MOTÖRHEAD - La Fièvre De La Ligne Blanche (Camion Blanc) - 26/02/2010 @ 08h34
Cette chronique arrive bien tard, mais on ne pouvait pas ne pas la faire. D’une part, parce que « La fièvre de la ligne blanche » la mérite, et d’autre part parce que certains n’ont pas encore lu ça :
« Vers 1980, j’ai décidé de faire changer mon sang –exactement ce que Keith Richards est censé avoir fait. (…) Je me suis donc rendu chez un médecin en compagnie de mon manager. A l’issue de quelques analyses sanguines, le toubib m’a annoncé la mauvaise nouvelle :
- Je suis désolé de vous annoncer ceci. Mais si on vous donne du sang pur, vous allez mourir.
- Pardon ?
- Le sang qui circule dans votre corps n’est plus de nature humaine. D’ailleurs, je vous déconseille de donner votre sang car vous pourriez tuer quelqu’un tellement il est toxique.
Lemmy Kilmister« La fièvre de la ligne blanche »
On saura jamais vraiment si cette anecdote est vraie… mais parfois, le rock n’roll c’est un peu comme la religion, on a envie d’y croire même si on a pas vraiment de preuves.
Car au final, peu importe de savoir si Lemmy est une énigme pour la science où s'il a couché avec la moitié des groupies de la planète.
Car cet homme, au même titre qu’Ozzy Osbourne ou Keith Richards, porte avec lui et en lui une histoire chargée de bruits, de provocations, de musique et de scandales. Peu de musiciens peuvent se targuer d’avoir une histoire aussi riche que celle de Lemmy, et ce qui le rend unique, c’est que contrairement à ses collègues du même âge, il est encore parfaitement crédible. Ajoutez à cela, l’énorme capital sympathie du bonhomme (qui refuserait de boire un coup avec Lemmy ?) et vous obtenez l’une des figures les plus emblématiques de la musique fourchue actuelle.
Car Lemmy est toujours resté fidèle au rock n’roll et ne s’est jamais vraiment vendu. Aux commandes du bombardier Motörhead, le moustachu a composé des albums d’anthologie et des morceaux qui resteront à jamais gravés dans les tables de la loi du binaire.
« La fièvre de la ligne blanche » est donc la biographie de Lemmy, racontée par le patron lui-même lors d’une interview avec la journaliste américaine Janiss Garza en septembre 2002.
Ce n’est pas toujours vrai, mais bien souvent, quand c’est l’acteur de l’histoire qui est aux manettes, le livre est meilleur. Et quand on connaît la gouaille, le culot et l’humour de Lem’, on est forcément content que cela soit lui qui s’y soit collé.
Je passe très vite sur la traduction et le style, certains lecteurs regrettant une version aléatoire et un style lourdingue. C’est vrai que ce n’est pas de la grande littérature, mais en même temps, je m’y attendais.
On retrouve néanmoins le « style Kilmister » qui transparaît dans chaque anecdote, chaque tranche de vie de Motörhead. Cela aurait pu être mieux écrit, tous ceux qui ont lu la version anglaise et française le certifient. En attendant, pour le français c’est comme ça, et à moins d’être bon in English, il faut s’en contenter.
L’histoire commence donc à Stoke–on-Trent dans les West Midlands, en plein cœur des terres de la perfide Albion en 1945. Lemmy narre donc son enfance, sa relation difficile avec l’école et l’autorité, et bien sûr, comment il a embrassé la vie de musicien.
Les débuts chaotiques de sa carrière sont évoqués, ce qui permet de revenir sur l’époque « Hawkwind », un des nombreux groupes de Lemmy, qui mérite franchement qu’on y prête l’oreille si vous ne connaissez pas.
Lemmy revient sur sa période de roadie avec Jimi Hendrix, ses relations avec les punks anglais (et ses leçons de basse données à Sid Vicious), sa découverte des Tough guys de Liverpool, les débuts de Motörhead, et bien sûr les quinto tonnes de Speed qu’il s’est envoyé pendant toutes ces années.
