MEZZERSCHMITT - Weltherrschaft (Season of Mist/M10) - 22/11/2002 @ 15h00
Et je me retrouve à chroniquer un disque qui a fait couler beaucoup d'encre virtuelle ces dernières semaines, sur notre forum comme ailleurs. Je vais être de suite très clair : je ne me ferai ici l'avocat de personne en particulier, et m'épargnerai ainsi une longue diatribe déplacée dans une chronique, chacun étant à-même de construire sa propre opinion. Néanmoins, comme il serait tout de même un peu trop négligent de ma part d'éluder complètement le flanc paramusical de Mezzerschmitt (ou dois-je écrire MeZZerschmitt ?), je me permets de focaliser rapidement mon commentaire sur ce qui est à mon sens le nœud du problème : le label qui a avalisé et commercialisé ce qui est une excuse sordide pour rentabiliser un lendemain de cuite. N'allons pas par quatre chemins, Season of Mist reflète sur ce coup là une image pas forcément exempte de toute zone d'ombre. Celle d'un père de famille qui, parce que son mouflet de quinze ans est en plein trip IIIè Reich, s'empresserait d'aller lui acheter l'uniforme et la moustache. En d'autres termes, sous couvert de retombées commerciales que l'on veut bien imaginer juteuses, on a approché le gibier à portée de gueule des chiens de meute, toute la question étant de décider si c'était bien indispensable. Et qu'on ne me bassine pas avec l'habituelle formule de dédouanement " cet album n'est pas à caractère politique " ; l'apolitisme est une belle chose, tout comme la liberté d'expression au demeurant, mais ni l'un ni l'autre ne constituent un bouclier contre l'irresponsabilité et la connerie - et je pense à George Orwell qui doit faire des triple-saltos dans sa tombe en voyant l'essence de son œuvre " 1984 " pillée et caricaturée de la sorte. Ceux qui voient les choses sous un autre angle peuvent volontiers le faire savoir, mais n'ont pas à attendre de réponse à leurs invectives, fussent-elles polies et argumentées, je n'ai nullement l'intention de m'engager dans un dialogue de sourds sur autre chose que des considérations musicales.
En parlant de considérations musicales, il est temps d'y mettre l'accent, parce qu'après tout ce n'est ni une imagerie ni une polémique qui sort des haut-parleurs, pas vrai ? De ce côté là la soixante-et-unième production du label marseillais a en effet quelques arguments à faire valoir. Mais d'abord au sujet des paroles : il y en a assez peu, regroupées pour l'essentiel en slogans de type propagande rabâchés d'un bout à l'autre des morceaux (exemple : " Verbeugt Euch ! " = " Prosternez-vous ! "). La presse allemande a déjà suffisamment allumé Mezzerschmitt là-dessus, donc je me sens d'humeur à passer l'éponge - mais alors la face rugueuse, celle qui enlève bien les taches : on est Français, on n'est après tout pas forcés de comprendre, d'autant moins quand c'est la " crème de la grande élite norvégienne " (dixit le label) qui parle. Les comparaisons avec Rammstein ont fusé de toute part, ce que je peux comprendre car il est facile de pointer du doigt des traits communs, que ce soit dans la façon pseudo-sentencieuse de déclamer les vocaux ou la rigueur militaire avec laquelle tombent des rythmiques mâtinées d'un blindage industriel. Pourtant c'est à mon avis une erreur que de faire un rapprochement systématique entre les deux groupes, car aussi bien leurs démarches que leurs styles de soutènement divergent radicalement. Il est du reste loin d'être chose acquise que le fan assidu de Rammstein accroche à Mezzerschmitt, même s'il est plus facile de se représenter l'inverse. Parce qu'on parle bel et bien de black metal, le tempo élevé rincé à la double-pédale et l'acidité des guitares ne permettent pas d'en douter. Les cordes sont régulièrement grattées en rafales, ceci afin de simuler le fracas d'un champ de bataille sous la mitraille. L'effet de dévastation est immédiat et aplatit tout sur son passage : Mezzerschmitt cultivent l'effroi et la malveillance en ne ménageant pour toute plage d'armistice que la menace sournoise de voix corrompues à la distorsion ou de no-man's-lands