Je vous le dit cash, après la première écoute de l’album je me suis dit que Morgul souffrait du syndrome Samael : « tout ce temps pour faire un album qui finalement aurait pu sortir quelques mois après son prédécesseur » et puis au fil des écoutes je me suis doucement laissé charmer jusqu’à être accro. Il faut dire que Jack D. Ripper, comme les suisses, nous avait pondu deux petits bijoux et qu’on attendait une suite avec impatience. En mettant la barre assez haut avec « Sketch of Supposed Murderer » qui innovait par rapport à son prédécesseur, on espérait que l’âme pensante de Morgul gravirait un échelon supplémentaire dans l’expérimentation. Finalement il reste au même niveau (déjà élevé) ce qui est bien mieux qu’une régression il faut l’avouer. Jack D. Ripper, seul maître au commandes depuis trois albums guide donc le vaisseau fantôme Morgul où bon lui semble et préfère avec cet album évoluer en terrain connu en y apportant cependant un côté plus « brut de décoffrage ».

On retrouve donc le dark horror métal gonflé aux atmosphère lugubres si typique du groupe. Comme d’habitude le chant se pose comme la vitrine des milles et une souffrances qui occupent le cerveau dérangé de J.D. Ripper. Passant d’un registre clair tourmenté à un autre dark tour à tour hurlé ou narratif, aucune limite vocale n’est imposée et les vocaux arrivent à transmettre sans peine les tourments de leur auteur. Musicalement on peut donc constater que l’envie d’expérimenter n’est pas le leitmotiv principal de l’album et que ce dernier pourrait se résumer comme le condensé des deux précédents avec d’une part les grosses rythmiques associées à l’aspect froid de la boite à rythme caractéristique de « Sketch of supposed murderer » et de l’autre les atmosphères glauques de «The Horror Grandeur » qui prennent vie sous forme d’un violon plaintif : le titre « All dead here » par exemple. L’ambiance générale est donc toujours aussi dérangeante, animée par les sentiments misanthropiques du compositeur. La production, signée Terjes Refsnes, est une fois de plus imposante et laisse une part importante à la basse qui ferra vibrer votre cage thoracique à chaque note si vous mettez l’ampli au maximum. Le résultat reste très plaisant pour qui aime se faire peur car l’homme maîtrise toutes les ficelles du dark métal. Dans sa globalité l’album se veut direct et dresse le constat pas très beau à contempler du monde moderne. La dualité entre les sentiments antagonistes qui se confrontent dans l’esprit de J.D. Ripper prend vie en musique sur ce « All dead here » qui mélange donc rythmiques pachydermiques limite doomisantes, arrangements indus ou symphoniques, déferlement métallique et plages atmosphériques.

Mais... Et oui il y a un mais, plusieurs fois au cours de l’album j’ai eu l’impression d’avoir entendu certains passages. Tout d’abord quelques mesures de l’intro qui ressemblent fort à la B.O. d’un certain seigneurs des anneaux (d’un côté quand on s’appelle Morgul quoi de plus normal). Ensuite «The need to kill » qui ressemble à s’y méprendre au début du « Death design » de Diabolical Masquerade, surtout pour l’utilisation des violons et de cet effet qui les emmène de l’arrière plan sur le devant avec une sévère montée en puissance. Voilà pour les emprunts aux autres, à d’autres moments J.D. Ripper s’inspire de lui même ce qui est moins gênant. Citons « All dead here » qui emprunte un riff à l’album précédent avec la même utilisation de la boite à rythme en appui. Notons également l’intro de « Sanctus Perversum » qui avec son petit piano et sa guitare sèche nous rappelle les deux instrumentaux ultra symphoniques de « Parody of the mass ». Pour le coup cela s’apparente plus à un clin d’œil au temps passé lorsque le groupe sous forme de duo officiait dans le black mélodique, d’autant plus qu’une fois l’intro passée le morceau s’énerve considérablement et s’avère être très réussi.

Ce qui faisait la force de « Sketch of Supposed Murderer » était l’effet de surprise, ce qui fait la force de « All Dead Here... » est le sentiment de maîtrise parfaite du style. Petit bémol cependant, Morgul qui avait toujours évolué d’album en album semble faire aujourd’hui une pause avec cet album bilan. J’espère que le suivant nous montrera à nouveau un Morgul conquérant prêt à explorer des contrées musicales obscures encore vierges.




Rédigé par : Dark Tranquilou | 16/20 | Nb de lectures : 11624