MYSTIC FOREST – Waltz in the Midst of Trees (Sacral Productions/Adipocere) - 27/12/2002 @ 14h43
Ca fait quand même un petit moment que l’ami Stefan Kozak est dans la place et arrose le paysage alternativement avec ses deux âmes damnées Eikenskaden et Mystic Forest. Qui suit l’actualité du metal avec un minimum de bonne volonté doit être au moins une fois tombé sur un descriptif éberlué ou carrément perplexe devant cet « OVNI » musical qui à première vue aurait pour seule fonction de trépaner l’oreille interne plus sûrement qu’un coton tige serti de fil barbelé. Toutefois un indécis devenant rarement un détracteur, l’unicité du « style » Kozak a fini par faire boule de neige et rallier un solide noyau de disciples à sa cause. N’ayant pour ma part eu connaissance que de l’album « Black Laments Symphonie » d’Eikenskaden – une écoute douloureuse mais porteuse au final de bien des satisfactions – je me plaçais jusque là plus en observateur qu’en parti-pris. Jeté dans ma boîte aux lettres un samedi matin saturé de grisaille (les meilleurs…), « Waltz in the Midst of Trees » a changé cette perspective neutre du tout au tout… très rapidement, ajouterais-je, si cela peut donner une première indication. Tout d’abord il convient de tirer un premier coup de chapeau à la production, sage amalgame de cette rugosité presque primitive qui fait la marque de fabrique du groupe et d’une capacité d’accueil adéquate pour la paillassée d’éléments endémiques qui feront de cet album un summum d’originalité débridée. La guitare crépite de bon cœur et se laisse allègrement marier avec des percussions percutantes pour une combinaison qui saisit son bonhomme directement aux tripes et à l’instinct bestial. Mystic Forest est black metal, aucun doute n’est permis. Et au diable les apparences, c’est même l’un des groupes de plus en plus rares qui n’en bradent pas l’esprit par opportunisme ou désinvolture. Les blasts foisonnent, éclatent de toutes les configurations rythmiques possibles et font gronder l’orage de sorte qu’aucun morceau n’échappe complètement à la foudre. Là-dessus les vocaux, quoique traficotés à l’extrême (encore un signe distinctif maison), renferment leur lot de vindicte et de haine pure, immédiatement palpable. Quoi de plus black metal ?
En refuge de toutes les faims d’expérimentations de son maître, Mystic Forest accueille une multitude d’hommages à certains compositeurs classiques parmi les plus marquants (Bach, Beethoven, Tchaïkovski…), dont les partitions sont ni plus ni moins intégrées aux morceaux, que ce soit à la guitare solo dans le feu de l’action ou bien lors d’intermèdes symphoniques. Je ne fais pas mystère de ma noire circonspection habituelle lorsque j’entends parler de remises au goût du jour d’œuvres orchestrales par des groupes de metal. La musique classique au sens large est en effet extrêmement délicate à sortir de son contexte – d’autant plus lorsqu’il s’agit de morceaux légendaires comme « Lettre à Elise » – et certains groupes m’ont déjà fait hérisser le poil d’effroi par leurs adaptations désastreuses (Sympathy, Ragnarok, etc.) ou hors-sujet (Therion, Rhapsody, etc.). Mais voilà que Mystic Forest me réconcilie avec le procédé aussi sûrement qu’on apaise un bébé en lui fredonnant une berceuse. Chaque passage emprunté au répertoire des siècles est en effet retranscrit avec une telle fidélité – y compris dans la plupart des cas au niveau des sonorités – et une passion tellement évidente envers les originaux que ça passe comme une lettre à la poste et s’emboîte fort joliment dans le flux de la musique, la parant de hauteur et de l’allure complémentaire dont elle fait son charisme.
Les solos… Un paragraphe rapide sur les solos. Chaque morceau en est farci, ils jaillissent sans prévenir en véritables geysers de notes, slides, gammes, triples-croches, triples-boucles, triples-loots piqués, 6/6 et merci bien au jury… D’aucuns argueront que truffer un style brutal de longs chapitres façon guitar-hero ne fait pas très black metal et un peu branlette de fumiste. Argument recevable a priori, mais je les invite alors à écouter lesdits solos, à constater la manière avec laquelle ils s’intègrent aux compos, et même gonflent leur personnalité… Soyons clairs : oui, Stefan a un petit côté virtuose et ne s’en cache pas, mais je mets quiconque au défi de me trouver un seul de ses solos qui dépareille avec l’esprit de la musique. Les thèmes mélodiques brodés possèdent une certaine récurrence nommée tristesse, un déchirement qui s’exprime justement à merveille à l’aide des lamentations aiguës de la guitare.
On a à peu près fait le tour, sans omettre le chant féminin, bien à sa place mais plus utile à mon sens dans les vocalises angéliques que dans des parties narratives un poil redondantes, heureusement pas trop envahissantes. Mais ce qui motive les louanges ne se limite pas au fait que Mystic Forest est un groupe inimitable (adjurons que personne ne s’avise de s’y essayer) et imaginatif en diable. Ce qui attise mon enthousiasme, c’est que sur « Waltz in the Midst of Trees », la majorité triomphante des chansons sont excellentes (et je me retiens de dire fabuleuses). L’album démarre au quart de tour avec quatre bombes, une séquence de serial-killer comme personne n’en avait réussie depuis le Golden Dawn de « The Art of Dreaming ». Une caractéristique presque surprenante est que l’on retient très vite tout ce qui se passe et qu’après un ou deux passages dans la hi-fi, plusieurs mélodies trottent déjà dans la tête. Il ne faut surtout pas y voir le côté péjoratif de la chose (des refrains « tubesques » qui s’épuiseraient aussi vite qu’ils sautent à la gorge), mais plutôt des morceaux au tempérament fort et bien aiguisé – ce qui n’exclut pas des rythmiques bien accrocheuses en certaines occasions. On fait connaissance avec la musique de la même manière qu’avec une personne que l’on sait d’emblée sympathique et profonde. Sa mélancolie se répand comme une nappe phréatique terrée sous le tapis de violence et qui refait surface à la moindre brèche dans le tempo ou dès que Stefan lui ouvre directement la porte par un solo ou un riff de synthé. Et comme toute nappe phréatique, celle-ci est intarissable et recouvre tous ses effets à chaque fois que l’on réinsère le CD dans le lecteur pour une nouvelle valse au milieu des arbres…
J’ignore si je dois m’en étonner, mais il se trouve que le point d’orgue de l’album est une chanson qui ne fait pas appel à la musique classique. « Avalée par la Nuit » mise sur un visage absorbé par le deuil, elle mêle guitare en boucles incisives et la solitude automnale d’un accordéon criant d’humanité et de renoncement. Il faut vraiment faire preuve de beaucoup de mauvaise volonté pour ne pas trouver ça très beau.
Et puis le dernier aspect propre à Mystic Forest, ce sont les textes, ou devrais-je dire les poèmes signés Baalberith. Ceux-ci sont une affaire de goût, on aime ou on n’aime pas. Personnellement je n’aime pas, mais je ne m’étendrai pas sur les raisons et préfère reconnaître que le garçon se donne beaucoup de mal pour confectionner des rimes cohérentes avec une rhétorique soignée.
La symbiose de toutes ces choses fait de « Waltz in the Midst of Trees » un incontournable de cette fin d’année, d’autant plus encourageant qu’on sent que Stefan Kozak, sûr de son fait et artistiquement émancipé, est encore très loin d’être en bout de course au niveau inspiration, ce qui préfigure des lendemains qui hurlent du côté de Mystic Forest. Et Sacral Productions clôt 2002 en fanfare, ayant sorti trois des plus remarquables albums de black français de cette année (Aes Dana, Belenos et maintenant Mystic Forest).