Il est amusant de lire qu’en 1975, alors que les Ramones sortaient à peine leur premier album, Lemmy expérimentait déjà l’attitude punk en usant de sa basse comme d’un gourdin sur scène, dès que quelqu’un le chatouillait un peu trop. Deux ans avant la naissance des Pistols, cela pose, et c’est certainement cette attitude haut en couleur qui a fait dire à certains observateurs que le premier groupe punk qu’ait connu l’Angleterre était en réalité Hawkwind.
Mais Lemmy a fait plus, bien plus que de latter à coup de basse au cours des années qui suivirent. Au sein de Motörhead avec Fast Eddie Clarke et Philthy « Animal » Taylor, Lemmy a écrit foule de morceaux légendaires et a construit sa légende à grands coups de concerts assourdissants, de bastons mémorables, de cuites carabinées et de prises de stupéfiants pharaoniques.
A mon goût, cette période-là est vraiment la plus sympa à lire, car on voit bien combien l’équipée était sauvage, inspirée et totalement hors de contrôle.
Phil Taylor et Fast Eddie étaient vraiment à la ramasse. Ils n’arrêtaient pas de se battre entre eux (en se faisant parfois vraiment mal) et ont popularisé avec Lemmy le power trio viril, configuration de jeu à la fois libre et complexe qui a donné lieu dans l’histoire de la musique à de grandes réussites et à de terribles échecs. Avec tout le respect que j’ai pour le groupe actuel, je me suis dit après la lecture du livre que j’aurais franchement aimé voir Motorhead avec Phil et Eddie.
Car en plus de transmettre le côté sauvage du groupe, le livre a un vrai côté fun. Lire que lorsque "l’animal" Taylor s’est cassé le poignet, ses collègues lui ont scotché une baguette à la main pour qu’il puisse continuer à jouer, ça ne s’invente pas et ça vaut son pesant de cacahouètes.
Malgré son humour sarcastique et sa foi dans le rock n’roll, une certaine aigreur transparaît dans les propos de Lem’. Le business et les maisons de disques, les manageurs et les bookeurs foireux ont, semble-t-il, assombri le regard du bassiste et bridé son cœur de rockeur. A plusieurs reprises, Lemmy dit que Motörhead aurait dû avoir plus de succès et qu’ils auraient dû vendre plus de disques.
C’est peut-être un peu prétentieux mais c’est très certainement vrai.
C’est hélas aussi, avec une touche mercantile que se termine le livre, avec cette dernière phrase « Achetez nos disques, vous ne serez pas déçus! ».
J’ai trouvé cette fin dommageable car après tant de passages poignants, le final est sur une note commerciale, ce qui donne au groupe un caractère un poil vénal.
On n’est pas au pays des bisounours et on a bien conscience, qu’un peu comme chez tout un chacun, les mecs n’auraient pas craché sur un peu plus de monnaie (et ils auraient certainement mérité un peu plus au vu du succès rencontré par certains blaireaux). Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que c’était indispensable de terminer comme ça... on avait compris de toute façon que Lemmy est un poil déçu à ce niveau-là. Mais ce n’est qu’un point de détail au vu des excellents moments de lecture qui parsèment le livre.
Quand j’ai vu Motörhead pour la première fois en live, à la fin du concert et après un « Overkill » surpuissant, Lemmy a salué la foule et mon meilleur ami qui était debout à côté de moi m’a dit « Putain, il a la classe quand même… ».
Je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il voulait dire car d’apparence, Lemmy n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un gentleman… et pourtant.
Lemmy a cette « british touch » difficile à décrire avec des mots et qui fait que même après avoir joué une musique lourde et puissante, il se dégageait de sa personne un je-ne-sais-quoi d’élégance et de tenue. Il ne jouait pas la rock star et sans se la raconter, avec pourtant de longues années de rock n’roll collées à ses tiags, le boss nous saluait simplement, sans fard et sans char. J’ai une pensée émue pour certains jeunes groupes prétentieux qui à peine arrivés se croient les rois du monde… et pour les vieux groupes qui se reposent sur leurs glorieux lauriers du passé. Le temps ne fait rien à l’affaire dit-on… il faut croire que Lemmy était bien programmé à la base.
