Modern Life Is War. J'ai découvert ce groupe y a pas trois mois, intrigué par un patronyme qui me laissait présager d'un énième combo gros-bras/marcel/tatouages. Mais heureusement, j'étais un peu loin du compte. On a ici affaire à un punk/hardcore moderne et plein de sincérité comme peuvent le pratiquer The Hope Conspiracy ou Blacklisted, leurs collègues de l'écurie Deathwish (dirigée par Jacob Bannon de Converge), mais avec une dimension émotionnelle supplémentaire (attention, j'ai dit émotionnelle, pas emo, nuance mon ami!). Leur titre D.E.A.D.R.A.M.O.N.E.S (extrait de leur précédent album "Witness") était un véritable hymne hardcore interplanétaire qui m'avait scotché les oreilles pendant trois jours. Le reste de l'album était pas mauvais du tout, même s'il ne réitérait pas l'exploit de leur tube.

Et les voilà qui reviennent avec "Midnight in America", avec Reflection Records pour le vieux continent. A la base, ce qui m'a accroché, c'est cette modestie de tous les instants, ce côté humble à tous les niveaux. Musicalement, ça va pas chercher dans la débauche technique à outrance. La majorité des titres se situe dans un punk/hardcore mid-tempo avec un bon paquet de riffs émotionnels forts ("Screaming at the moon", "Pendulum") tout en restant suffisament diversifiés pour ne pas lasser. Mais les Modern Life Is War savent aussi varier les plaisirs, en témoigne les 1min02 départ arrêté pour "Fuck the Sex Pistols" ou "Stagger Lee", une ritournelle maintes fois reprise outre-Atlantique. La production, qui sied parfaitement au groupe, est quant à elle signée James Robbins (Mewithoutyou, Clutch).

Pas de bouleversements du côté des vocalises de Jeffrey Eaton, on ne change pas une équipe qui gagne. Il reste avec ce chant toujours sur la même tonalité, mais qui oscille constamment entre le scandé et le hurlé. Une voix qui semble tout le long du disque au bord de la rupture et est gorgée d'émotion. Il est parfaitement secondé par des backing-vocals qui ne font pas semblant d'être éructés, et le dernier titre (éponyme) voit la participation de Brooks Strause, un bluesman proche du groupe.

Ce que j'aime chez eux, c'est le deuxième effet Kiss Cool. Les lyrics. Ils donnent vraiment une nouvelle dimension à une musique qui pourrait déja se suffire à elle-même. Sans déconner, des paroliers de la trempe de Jeffrey Eaton, tu pourrais les compter sur les doigts de la main d'un boucher alcoolique. Des textes qui prennent aux tripes, écrits avec talent et sincérité. Marshalltown, Iowa, Amérique profonde mec, t'as cru que c'était la fête? Toujours cette description noire et touchante des conditions de vie dans un pauvre bled où tu n'as pas d'avenir, avec une justesse et une clairvoyance dans la veine des mouvements beatnik et gonzo. D'ailleurs "These mad dogs of glory" est un hommage (donnant lieu à un name-dropping) à tous ces écrivains (Charles Bukowski, Hunter S.Thompson...) qui ont pu forger la plume et la vision des choses du chanteur. Autre hommage sur "Pendulum", dédiée à Jean Seberg, une actrice locale devenue icône de la Nouvelle Vague en France et morte avec une dose d'alcool qui ferait pâlir n'importe quel groupe de supporters irlandais.

"Midnight in America" reste dans la lignée de ses deux prédécesseurs, et c'est le principal reproche que je ferais à cet album. Je n'escomptais pas de grosses prises de risques de la part des Ricains sur ce nouvel opus mais ça n'aurait pas fait de mal. Plus 2/3 titres qui manquent de patate et sont un peu en dessous du reste de l'album, sur une demi-heure de zik, ça compte... Après, tous les autres titres sont bons, voire très bons, je pense à "Screaming at the moon" ou "Night shift at the potato factory" pour ne citer qu'eux. Modern Life Is War continue bon gré mal gré son petit bonhomme de chemin, avec toujours cette hargne et cette sincérité dont une palanquée de groupes feraient bien de s'inspirer.


Rédigé par : Crown me | 13.5/20 | Nb de lectures : 11504