Certains annonçaient l'après "I" comme un tournant dans la discographie de MESHUGGAH. Ce mini étant annoncé par le groupe lui même comme une sorte de résumé de ce qu'il avait pu créer jusqu'alors, nous étions en droit d'attendre une évolution plus ou moins conséquente. Il semblerait, après coup que "Catch 33", ne soit qu'un écart pas si marqué que cela. Quoi qu'il en soit ce cinquième album fera couler beaucoup d'encre : sublimation d'un style si personnel ou divagations hasardeuses ? La vérité se trouve probablement entre les deux...
Concept album au sens le plus strict du terme, "Catch 33" se dévoile sans concession au long d'un seul et unique morceau de 47 minutes où le nombre de riffs ne dépasse guère celui des pistes (ces dernières ayant un intérêt plus pratique que conceptuel). Qu'à cela ne tienne ! Excellence et profusion n'ont pas toujours fait bon ménage et MESHUGGAH prend sournoisement son temps pour nous jeter cette évidence en pleine figure.
L'album démarre sur dix bonnes minutes dont la rigidité n'à rien à envier à celle d'un "Nothing"; où s'enchainent sans réel discernement trois riffs dont les structures ne sont pas sans rappeler "I". Il faut comprendre par là que les polyrythmies si chères à MESHUGGAH ne sont plus aussi cycliques et claires que par le passé. L'accent est mis sur une complexité structurelle qui relève de l'apprentissage par coeur voir de l'execution mécanique pure et simple tout en conservant une cohérance quasi-paradoxale (ceci explique sans aucun doute l'emploi inédit, pour le groupe, d'une batterie programmée sur l'ensemble de l'album). Viennent ensuite les premiers moments de répis avec l'apparition d'un vocoder ("Mind's Mirror") et d'ambiences à densité modérées mais oh combien sournoises et suffocantes. Le repos n'est que de courte durée et "Catch 33" accapare de nouveau le peu de cellules grises restant à l'auditeur en les régalant de ce groove sous-jacent dont seul MESHUGGAH détient le mystère ("In Death - is life", "In Death - is Death", "Shed"). A ce stade "Catch 33" est tout simplement jouissif, surenchère de chaque instant parsemée d'acalmies insidieuses annoncant un final d'une puissance phénoménale ("Dehumanization"). Plus dure sera la chute ("Sum").
Pas franchement éloigné de "I" sur le fond, "Catch 33" se différencie surtout sur la forme car plus aéré et alambiqué que son prédécesseur. Mais si ses géniteurs y voient une évolution notable, force est de constater que cette dernière n'est pas si évidente que cela pour l'auditeur (comme en témoigent certaines réactions dès la mise en circulation de l'album sur le net). Ceci n'enlève en rien la qualité intrinsèque de cet album. Ne vous y fiez pas, "Catch 33" ne révèle sa véritable force autodestructrice qu'au bout de plusieurs écoutes. Une fois pris dans les cercles concentriques de son nihilisme, je ne donne pas cher de votre quiétude.


Rédigé par : [eMp] | 16/20 | Nb de lectures : 17496