Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer cette chronique par une petite devinette : quel est le point commun entre le duo d’ANAAL NATHRAKH et certains membres de FROST, BENEDICTION et SALLY ?
Hé bien, outre le fait d’être tous originaires de Birmingham ou de ses environs, cette équipe de choc se réunit régulièrement, s’affuble de pseudonymes douteux et enregistre des albums sous le patronyme de MISTRESS dont c’est déjà ici la troisième offensive.

Décrit par la presse britannique comme le groupe le plus trash de sa génération, MISTRESS, qui cultive l’art de la provocation comme d’autres les betteraves, confirme sa réputation avec un titre d’album en forme de bras d’honneur. Ce n’est pas pour rien si ce « In Disgust We Trust », doté d’une cover entre le « World Downfall » de TERRORIZER et le « F.E.T.O. » de NAPALM DEATH, se retrouve aujourd’hui chez Earache. En effet, MISTRESS a parfaitement compris que c’était dans les vieux chaudrons qu’on faisait les meilleures soupes et c’est dans les influences des premières releases de ces mêmes Earache que le groupe pioche les ingrédients de sa pitance.

Tout d’abord des guitares accordées au ras du bitume et dotées d’un son ultra roots à la ENTOMBED, sponsorisées par Black & Decker et Frameto, qui fleurent bon l’huile de vidange. Des compos qui alternent des variantes death’n’roll, grind, crust, sludgecore mâtinées de relents punk. Mais le plus incroyable dans cette affaire, c’est qu’en mixant ses tendances old school, MISTRESS arrive à se tailler un disque très personnel et étrangement intemporel d’où sourdent les grandes gueules de ses membres. Pas facile de cerner la bête. En simplifiant, on pourrait imaginer BRUTAL TRUTH et ENTOMBED allant ensemble à un concert de NAPALM DEATH et on serait encore loin du compte.

La zic de MISTRESS s’articule autour des six cordes, on passe de riffs d’une simplicité enfantine, mais ô combien entêtants, à d’autres indéniablement plus tortueux. Les rythmiques se veulent groovy, dépouillées et galvanisées par une vraie frappe de cogneur. Si le tempo reste très rock’n’roll, les embardés grind et crust se font nombreuses et apportent une bonne dynamique à l’ensemble.
Mais la palme revient incontestablement aux vocaux qui relèvent de la performance pure. Avec un timbre de voix assez proche de celui LG Petrov (ENTOMBED), le dénommé Dave Cunt, arrive à égaler occasionnellement les braillements de notre bon vieux Barney (NAPALM DEATH) et se paye même le luxe de parodier des voix claires qu’on ne s’attendrait pas à entendre sur ce type d’enregistrement qui sent les dessous de bras. Ainsi sur le titre « Static » voilà le chanteur (j’insiste sur le terme) qui opte pour un chant clair très proche de ce bon vieux Graham Bonnet dans sa période RAINBOW/ALCATRAZZ. Sur “Whiskey taste better” c’est une autre affaire, on passe d’un seul coup de grognements rauques à une ligne de chant haut-perché, à la Rob Halford, dans la tradition des chanteurs de heavy métal aux futals élastiques éternellement trop serrés. Même si ces anachronismes se veulent parodiques, on ne vire à aucun moment au grotesque pour une simple et bonne raison : c’est si bien interprété que ça passe comme une lettre à la poste. Bon, c’est vrai que j’ai levé un sourcil perplexe à la première écoute mais une fois passée la surprise, on n’imagine plus MISTRESS autrement qu’avec ces pointes d’impertinence.
Les titres se suivent et ne se ressemblent pas puisque pour achever la bête, le quintet de Birmingham a opté pour des riffs doomesques d’un instrumental : « Shovel » ; un authentique morceau doom qui s’emballe dans la dernière minute dans un blast hallucinant et bizarrement planant.

Politiquement incorrect, rebel et corrosif, MISTRESS s’impose comme une énième singularité de la scène british confirmant, une fois encore le vieil adage : ces Anglais, ils ne sont vraiment pas comme nous…



Rédigé par : Tonton | 16/20 | Nb de lectures : 12783