« On nous redécouvrira… mais certainement après ma mort »
Une fois encore, rien ne permet de prédire l’avenir, mais il se pourrait que Lemmy ait raison. Je n’ai jamais autant entendu parler des Ramones qu’après la mort de Dee Dee, Johnny et Joey. Aujourd’hui, une foule d’adolescents écoutent et portent les T–Shirts des Ramones alors que lorsque j’étais ado, les Ramones n’avaient pas autant le vent en poupe. Et pourtant ils avaient déjà écrit « Sheena », « Blitzkrieg bop » ou « I wanna be Sedated ». La mort rend parfois les groupes plus vendeurs et dans les moments de deuil, le biz répond toujours présent.
Alors ne soyons pas comme ces fossoyeurs de pacotille et profitons de Motörhead tant qu’ils sont là. Et ils sont encore bien là les saligauds.
On ne peut pas se quitter sans une dernière petite louche salvatrice et je ne vais pas me priver du plaisir de vous retranscrire encore une citation de Lemmy, juste pour le plaisir, comme le dirait un autre passionné d’histoire, Herbert « Heavy metal » Léonard :
« Lors d’un concert en Angleterre, un jeune a craché dans ma direction et ce gros mollard a atterri sur ma basse. J’ai horreur de ce genre de conneries, donc je me suis approché de lui et j’ai dit « Tu le vois ça ? » J’ai pris le mollard et je me le suis collé dans mes cheveux. « Tu sais, ce soir je vais me laver les cheveux mais toi demain tu resteras un trou du cul ! ». Le public a bien sûr adoré et on a fait l’éloge de ma citation ! Mais en fait, je l’avais piqué à Winston Churchill. Lors d’un dîner mondain une femme lui a dit « Monsieur vous êtes saoul ! » et il lui a répondu « Oui Madame. Et vous êtes moche, mais demain, moi je serais sobre. » Un petit bijou non ? ».
Un vrai personnage du métal et du rock . Malheureusement on n'en fait plus des comme lui.
gulo IP:84.14.123.250 Invité
Posté le: 26/02/2010 à 09h27 - (81198)
pas mieux
grand livre, très très grand bonhomme
Merde... IP:88.162.206.11 Invité
Posté le: 26/02/2010 à 09h48 - (81200)
Ce livre est une pépite ! Déjà lu deux fois, comme un bon roman...
CHRYSEIS Membre enregistré
Posté le: 26/02/2010 à 12h35 - (81212)
Tout simplement croustillant, il est vrai que Lemmy a vraiment la classe
Un bon livre à lire avec un Jack D ou une bonne bière
omnio
Mr Anou IP:82.235.66.187 Invité
Posté le: 26/02/2010 à 13h26 - (81216)
Très grand livre, assez agréable à lire en français tout de même (on a vraiment l'impression que Lemmy nous parle, ce qui est toujours plus intéressant qu'une bio froide).
Après sa lecture, une seule question : comment ne pas aimer Lemmy?
Par contre pour la phrase finale, c'était pas plutôt du style "achetez nos disques, voir achetez les 2 fois", ce qui dénote un peu d'humour?
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 26/02/2010 à 14h18 - (81218)
Le Godfather ! Respect.
Merde... IP:212.99.104.178 Invité
Posté le: 26/02/2010 à 14h36 - (81219)
"Le sifflement dans ton oreille après un concert du Motörhead, c'est encore du Motörhead !"
Cruchot Jr Membre enregistré
Posté le: 26/02/2010 à 15h18 - (81224)
Excellent livre (sauf pour quelques écueils dans la traduction) qui nous montre qu'on a raté notre vie en comparaison avec Lemmy !
Canicule 2003 Membre enregistré
Posté le: 26/02/2010 à 15h42 - (81225)
Super bouquin, ça a la force de la légende, de l'icône, on y retrouve les clichés rock'n roll mais avec un oeil mûr, avec pas mal d'humour bien anglais, c'est super à lire et ça donne une idée de l'ambiance de l'époque de toutes ces musiques là.
Born666 Membre enregistré
Posté le: 26/02/2010 à 17h47 - (81229)
un des meilleurs bouquin de rock avec celui des Mötley Crüe!!
betrayed IP:83.201.34.19 Invité
Posté le: 26/02/2010 à 18h51 - (81233)
livre très sympa à lire, à compléter avec celui de Motley Crue.
