Péché d'orgueil que tout cela.
Les Italiens de MYSTICAL FULLMOON se sont perdus dans un processus d'écriture de six ans, lequel recoupe une période de gestation de l'album de treize longues années. D'accord, il faut tenir compte des problèmes de line-up endémiques tout autant que du caractère exigeant du genre musical pratiqué ici. Pour autant, consacrer une période aussi longue de sa vie à un unique album, peaufiner ses moindres détails, dénicher le dernier matos-à-la-mode-qui-tue, réécrire, arranger, faire de sa musique une matière vivante, un palimpseste perpétuel qui ne cristallise jamais... tout cela relève à la fois de la névrose et du suicide commercial.
Attention, il ne s'agit pas du nouvel album du groupe super connu dont chaque news déclenche des centaines de commentaires sur VS, mais d'un obscur groupe de black underground dont le maigre succès d'estime qui a suivi leur premier album « Beyond somber passages » ne suffit malheureusement pas à susciter une attente fébrile. Pendant que ces musiciens intègres et besogneux cultivent un bronzage cadavérique dans leur studio Lombard, le monde continue de tourner, indifférent à leur silence.
Puis un beau jour, l'album sort en autoproduction. Le groupe stabilisé autour d'un trio réunit quelques deniers pour la promotion de la bête, se paye un Myspace avec une belle photo où les types ressemblent à des Power Rangers, s'octroie les services du Bulgarian National Radio Orchestra et crée un nano-buzz autour de leur retour. Le promo finit sa course sur mon bureau par une matinée de printemps ensoleillée et je me retrouve, circonspect, avec un album sous-titré « Ten strategies for post-modern mysticism » (sic). Rien que pour ça j'ai envie de me préparer du thé et d'écouter le dernier Portishead sur la terrasse mais bon...

« Scoring a liminal phase » n'en est pas moins un album très bien foutu.
Un chouette album grevé d'un terrible défaut, son manque d'unité. Rien que de très normal compte tenu de la durée de son processus de composition. Là où ça devient encombrant c'est que les titres eux-mêmes ne sont pas homogènes. L'ensemble donne l'impression que le groupe a voulu intégrer absolument toutes les excellentes idées qui ont germé sans faire le moindre tri. Quitte à ce que l'auditeur se débrouille avec 73 minutes d'un black metal qui part dans toutes les directions sans en suivre aucune.
Chaque morceau est un voyage en apnée dans un paysage sonore lorgnant très fortement vers l'Indus, mais également la musique de films, le rock progressif, l'ambient, le noise, le classique, le jazz ou parfois le doom. Au final, le black n'est que la fréquence qui fait vibrer l'ensemble, le seul véritable facteur de cohérence de titres qui séduisent autant qu'ils agacent.
Le déséquilibre se ressent également entre les morceaux écrits vers 97/98 qui présentent un black véloce, assez raw, glissant soudain vers le symphonique ou le prog et ceux datés de 2005/06 carrément ancrées dans un mouvance Indus-noise baignée d'obscurité. Ma préférence va largement à ces derniers, un régal d'electro poisseuse magnifiée ici par des cuivres, là par un chant magique, plages trop courtes qui laissent alors la place à quelque chose de moins flatteur.
Au niveau des textes c'est la même foire ésotérique, les textes en italien et en anglais multiplient les références à l'astrologie, la spiritualité, l'alchimie, cite Socrate en grec ancien et en appelle à la sagesse des étoiles. C'est aussi pertinent qu'indigeste. MYSTICAL FULLMOON c'est un peu le sac Sport-Billy du blackeux. On peut en sortir n'importe quoi, y compris de très bonnes choses pour peu qu'on s'en donne la peine. Eux n'ont pas ménagé la leur, ce ne serait que leur rendre justice.


Rédigé par : #Guillaume# | 14/20 | Nb de lectures : 11944