Mai 1989 – MORBID ANGEL sort son premier album et dépose avec « Altar of Madness » l'une des pierres angulaires du death metal. Il faut dire que le disque est très attendu par les fans/tape-traders du monde entier. La réputation du groupe n'est déjà plus à faire et son talent n'a d'égal que sa mégalomanie précoce. Le groupe est dans tous les fanzines, les riffs de « Chapel of ghouls » dans toutes les têtes. Premier album ? Pas exactement puisque MORBID a enregistré « Abominations of Desolation » trois ans plus tôt mais, jugeant le résultat final indigne d'être placé dans les bacs, le groupe préférera le laisser tomber dans les limbes, avant de l'exhumer en 1991 histoire d'arrondir les fins de mois et de stopper l’hémorragie de bootlegs tirés de cet enregistrement.

Juin 2011 – MORBID ANGEL annonce son retour en fanfare avec son dixième album au titre suivant imperturbablement un ordre alphabétique. C'est l'effervescence. Le « patron » revient enfin après moult rebondissements dont certains auront quelque peu terni son aura de divinité. Départ de David Vincent devenu Evil D et clone au rabais de Nikky Sixx chez les GENITORTURERS ; l'ère Tucker, séduisante au demeurant mais en deçà du grand MORBID des années 80 ; un neuvième album torché à la hâte qui fleure la fumisterie à plein nez et enfin le retour du grand David Vincent en 2004. Le buzz est monumental et le groupe surfera quelques années sur ce seul événement. Tournées, festivals mais le dixième rejeton se fait attendre. Le groupe annonce volontiers, à qui veut l'entendre, qu'il s'est remis au boulot mais rien à se mettre sous la dent pour les fans. Pas si étonnant vu les folles rumeurs qui circulent dès 2005. MORBID ANGEL et son manager sont gourmands. Ne s'offre pas une légende qui veut. Il fallait donc le label d'un cinglé, d'un joueur de poker, d'un type aillant des « corones » de tyrannosaure voire même des trois réunis pour miser sur LE come-back attendu par des centaines de milliers de fans.
Exit Pete Sandoval mis officiellement et provisoirement sur la touche pour de, soi-disant, problèmes de dos (les kinés seraient-trop chers aux US ?) au profit du jeune et sémillant Tim Yeung (HATE ETERNAL, DECREPIT BIRTH, VITAL REMAINS) pour martyriser les fûts et titularisation de Thor Anders Myhren (ZYKLON, MYRKSKOG) à la seconde guitare.
Faites chauffer les watts, le patron est de retour pour mettre la planète à genoux.

Ben non, en fait. Pour ma part, je crois que je vais rester debout et croyez bien que j'en suis le premier déçu. Comme chacun le sait, un fan peut excuser bien des erreurs, se voiler la face mais quand il est déçu, ça chie sévèrement dans le ventilo. (mode vieux con : on) Aux éventuels enculeurs de mouches qui ne manqueront pas de mettre en doute mon statut de fan, j'argumenterai en leur précisant que j'étais déjà fan de MORBID alors qu'ils faisaient encore des cabanes dans les arbres ou qu'ils n'étaient encore que de vagues espoirs dans les testicules paternels. (mode vieux con : off)
25 ans qu'on se connaît MORBID et moi alors forcément ça crée des liens, hein ?

Crevons tout de suite l’abcès pour ceux qui avaient des doutes sur l'authenticité des extraits qui avaient fusé sur la toile avant la sortie de ce nouvel album. Hé bien oui, ce que vous avez entendu, c'est bien le MORBID ANGEL de 2011 dans toute sa banalité ou plus exactement un ersatz qui manque cruellement de niak, d'inspiration et qui s'offre ici une petite balade pépère au pays du death metal. Ayant probablement succombé définitivement au chant des sirènes du dieu dollar, Trey Azagthoth nous délivre ici un disque horriblement accessible bien loin de la pugnacité du passé. Certes les retrouvailles avec les cordes vocales de David Vincent font chaud au c(h)oeur. Certes on retrouve la patte MORBID sur quelques morceaux évoquant la grande époque sans jamais atteindre son niveau (« Blades for Baal », « 10 more dead »). Certes, la production tient parfaitement la route. Certes, on nous annonce une version collector servie avec une commode IKEA... heu pardon un autel fabriqué à Taiwan pour ranger la divine offrande de ce nouveau disque.
Mais, non cela ne suffit pas à faire passer la pilule.

Refrains exagérément catchy à reprendre tous en chœur, riffs pompeux, rythmiques sous-exploitant le potentiel de Tim Yeung, remugles nauséabonds du passage de David Vincent chez les GENITORTURERS, et je ne parle pas de ce pénible remix de « Destructos VS the earth » ni de l'intro d'« Existo Vulgoré » parodie d'un sous-RAMMSTEIN du pauvre. Mais ces détails ne justifient pas tout à fait la déception.

Dire que ce disque est mauvais relèverait d'une mauvaise foi absolue. A quelques passages près, la platitude peut se laisser écouter sans réel déplaisir. Non, c'est bien pire que cela, MORBID ANGEL nous revient en pilotage automatique sans le panache, l'inspiration et la hargne qu'on lui connaissait. Quand j'écoute du MORBID, je ne veux pas chanter à tue-tête. Je ne veux pas taper joyeusement du pied. Je veux que ça fasse saigner mes oreilles. Je veux avoir des frissons involontaires et me dire « bordel c'est trop bon ». Mais là... la montagne accouche d'une souris. Dans un de ces délires spatio-temporels, mystico-machin à la mort moi le nœud chers à ce bon vieux Trey, il serait curieux de savoir ce que le MORBID ANGEL de 1989 penserait d'« Illud Divinum Insanus ». Le jugerait-il indigne de figurer dans sa discographie comme cela avait été le cas pour « Abominations » ? Eux, je ne sais pas mais c'est mon cas.

Alors si j'ai quelques conseils à donner au groupe pour la « lettre J », ils seraient les suivants. Que David lâche le maquillage et les t-shirts en vinyle qui boudine, que Trey délaisse ses machins trucs mystiques pour redescendre un peu plus souvent sur terre et reprendre les rênes, que Pete, s'il fait encore partie du groupe, soigne sa petite santé pour nous revenir en forme et qu'enfin MORBID ANGEL redevienne ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être, le plus grand groupe de death metal de tous les temps. Et pour le titre du prochain, pourquoi pas « Jamais plus se foutre de nos fans » ?

Personnellement, je n'y crois plus. Continuez sans moi.




Rédigé par : Tonton | 08/20 | Nb de lectures : 26474