Si vous êtes comme moi, vous devriez avoir atteint le seuil de tolérance autorisé aux drakkars en carton, aux haches en plastique et aux gigues festives. C’est le principe des modes, d’horribles capitalistes nauséabonds attrapent un phénomène, le violent, le surexploitent jusqu’à le vider de toute substance et le laisser moribond sur le quai sans que ce dernier puisse participer à la prochaine invasion.
C’est donc dans ce contexte où l’excès n’a d’égal que l’insipide que voit naître le septième opus de Mânegarm. Jamais gagnant, toujours placé et mu par une opiniâtreté à toute épreuve, Mânegarm pourrait finalement recueillir les fruits sur la tête de leurs voisins de palier navigant aux confins de la médiocrité.

Loin des fariboles festives, le groupe annonce la couleur dès la pochette qui a revêtu ses plus beaux habits noirs. Il faut bien se rendre à l’évidence, les Suédois reviennent et ils ne sont pas contents. Le plus frappant lors des premières écoutes c’est un aspect véritablement frustre dans le rendu. L’orchestration minimaliste et dépouillée avec ce violon dénudé et archaïque venant sublimer le reste, renforce cette idée. Une véritable envie d’en découdre se dégage tout au long des neuf titres. Même les vocaux clairs apparaissent comme arrachés, à la limite de la rupture. Le reste du chant est au diapason, ça grogne à tout va.

Les Vikings débarquent sur la plage pour vous latter les miches à grand coup de drakkar dans les dents. La musique est à l’avenant car même si on retrouve les classiques cavalcades heavy typiques du folk metal, on décèle de véritables instants de brutalité.
Il suffit d'écouter "Vertrarmegin" avec ses blasts et son côté black foutrement agressif.
Mais le plus atypique, ce sont ces riffs lourds, gras et sombres comme ceux qui ouvrent l’album de manière menaçante.
Tenez, prenez "Nattsjäl Dromsjäl", un titre en apparence classique avec son amorce speed, son violon et son ambiance éthylique jusqu’à l’instant fatal où les Vikings vont mettre à sac le pit en balançant une mosh part d’une écrasante puissance. C’est qu’il y en a des crânes qui vont perdre leurs cheveux ! On a le droit à du bon headbang bien lourd ce qui est assez surprenant pour le style.

Malgré la brutalité, Mânegarm sait mettre les formes. Il y d’abord ce violon qui vient titiller les guitares et même les défier sur le morceau de bravoure "I den Svartaste Jord". Les Suédois insufflent aussi une dose de mélancolie par le biais de chœurs guerriers et de guitares acoustiques.
Après la bataille, le Viking aime à pleurer ses camarades tombés sur le champ de bataille. C’est ainsi que l’album se clôt sur deux titres mélancoliques dont un dernier morceau à la guitare sèche (ou presque…). A ce titre, je trouve fort dommage qu’ils se soient sentis obligés de rajouter un crescendo électrifié sur le final. La conclusion était somptueuse dans sa sobriété et son dépouillement, nul besoin d’artifices.

Une fois les dernières cendres retombées sur les ruines fumantes du carnage, on peut entrevoir quelques défauts à cet art de la guerre.
Tout d’abord, l’auditeur a l’impression qu’on a relégué par défaut les deux morceaux « mous » en fin d’album. De ce fait, la construction de l’œuvre se montre bancale car ces deux titres dénotent franchement par rapport aux trois premiers quarts bien que variés et ponctués d’un interlude, se révèlent homogènes. De ce constat découle un léger sentiment de redondance entre les titres.
L’autre point noir est que cela reste finalement assez convenu. Il manque d’une part la singularité et d’autre part l’ambition et le souffle que possède Arkona par exemple.

En dépit de ces critiques, j’adresse Mânegarm un grand merci.
Merci pour cette authenticité, cette hargne, ce bon goût du terroir dans une scène en pleine indigestion de combos factices.
Merci de nous rappeler que les Vikings n’étaient pas que des gentils poivrots juste bons à exécuter la danse de Saint-Guy avec des trolls.

Du viking pour tough guy !!!
In your face motherfucker !!!


Rédigé par : Dark Rabbit | 15/20 | Nb de lectures : 11544