sonores hantés par des samples de combat sous les bombes (" FeuerZauben "), de sous-marin et autres stridences électroniques infectes (" Die Nacht hat Augen ")... et d'autres qu'on aimerait parfois ne pas trop entendre, genre bruits de bottes sur " Unter der Fahne ". Le titre final " Weltherrschaft " est particulièrement efficace dans son genre, alliant une cadence aliénante fracturée à intervalles irréguliers avec la domination froide des voix inhumaines et des gerbes de guitares coupantes et insensibles. C'est un peu monotone, mais il n'est pas difficile de se laisser emporter par le courant magnétique d'un tel morceau et de devenir soi-même une particule de la grande machine de guerre, trimbalée de droite et de gauche dans sa charge aveugle et incontrôlable, la fréquence inexorable des coups de boutoir comme seul point de repère. Mezzerschmitt exploitent là un créneau lucratif et pas inintéressant au confluant du nouveau Mayhem et des phases les plus lourdes et anti-musicales des maîtres du metal indus que peuvent être Godflesh ou Ministry. En matière de sciage de tympan, ce qu'ils montrent, au moins sur le morceau " Weltherrschaft ", est d'ailleurs un degré plus performants que les nouveaux monstres du terrorisme extrême (Zyklon, Myrkskog...). Les trois autres morceaux réservent aussi leur part d'agressivité bestiale, mais demeurent à mon goût trop brouillons au milieu des multiples composantes " visuelles " du paysage sonore. Nous verrons bien où le groupe va conduire ses pas sur album, mais j'ai peu d'espoir de les voir abandonner la carcasse puante de leur concept actuel, qui de toute façon restera toujours accrochée comme une punaise à la colonne passif de leur bilan. Quoique, j'ai le désagréable sentiment que plus le temps creusera la distance entre l'homme et les cicatrices du vingtième siècle, plus ce genre de références deviendra une banalité... et moins on entendra de voix s'élever pour s'en indigner...
P.S. : Suite à la remise de cette chronique, on m'a fait remarquer un détail qui m'avait échappé au sujet du rôle de Season of Mist. Il semblerait en effet que ce soit le gérant du label qui ait insisté pour que Mezzeschmitt s'écrive avec deux ZZ, alors que les musiciens avaient à l'origine bel et bien opté pour un joli SS en gros caractères... Ceci m'a fait me poser la question de savoir dans quelle mesure Season of Mist sont contractuellement ou non tenus de composer avec ce que les membres de Mayhem leur collent sous le nez. Je tiens donc afin de ne pas me tromper de cible à bémoliser quelque peu les propos de ma chronique qui mettent directement en cause Season of Mist, tout au moins à les suspendre dans l'attente que l'une ou l'autre partie compétente de l'affaire daigne se manifester pour clarifier réellement ce qu'il en est de la démarche et des responsabilités ayant conduit à ce CD. Entre nous, ça ne changera pas grand chose au fond de l'histoire...
Je vois vraiment pas en quoi ce groupe, au demeurant excellent, arrive à la cheville du dernier Myrkskog ou de Zyklon.
Fast Freddy Cat's Invité
Posté le: 27/11/2002 à 10h42 - (1472)
La musique de ce MnCD est un pur bonheur.
Season of Mist Invité
Posté le: 01/12/2002 à 18h10 - (1491)
Pour confirmer : oui c'est bien moi qui ai insisté pour virer les deux SS par deux ZZ, pour des raisons historiques et pour des raisons leguales (pour info la firme MESSERSCHMITH existe toujours, pour info c'etait la firme qui fabriquait les avions allemand de la II guerre mondiale)
Sinon purkoi j'ai signé et sorti Mezzer?? Ben en fait musicalement j'ai bien accroché, et ca je n'en demord pas c'est un excellent MCD. Mais en revanche, APRES avoir signé le contrat j'ai été un peu horrifié par l'artwork il est vrai. Les norvégiens ont un sens de la provoc tout a eux (cf Zyklon, en parlant de nom stupide c'est quand meme pas mal aussi), mais ca reste de la provoc.. Et puis, vous avez quand meme tous remarqué que le logo de KISS, le SS est en signe SS allemand??? Ca avait fait couler beaucoup d'encre et maintenant ca marche toujours, ca me fait bien rire!!!
