœurs en voix claires qui sonnent très prog un peu à la manière d’un Ludicra .

Killing Joke… Il suffit d’entendre ce riff haché vraiment dansant lors de l’introduction de "Nightfall" pour se convaincre de cette orientation Post-Punk/New wave. De plus, plusieurs titres présentent une batterie électronique couplée à des synthés réfrigérant typiques de toute cette scène. A ce titre, on citera l’hypnotique et obsédant "No Funeral" ou le plus dansant "Ruined Life Continuum".
Malgré cette nouveauté, Judd n’oublie pas pour autant son goût pour le prog en intégrant des soli ou des passages instrumentaux toujours aussi Floydiens comme sur le très long "The End is Eternal" ou les plus planants et mélodiques "Addicts" et "The Fires".
Mais le maître d’ouvrage nous réserve quelques surprises comme ce drôle de "Blood Trance Fusion" où ce mid introductif dissonant presque Southern m’a vaguement rappelé Primus se voyant prolonger par un pur instant d’agression Punk. Il n’en oublie point pour autant le Black et ce dès le premier véritable titre ("High on Hate") avec ces trémolos assez classiques.

Surtout, il faut absolument que je vous évoque le morceau le plus iconoclaste et le plus incroyable de la galette : "Every Last Drop". Ce morceau vient conclure votre overdose et je dois avouer que j’en suis resté sur le fondement. Imaginez les arpèges d’une guitare sèche sur une rythmique Doomesque où viennent s’échouer un chant grave proche du râle, un clavier aux sonorités hypnotiques rappelant aussi bien la bande son d’Irréversible ou le Cure de "Pornography" et au loin, le chant clair de Bruce Lamont (Yakuza), telle une plainte tribale amérindienne, vous plonge en transe. Du Doom-Folk ! Ce titre me retourne à chaque nouvelle écoute, un très bel instant de désespoir !

Au niveau décor, on retrouve une grosse partie du super projet Twillight car outre Judd, Sanford Parker (Minsk) apporte sa science du clavier distributeur de glaçons et Wrest (Leviathan) vient nous ramoner avec son matraquage de fûts. A ce titre, je dois avouer que le batteur misanthrope m’a plutôt surpris sur certains passages comme lors de "The End is Eternal" où l’on se voit gratifier d’ornements de cymbales vraiment bien foutus. Sinon, on retrouve l’immuable Jeff Wilson et le petit nouveau Will Lindsay (WITTR) à la basse.

Album complètement déroutant, étonnant… Il s’agit probablement de l’œuvre la plus audacieuse proposée par Judd et en même temps la plus aboutie. Le mélange se révèle assez unique et définitivement accrocheur grâce à ces structures « pop » et ce côté dansant New wave. Bon, tout n’est pas complètement ultime. Il n’est pas interdit de penser que "No Funeral" se montre trop répétitif et donc un peu longuet. De même, on regrette parfois que tout l’album n’atteigne pas l’émotion du final.

L’œuvre demeure un grand moment inclassable conférant le statut d’artiste passionnant à son géniteur dont j’ai déjà hâte d’écouter les prochaines dérives musicales.

PS:j'aurais dû préciser mais il faut être très open bar pour apprécier ce skeud décalé.




Rédigé par : Dark Rabbit | 16,5/20 | Nb de lectures : 14761