Blasé par les petits accrocs de la vie, on s’écrie souvent « monde de merde » ! Jamais quelqu’un n’aurait pensé que ce hurlement primaire pourrait être, dans une déclinaison latinisée, le nom d’un projet de Black-Metal. Un nom qui sied pourtant bien à un genre musical souvent désespéré, nihiliste et anti-humain. Mais le belge Déhà n’est pas du genre à faire comme tout le monde, et au milieu de ses multiples projets et groupes présents et passés (DEVIANT MESSIAH, DUNKELNACHT, IMBER LUMININS, MALADIE, l’excellent WE ALL DIE (LAUGHING) et quantité de projets non-Metal) va essayer d’émerger MERDA MUNDI, pur projet de Black Metal. L’entité existe depuis 2006 et VI - Khaos qui nous intéresse est le deuxième album. Seulement deuxième malgré le « VI », car hormis V - Agnus Satani (2012), les autres stuffs étaient des démos. Grâce au label belge Tanquam Aegri Somnia (tenu par les membres de CULT OF ERINYES), VI - Khaos nous parvient sous forme de CD après des sorties au format digital ou cassette (pardon, Tape) (ou pardon, K7). Ce n’est pas très trve mais MERDA MUNDI ne revendique rien, si ce n’est la violence et le chaos au sein d’un Black-Metal logiquement présenté comme anti-humain.

Sans surprise, MERDA MUNDI va donner dans un BM cru et tranchant. Ce qui est communément appelé le « Raw » Black Metal, terme qui est plus utilisé pour le BM à la production très, très bruitiste. De ce point de vue, les précédentes productions de MERDA MUNDI étaient archi-Raw, et c’est le moins que l’on puisse dire ! VI - Khaos va donc entériner une évolution sonore avec un son plus clair et plus digeste, ce qui ne va pas pour autant atténuer la haine et le désespoir de Déhà. Le BM qu’il pratique ici est du genre à ne pas s’embarrasser de fioritures mais demeure travaillé et réfléchi (son enregistrement s’est étalé sur 3 années là où d’autres prennent un 4 pistes et 4 jours). Côté influences, ANTAEUS et ANAAL NATHRAKH sont cités, ce qui n’est pas volé. Plutôt du côté de Blood Libels en moins sombre pour les premiers, et en moins taré pour les seconds. On peut aussi penser à d’autres choses, VI - Khaos m’évoque par exemple un GORGOROTH période Gaahl avec plus de relents orthodoxes, arpèges et chœurs malsains à l’appui. Le chant de Déhà est d’ailleurs un bon compromis entre celui de Vitriol et de Gaahl. Mais d’obédience française, anglaise et norvégienne, le Black-Metal de MERDA MUNDI demeure personnel. Et surtout, particulièrement percutant, saignant, furieux et réussi.

« J’espère que vous avez le cœur bien accroché, c’est une véritable boucherie à l’intérieur » : le Commissaire Bialès aurait des frissons au moment d’insérer VI - Khaos dans son lecteur de disque, c’est du BM qui coupe, qui tranche et qui ne bluffe pas. MERDA MUNDI joue pourtant sur des schémas BM classiques (enchaînement de riffs incisifs et de trémolos, assauts blastés, chant criard, breaks ou ralentissements posant des ambiances) mais le résultat est totalement maîtrisé, parfaitement produit (ni trop raw, ni pas assez) et tout simplement excellent. En 36 minutes, Déhà pose avec aisance un univers BM cru et efficace, en ne négligeant pas les atmosphères. "Laudate Dominium" démarre l’album comme un disque de Black orthodoxe avant de balancer les riffs rentre-dedans et le chant déchire-poumons dans une certaine jouissance sonore. Un plaisir prolongé par "In League" qui se distingue par des riffs terribles et un gimmick génial avec ces « Ad Majorem Satanam Gloriam » répétés. Plus posé (tout est relatif), "Odium" a la science du truc qui tue, entre les vocaux plus death par moments, les grattes plus mélodiques et la seconde partie du morceau résolument épique (du chant clair fait même son apparition). "Agnus Satani" poursuit cet effort avec des chœurs et des claviers apocalyptiques qui viennent épicer la furie black-metallique de Déhà. Une furie qui en est à sa quintessence sur "Infanticide" : sans contexte le meilleur morceau de VI - Khaos, explosif, chaotique et assurément malsain et violent. MAYHEM devrait en prendre de la graine [/troll]

Après cette déflagration MERDA MUNDI va aérer un peu son propos pour clôturer son 6ème prêche, tout d’abord avec le début rampant et morbide "In the Sign of All Signs" où l’ambiance est totalement orthodoxe et le chant vient du fond des tripes. Mais le raw Black finit par reprendre ses droits avec à nouveau des riffs très méchants et des trémolos, ici relevés par des claviers inattendus. Enfin "Ad Te, Domine" termine VI - Khaos de manière classique, mais avec un ensemble posant une atmosphère apocalyptique et désespérée, marquée par le final porté par les trémolos mélodiques salvateurs et les chants. Une belle agonie pour les 36 minutes de VI - Khaos, ce que je trouve un peu court, surtout que V - Agnus Satani atteignait 42 minutes. Déhà avait de la place et de la ressource pour un ou deux morceaux supplémentaires, et s’il est encore capable de mieux VI - Khaos se suffit nettement à lui-même et se pose comme une bonne tuerie. Il n’y a rien de neuf pour du BM, mais l’artwork minimaliste montre que Déhà laisse la musique s’exprimer (il ne souhaite pas faire d’interview pour MERDA MUNDI d’ailleurs), et la musique elle met la fessée, avec la ceinture en cuir et cul nu. Tout simplement un excellent album de BM, qui mérite de mériter dans les meilleures sorties du style de l’année surtout qu’il vient presque de nulle part. Amateurs de musique crue et violente qui crache à la gueule de l’humanité et de ce monde de merde, la 6ème offrande chaotique de MERDA MUNDI est pour vous.




Rédigé par : ZeSnake | 16.66/20 | Nb de lectures : 11418