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En parlant de considérations musicales, il est temps d'y mettre l'accent, parce qu'après tout ce n'est ni une imagerie ni une polémique qui sort des haut-parleurs, pas vrai ? De ce côté là la soixante-et-unième production du label marseillais a en effet quelques arguments à faire valoir. Mais d'abord au sujet des paroles : il y en a assez peu, regroupées pour l'essentiel en slogans de type propagande rabâchés d'un bout à l'autre des morceaux (exemple : " Verbeugt Euch ! " = " Prosternez-vous ! "). La presse allemande a déjà suffisamment allumé Mezzerschmitt là-dessus, donc je me sens d'humeur à passer l'éponge - mais alors la face rugueuse, celle qui enlève bien les taches : on est Français, on n'est après tout pas forcés de comprendre, d'autant moins quand c'est la " crème de la grande élite norvégienne " (dixit le label) qui parle. Les comparaisons avec Rammstein ont fusé de toute part, ce que je peux comprendre car il est facile de pointer du doigt des traits communs, que ce soit dans la façon pseudo-sentencieuse de déclamer les vocaux ou la rigueur militaire avec laquelle tombent des rythmiques mâtinées d'un blindage industriel. Pourtant c'est à mon avis une erreur que de faire un rapprochement systématique entre les deux groupes, car aussi bien leurs démarches que leurs styles de soutènement divergent radicalement. Il est du reste loin d'être chose acquise que le fan assidu de Rammstein accroche à Mezzerschmitt, même s'il est plus facile de se représenter l'inverse. Parce qu'on parle bel et bien de black metal, le tempo élevé rincé à la double-pédale et l'acidité des guitares ne permettent pas d'en douter. Les cordes sont régulièrement grattées en rafales, ceci afin de simuler le fracas d'un champ de bataille sous la mitraille. L'effet de dévastation est immédiat et aplatit tout sur son passage : Mezzerschmitt cultivent l'effroi et la malveillance en ne ménageant pour toute plage d'armistice que la menace sournoise de voix corrompues à la distorsion ou de no-man's-lands sonores hantés par des samples de combat sous les bombes (" FeuerZauben "), de sous-marin et autres stridences électroniques infectes (" Die Nacht hat Augen ")... et d'autres qu'on aimerait parfois ne pas trop entendre, genre bruits de bottes sur " Unter der Fahne ". Le titre final " Weltherrschaft " est particulièrement efficace dans son genre, alliant une cadence aliénante fracturée à intervalles irréguliers avec la domination froide des voix inhumaines et des gerbes de guitares coupantes et insensibles. C'est un peu monotone, mais il n'est pas difficile de se laisser emporter par le courant magnétique d'un tel morceau et de devenir soi-même une particule de la grande machine de guerre, trimbalée de droite et de gauche dans sa charge aveugle et incontrôlable, la fréquence inexorable des coups de boutoir comme seul point de repère.
Mezzerschmitt exploitent là un créneau lucratif et pas inintéressant au confluant du nouveau Mayhem et des phases les plus lourdes et anti-musicales des maîtres du metal indus que peuvent être Godflesh ou Ministry. En matière de sciage de tympan, ce qu'ils montrent, au moins sur le morceau " Weltherrschaft ", est d'ailleurs un degré plus performants que les nouveaux monstres du terrorisme extrême (Zyklon, Myrkskog...). Les trois autres morceaux réservent aussi leur part d'agressivité bestiale, mais demeurent à mon goût trop brouillons au milieu des multiples composantes " visuelles " du paysage sonore. Nous verrons bien où le groupe va conduire ses pas sur album, mais j'ai peu d'espoir de les voir abandonner la carcasse puante de leur concept actuel, qui de toute façon restera toujours accrochée comme une punaise à la colonne passif de leur bilan. Quoique, j'ai le désagréable sentiment que plus le temps creusera la distance entre l'homme et les cicatrices du vingtième siècle, plus ce genre de références deviendra une banalité... et moins on entendra de voix s'élever pour s'en indigner...
P.S. : Suite à la remise de cette chronique, on m'a fait remarquer un détail qui m'avait échappé au sujet du rôle de Season of Mist. Il semblerait en effet que ce soit le gérant du label qui ait insisté pour que Mezzeschmitt s'écrive avec deux ZZ, alors que les musiciens avaient à l'origine bel et bien opté pour un joli SS en gros caractères... Ceci m'a fait me poser la question de savoir dans quelle mesure Season of Mist sont contractuellement ou non tenus de composer avec ce que les membres de Mayhem leur collent sous le nez. Je tiens donc afin de ne pas me tromper de cible à bémoliser quelque peu les propos de ma chronique qui mettent directement en cause Season of Mist, tout au moins à les suspendre dans l'attente que l'une ou l'autre partie compétente de l'affaire daigne se manifester pour clarifier réellement ce qu'il en est de la démarche et des responsabilités ayant conduit à ce CD. Entre nous, ça ne changera pas grand chose au fond de l'histoire...
Rédigé par : Uriel | 35/ | Nb de lectures : 7620