Morbid Tankard Membre enregistré
Posté le: 26/02/2010 à 20h23 - (81241)
Géant !! Indispensable !!
pamalach 77 Invité
Posté le: 27/02/2010 à 00h59 - (81249)
à Mr Anou :
Pour la dernière phrase, c'est juste la façon dont je l'ai perçu et c'est bien entendu ouvert à interprétation ^^ ton avis est aussi valable que le mien. C'est con mais ça me fait plaisir de voir autant de coms positif à propos du livre car j'ai vraiment adoré.
Lemmy reste définitivement un grand bonhomme.
guigui Membre enregistré
Posté le: 27/02/2010 à 14h19 - (81254)
vl'a la vie du gaillard une fois qu'on a commencé à le lire on ne s'arrete plus
Stay Clean IP:88.167.187.162 Invité
Posté le: 27/02/2010 à 17h18 - (81260)
Le seul homme a avoir survécu à un coup de basse de Lemmy, c'est Chuck Norris.
jean-francois Membre enregistré
Posté le: 27/02/2010 à 18h17 - (81263)
très bonne chro, ça donne envie
Globox666 IP:77.204.159.146 Invité
Posté le: 28/02/2010 à 00h13 - (81271)
oh faut que je me l'achète celui-là, j'en entends et j'en lis que du bien !
Murderworks Membre enregistré
Posté le: 28/02/2010 à 14h28 - (81277)
Je vais en remettre une couche, je l'ai lu moi aussi il y a un moment et effectivement c'est vraiment très bon. C'est fun, touchant par moment et ça donne une idée du bordel que ça pouvait être à cette époque. Et puis bon avec la touche Lemmy il est inutile de préciser que ça se lit tout seul et avec plaisir.
black thoughts Membre enregistré
Posté le: 01/03/2010 à 00h07 - (81289)
J'ai pas aimé. Mais le fait de ne pas aimer Motörhead à la base ne doit pas aider.
Overkill IP:82.242.70.69 Invité
Posté le: 05/03/2010 à 20h11 - (81461)
Lemmy rules !
Tentacle Membre enregistré
Posté le: 05/04/2011 à 11h50 - (92792)
J'ai adoré lire ce bouquin, tout simplement génial. Lemmy rocks!
Khoral Membre enregistré
Posté le: 30/12/2015 à 11h54 - (119044)
Queen Of The Damned
Kk IP:90.54.104.77 Invité
Posté le: 30/12/2015 à 13h03 - (119047)
Difficile de choisir ... Mais sans ace of spade, imaginez ... Donc ce sera ace of Space mais vraiment, c est pour faire un choix. J ai lu ce bouquin, il est tellement bien que je l' ai prêter sans jamais le revoir ...
fabienmarlyn's IP:78.248.124.239 Invité
Posté le: 30/12/2015 à 15h14 - (119048)
pour moi ce sera rock out! pour son coté fraternel!!! et parce que quand on la passe en soirée, on peut pas s’empêcher de hurler YOU!AND YOU! AND YOU!!!! ROCK OUT!!! avec les potes! rien que d'en parler j'en ai la chaire de poule!!!! des bieres, du motorhead et des potes!!! rien de mieux pour passer du bon temps!
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- Je suis désolé de vous annoncer ceci. Mais si on vous donne du sang pur, vous allez mourir.
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Lemmy Kilmister « La fièvre de la ligne blanche »
On saura jamais vraiment si cette anecdote est vraie… mais parfois, le rock n’roll c’est un peu comme la religion, on a envie d’y croire même si on a pas vraiment de preuves.
Car au final, peu importe de savoir si Lemmy est une énigme pour la science où s'il a couché avec la moitié des groupies de la planète.
Car cet homme, au même titre qu’Ozzy Osbourne ou Keith Richards, porte avec lui et en lui une histoire chargée de bruits, de provocations, de musique et de scandales. Peu de musiciens peuvent se targuer d’avoir une histoire aussi riche que celle de Lemmy, et ce qui le rend unique, c’est que contrairement à ses collègues du même âge, il est encore parfaitement crédible. Ajoutez à cela, l’énorme capital sympathie du bonhomme (qui refuserait de boire un coup avec Lemmy ?) et vous obtenez l’une des figures les plus emblématiques de la musique fourchue actuelle.
