Quel bel exemple d'une carrière réussie que celle de Moonspell. Obscur petit combo de black à tendance folklorique débusqué par Adipocere il y a une dizaine d'années, les portugais sont devenus un des actes les plus importants de la scène européenne, et dans tous les cas un des plus respectés. Leur discographie, lancée par la sortie du monstrueux "Wolfheart" en 1995 est des plus éclectiques et il est amusant de voir, sondages à l'appui, que chacun de leurs disques possède un cheptel de fans qui n'en démordent pas de tenir pour chacun d'entre eux le meilleur du groupe. Tout en ne reniant pas leur patte si personnelle, ils nous ont servis du métal classique, du black, de l'indus, du gothic et tant d'autres choses qui ont été incorporées à merveille dans cette musique portée par un chanteur à la voix immédiatement identifiable. Si Moonspell a malheureusement beaucoup perdu de son identité portugaise avec le temps (souvenez vous de "Trebraruna" ou "Alma mater"...), la bande à Fernando a su faire évoluer son style à chaque disque en prenant l'auditeur à contrepied à chaque nouvelle sortie. Sauf peut-être ici. Si "The antidote" est bien sûr différent de "Darkness & hope" il ne creuse pas un fossé énorme comme on a pu le constater par le passé. Il reste toujours dans une veine assez métallique et ce n'est pas plus mal car un peu de régularité ne fait pas toujours de mal. Le plus gros changement réside dans les paroles. Ces dernières ont été entièrement écrites par l'écrivain portugais Jose Luis Peixoto, qui a eu l'équivalent du Goncourt chez les Lusitaniens et forment une nouvelle dont j'ignore le contexte exact, la maison de disques n'ayant pas eu la bonne idée de me les fournir. De toute façon, je pense qu'elles ne respirent pas la joie de vivre et que leur lecture n'apportera qu'une sauvage envie de se ruer sur l'armoire à pharmacie. Musicalement, on est un peu déçu par le manque de surprises véritables et le seul point particulier de "The Antidote" est le côté tribal qui a été accentué comme en témoignent des passages de "The southern deathstyle", le puissant "From lowering skies" ou le doux "Capricorn at her feet". Au niveau musicalité, il est assez étonnant de constater que l'album commence de façon assez brutale et devient de plus en plus calme au fur et à mesure que la fin s'approche. Les quatre premiers morceaux sont véritablement rentre-dedans (pour du Moonspell...) et donneront sûrement une fausse idée à ceux dont l'impatience galopante fait cataloguer un album sur ses dix premières minutes. A partir du 5° morceau "Antidote", l'administration du contre-poison semble faire son effet et Moonspell devient plus mélancolique, la chaude voix de Fernando se pose et les rythmiques atteignent à nouveau un débit cardiaque normal. En témoigne le superbe "Lunar Still", totalement ambient sur sa première moitié et dont la seconde partie se tranforme en un doom épique instrumental somptueux dont le goût d'inachevé laisse paradoxalement rêveur. On se croirait également revenu à l'époque d'un "Irreligious" à l'écoute d'un "A walk on the darkside" qui n'aurait pas dépareillé aux côtés d'un "Opium" ou d'un "Mephisto". Bref, on tient ici un disque beaucoup moins facilement assimilable que "Darkness & hope" qui, bien que bourré de qualités, ne tenait pas forcément sur la durée. A mon avis, celui qui sera en possession des paroles (tant pis pour les downloadeurs fous) trouvera ici une oeuvre entière, qui s'écoute comme on lit un livre. Musicalement, j'aurais personnellement attendu un peu plus d'innovations mais la dévotion que je porte à ce groupe me rend particulièrement exigeant. C'est un très bon disque qui ne décevra sûrement pas ceux qui ont déjà mis leur confiance en cet excellent groupe et l'interprétation, tout comme la production, figure de toute façon sur le haut du podium. http://www.moonspell.com


Rédigé par : Loufi | 15,5/20 | Nb de lectures : 10598