Autant mettre les points sur les i : bien qu’étant basé sur exactement les mêmes critères de qualité et d’exhaustivité que la aussi double compilation récemment consacrée par le même label à ses contemporains de CATACOMB, ‘In Memory Of Agrazabeth’ n’a pas du tout la même fonctionnalité. Si ‘The Year Of Morbidology’ avait avant tout pour raison de vivre de dévoiler enfin au grand jour le potentiel de celui qui aurait pu être un grand de la scène death-metal franchouillarde du début des années 90, ‘Agrazabeth’ est surtout là pour remplir les trous qui subsistaient dans la discographie de MERCYLESS. Tout en offrant (enfin) quelque chose de consistant à machouiller aux fans, dix-huit ans quand même après le dernier disque 100% death de nos petits gars de Mulhouse – en même temps ‘Coloured Funeral’ quel putain disque !

Et justement, un avertissement s’impose : s'il y en avait encore quelques-uns qui doutaient du travail abattu par le producteur anglais Colin Richardson sur les deux premiers skeuds des Mulhousiens, rien que l’écoute de ces trois démos pré-‘Abject Offerings’ enregistrées entre 1988 et 1990 devrait les faire taire à jamais.

Quelque part entre KREATOR, les démos de DEATH et le premier album de PESTILENCE, comme à peu après tout le monde à cette époque, MERCYLESS – qui, pour l’anecdote s’appelait encore à l’époque MERCILESS avec un ‘I’, oui comme les Suédois – naviguait alors à vue entre thrash et death, avec ce petit côté fauché qui faisait tout son charme mais qui a quand même, avouons-le, depuis pas mal vieilli. En contrepartie, bien que gravé un an seulement après leur première démo de 1988 (‘Immortal Harmonies’), ‘Visions From The Past’ marquait déjà une véritable évolution vers un style plus floridien, notamment dans le style de production très typé Morrisound, les gros dollars verts en moins. Un virage artistique que ne fait d’ailleurs que se confirmer l’année suivante avec ‘Vomiting Nausea’ : exit les accélérations à tout va pas toujours nécessaires et les arrangements parfois un peu étroits, MERCYLESS se faisait désormais plus vicieux mais aussi plus brutal alors que la voix de Max se fait moins criarde et plus rocailleuse, même si musicalement, le groupe restait alors fermement ancré dans un thrash de voyous très fin des années 80, certains plans (« Another Desolation ») portant par exemple au fer rouge l’empreinte de SEPULTURA période ‘Beneath The Remains’.

Reste que comparé à ‘Abject Offerings’, peut-être le tout meilleur premier album de death jamais sorti par un groupe en France, pourtant sorti même pas deux plus tard, on est un cran dessous. Et le fait qu’aucun des titres de ces démos – soit quand même douze morceaux – ne se soit retrouvé sur cet album en dit long sur le chemin parcouru entre 1990 et 1992. Ceci étant dit, c’est d’autant plus bonus pour les fans qui se retrouvent donc avec, en gros, douze inédits, plus une version répét’ de l’un de leurs tout premiers titres « Sudden Death ».

Et puis pour les autres, à défaut de pouvoir (pour l’instant ?) se mettre sous la dent une réédition digne de ce nom de ‘Abject Offerings’ et de ‘Coloured Funeral’, il y a donc ce second CD bourré jusqu’à la gueule (dix-huit titres). Avec déjà quatre titres de ‘Abject’, capturés sur le vif en 1990 en salle de répétitions avant que le groupe n’entre en studio et où, malgré le son forcément pourri, on perçoit déjà pas mal de subtilités. Plus quatorze autres, tirés de deux concerts donnés quatre ans plus tard à Rochefort et Reims en respectivement mai et décembre 1994 pour la tournée ‘Coloured Funeral’ et au son très correct (même si un peu plat et avec une double envahissante dans le cas de Reims) car chipé directement à la table de mixage.

Pas besoin de vous refaire un topo sur la présentation du disque en lui-même où l’on retrouve le même souci jusqu’an boutiste d’en faire toujours plus : pochettes des démos, intégralité des paroles, photos personnelles, etc. Rien ne manque, même les coupures de presses (élogieuses) d’époque, même si on aurait beaucoup aimé que ces dernières ne soient pas reproduites à la taille de poste-timbre et donc illisibles.

Je récapitule donc pour ceux du fond : 2010, une double compilation royale. 2011, annonce de la (enfin) reformation du groupe et 2012, sortie a priori d’un nouvel album dans la même veine que ‘Abject Offerrings’ dixit leur leader Max Otero. L’heure de la revanche a sonné pour celui qui n'aurait jamais cessé d'être porté aux nues malgré deux disques (contestables) dans la seconde moitié des années 90, MERCYLESS !!!


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | réédition/ | Nb de lectures : 14461