Car Lemmy est toujours resté fidèle au rock n’roll et ne s’est jamais vraiment vendu. Aux commandes du bombardier Motörhead, le moustachu a composé des albums d’anthologie et des morceaux qui resteront à jamais gravés dans les tables de la loi du binaire.
« La fièvre de la ligne blanche » est donc la biographie de Lemmy, racontée par le patron lui-même lors d’une interview avec la journaliste américaine Janiss Garza en septembre 2002.
Ce n’est pas toujours vrai, mais bien souvent, quand c’est l’acteur de l’histoire qui est aux manettes, le livre est meilleur. Et quand on connaît la gouaille, le culot et l’humour de Lem’, on est forcément content que cela soit lui qui s’y soit collé.
Je passe très vite sur la traduction et le style, certains lecteurs regrettant une version aléatoire et un style lourdingue. C’est vrai que ce n’est pas de la grande littérature, mais en même temps, je m’y attendais.
On retrouve néanmoins le « style Kilmister » qui transparaît dans chaque anecdote, chaque tranche de vie de Motörhead. Cela aurait pu être mieux écrit, tous ceux qui ont lu la version anglaise et française le certifient. En attendant, pour le français c’est comme ça, et à moins d’être bon in English, il faut s’en contenter.
L’histoire commence donc à Stoke–on-Trent dans les West Midlands, en plein cœur des terres de la perfide Albion en 1945. Lemmy narre donc son enfance, sa relation difficile avec l’école et l’autorité, et bien sûr, comment il a embrassé la vie de musicien.
Les débuts chaotiques de sa carrière sont évoqués, ce qui permet de revenir sur l’époque « Hawkwind », un des nombreux groupes de Lemmy, qui mérite franchement qu’on y prête l’oreille si vous ne connaissez pas.
Lemmy revient sur sa période de roadie avec Jimi Hendrix, ses relations avec les punks anglais (et ses leçons de basse données à Sid Vicious), sa découverte des Tough guys de Liverpool, les débuts de Motörhead, et bien sûr les quinto tonnes de Speed qu’il s’est envoyé pendant toutes ces années.
Il est amusant de lire qu’en 1975, alors que les Ramones sortaient à peine leur premier album, Lemmy expérimentait déjà l’attitude punk en usant de sa basse comme d’un gourdin sur scène, dès que quelqu’un le chatouillait un peu trop. Deux ans avant la naissance des Pistols, cela pose, et c’est certainement cette attitude haut en couleur qui a fait dire à certains observateurs que le premier groupe punk qu’ait connu l’Angleterre était en réalité Hawkwind.
Mais Lemmy a fait plus, bien plus que de latter à coup de basse au cours des années qui suivirent. Au sein de Motörhead avec Fast Eddie Clarke et Philthy « Animal » Taylor, Lemmy a écrit foule de morceaux légendaires et a construit sa légende à grands coups de concerts assourdissants, de bastons mémorables, de cuites carabinées et de prises de stupéfiants pharaoniques.
A mon goût, cette période-là est vraiment la plus sympa à lire, car on voit bien combien l’équipée était sauvage, inspirée et totalement hors de contrôle.
Phil Taylor et Fast Eddie étaient vraiment à la ramasse. Ils n’arrêtaient pas de se battre entre eux (en se faisant parfois vraiment mal) et ont popularisé avec Lemmy le power trio viril, configuration de jeu à la fois libre et complexe qui a donné lieu dans l’histoire de la musique à de grandes réussites et à de terribles échecs. Avec tout le respect que j’ai pour le groupe actuel, je me suis dit après la lecture du livre que j’aurais franchement aimé voir Motorhead avec Phil et Eddie.
Car en plus de transmettre le côté sauvage du groupe, le livre a un vrai côté fun. Lire que lorsque "l’animal" Taylor s’est cassé le poignet, ses collègues lui ont scotché une baguette à la main pour qu’il puisse continuer à jouer, ça ne s’invente pas et ça vaut son pesant de cacahouètes.