Rédigé par : Uriel | 17/20 | Nb de lectures : 10196




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Commentaire
Belial
Invité
Posté le: 27/12/2002 à 18h37 - (1661)
Ouais bah pas mieux... superbe chronique pour un superbe album, dans la lignée des précédents, puissant, triste à souhait, du très grand art.

Moloch
Invité
Posté le: 30/12/2002 à 19h35 - (1681)

Un Album de genie pour un groupe unique...Seul le son des précédents opus pouvait jusque là être rebutant...Beaucoup plus propre- NON ce n'est pas un défaut- Il permet aujourd'hui de distinguer à quel point Stefan est talentueux...Il n'y a pas de mots pour expliquer l'émotion que procure ce disque, mélange subtil et insoupçonné de rage, de désespoir, de tristesse... Et que dire du superbe packaging de l'édition limité qui pousse le concept encore plus loin. Quand la musique est un art... Respect total pour ces musiciens qui prouve encore une fois que la France est un vivier d'artistes qui n'ont rien à envier à nos amis Nordique. Par contre, que vaut Eikenstaden...J'ai bien envie de craquer!!!

Baalberith
Invité
Posté le: 28/06/2003 à 15h29 - (4245)
Et bien merci pr les compliements en tt cas, je comprends par contre ke certains aient été déçus par la boîte à rythme, nous allons essayer d'être plus propres sur ce point dans le prochain album ki avance déjà bien. RV sur le site officiel: www.mysticforest.fr.st

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