La vie est bizarre, parfois le coup de foudre est instantané et parfois la passion se construit petit à petit. C’est ce qu’il s’est passé pour moi avec elle. Dans les élans fougueux de la jeunesse, lorsque j’étais adolescent, toutes étaient bonnes à prendre : les américaines, qu’elles soient glam, thrash ou death ; l’allemande, furieusement speed ; bref, il m’en fallait plein. Devenu majeur il me fallait essayer toutes les sensations même les plus extrêmes, mon cœur s’est tourné vers la suédoise et la norvégienne qui m’ont d’ailleurs longtemps accompagné. Puis est venu la rupture, la faute à la cousine finlandaise fort attrayante et dynamique. Dire que pendant tout ce temps je n’ai guère prêté attention aux appels discrets de l’Irlandaise. Certes il y avait bien Primordial, mais une scène ne peut se résumer à un groupe. Je restais donc sourd, jusqu’à ce que Mourning Beloveth arrive et m’ouvre les yeux sur cette scène Irlandaise, encore timide mais oh combien envoûtante.
« The Sullen sulcus » fut comme un pavé jeté dans la mare du doom. A peine sorti et déjà référentiel. Beauté et oppression marchant continuellement main dans la main sur de véritables hymnes. Ce troisième opus ne va pas marquer la rupture bien au contraire. Le doom des irlandais prend ici une dimension encore plus tragique et mélancolique. Moins puissant que son prédécesseur, tout du moins dans la production, ce disque n’en est pas moins intense. Faisant revivre les meilleurs heures de la scène anglaise forgées à coup d’albums mythiques du trio infernal Paradise Lost / Anathema / My dying bride ; Mourning Beloveth reprend le flambeau et perpétue la tradition d’un doom sans fioritures en y apposant la marque de fabrique des groupes irlandais à savoir une sensibilité à fleur de peau. Les quinze minutes du titre d’ouverture dressent la toile sur laquelle toutes les nuances de gris viendront peindre un paysage d’automne tout au long des 75 minutes que durent les cinq morceaux de l’album. Cela laisse donc le temps aux riffs de se répéter inlassablement au sein d’un même morceau, l’effet hypnotique est garanti comme sur « Elemental Nausea » qui avec de grandes plages acoustiques arrive à transcender un peu plus la tristesse cachée derrière chaque note. Ces parties dépouillées et dénuées de toute distorsion sont d’ailleurs largement représentées sur ce disque ce qui le différencie de son prédécesseur. Différence significative dans la forme seulement car le fond est bien le même : un doom rempli de désespoir mais diablement beau. Misant beaucoup sur la répétition de riffs la musique est moins monotone que du funeral doom, Mourning Beloveth prenant le soin de casser le rythme à plusieurs reprises au sein d’un même titre. Ceci est d’ailleurs l’occasion de mettre en valeur un atout de choix en la personne du chanteur faisant merveille dans le registre caverneux et brillant de milles feux dans le registre lyrique. Les premières minutes de « Nothing » sont d’ailleurs illuminées par ce chant clair poignant et vibrant d’émotions qui pourtant n’hésite pas à s’effacer au profit des guitares qui n’auront aucune peine à maintenir la tension dramatique. Sans surcharge, la musique du groupe prend toute sa force dans cet apparent dépouillement, chaque instrument s’exprime pleinement et appuie un peu plus là ou ça fait mal, mettant en valeur une mélodie envoûtante invitant l’auditeur à la contemplation. Cinq titres, cinq perles, tout simplement
Avec ce troisième album Mourning Beloveth s’affirme encore un peu plus comme digne héritier des valeurs du doom et attire un peu plus l’attention sur une scène irlandaise qui décidément mérite vraiment qu’on s’attarde sur elle.



Rédigé par : Dark Tranquilou | 17.5/20 | Nb de lectures : 11842