Malgré son humour sarcastique et sa foi dans le rock n’roll, une certaine aigreur transparaît dans les propos de Lem’. Le business et les maisons de disques, les manageurs et les bookeurs foireux ont, semble-t-il, assombri le regard du bassiste et bridé son cœur de rockeur. A plusieurs reprises, Lemmy dit que Motörhead aurait dû avoir plus de succès et qu’ils auraient dû vendre plus de disques.
C’est peut-être un peu prétentieux mais c’est très certainement vrai.
C’est hélas aussi, avec une touche mercantile que se termine le livre, avec cette dernière phrase « Achetez nos disques, vous ne serez pas déçus! ».
J’ai trouvé cette fin dommageable car après tant de passages poignants, le final est sur une note commerciale, ce qui donne au groupe un caractère un poil vénal.
On n’est pas au pays des bisounours et on a bien conscience, qu’un peu comme chez tout un chacun, les mecs n’auraient pas craché sur un peu plus de monnaie (et ils auraient certainement mérité un peu plus au vu du succès rencontré par certains blaireaux). Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que c’était indispensable de terminer comme ça... on avait compris de toute façon que Lemmy est un poil déçu à ce niveau-là. Mais ce n’est qu’un point de détail au vu des excellents moments de lecture qui parsèment le livre.
Quand j’ai vu Motörhead pour la première fois en live, à la fin du concert et après un « Overkill » surpuissant, Lemmy a salué la foule et mon meilleur ami qui était debout à côté de moi m’a dit « Putain, il a la classe quand même… ».
Je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il voulait dire car d’apparence, Lemmy n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un gentleman… et pourtant.
Lemmy a cette « british touch » difficile à décrire avec des mots et qui fait que même après avoir joué une musique lourde et puissante, il se dégageait de sa personne un je-ne-sais-quoi d’élégance et de tenue. Il ne jouait pas la rock star et sans se la raconter, avec pourtant de longues années de rock n’roll collées à ses tiags, le boss nous saluait simplement, sans fard et sans char. J’ai une pensée émue pour certains jeunes groupes prétentieux qui à peine arrivés se croient les rois du monde… et pour les vieux groupes qui se reposent sur leurs glorieux lauriers du passé. Le temps ne fait rien à l’affaire dit-on… il faut croire que Lemmy était bien programmé à la base.
« On nous redécouvrira… mais certainement après ma mort »
Une fois encore, rien ne permet de prédire l’avenir, mais il se pourrait que Lemmy ait raison. Je n’ai jamais autant entendu parler des Ramones qu’après la mort de Dee Dee, Johnny et Joey. Aujourd’hui, une foule d’adolescents écoutent et portent les T–Shirts des Ramones alors que lorsque j’étais ado, les Ramones n’avaient pas autant le vent en poupe. Et pourtant ils avaient déjà écrit « Sheena », « Blitzkrieg bop » ou « I wanna be Sedated ». La mort rend parfois les groupes plus vendeurs et dans les moments de deuil, le biz répond toujours présent.
Alors ne soyons pas comme ces fossoyeurs de pacotille et profitons de Motörhead tant qu’ils sont là. Et ils sont encore bien là les saligauds.
On ne peut pas se quitter sans une dernière petite louche salvatrice et je ne vais pas me priver du plaisir de vous retranscrire encore une citation de Lemmy, juste pour le plaisir, comme le dirait un autre passionné d’histoire, Herbert « Heavy metal » Léonard :
« Lors d’un concert en Angleterre, un jeune a craché dans ma direction et ce gros mollard a atterri sur ma basse. J’ai horreur de ce genre de conneries, donc je me suis approché de lui et j’ai dit « Tu le vois ça ? » J’ai pris le mollard et je me le suis collé dans mes cheveux. « Tu sais, ce soir je vais me laver les cheveux mais toi demain tu resteras un trou du cul ! ». Le public a bien sûr adoré et on a fait l’éloge de ma citation ! Mais en fait, je l’avais piqué à Winston Churchill. Lors d’un dîner mondain une femme lui a dit « Monsieur vous êtes saoul ! » et il lui a répondu « Oui Madame. Et vous êtes moche, mais demain, moi je serais sobre. » Un petit bijou non ? ».
Nombre de page : 285
Prix : 30 Euros
Rédigé par : pamalach | Livre/ | Nb de lectures : 16958