MARTYRDÖD - Paranoia (Southern Lord) - Selection VS du 17/09/2012 @ 07h50
Dehors, les ténèbres, le silence. L’orage gronde. A l’intérieur, l’atmosphère est moite, en dépit d’une température fraîche. L’odeur émise par les résidus d’un repas bâclé masque mal l’émanation d’humidité acre. Excepté le bruit des gouttes s’écrasant contre une fenêtre, pas un bruit ne filtre. Un faible halo est émis par l’ampoule nue au-dessus du bar. Ambiance sombre, et pourtant incroyablement lumineuse, comparée avec le flot d’amertume qui anime l’Homme.

Dans un recoin de la pièce, à l’opposé du bar, près d’une table en bois rustique, l’Homme. Affalé plus qu’attablé. Son regard, désespérément vide, est inquiétant, paralysant. Car incroyablement lucide, sur lui-même, sur sa situation, à cet instant. Il essuie une goutte qui perle sur le coin de son œil. De la sueur, résultant de l’humidité qui règne ici. Pas de liquide lacrymal, cela fait bien longtemps que ces yeux secs et abattus sont sevrés de larmes. Ils ont trop donné, la source s’est tarie.

L’Homme se lève soudain, et sans un mot, se dirige vers le coin de la pièce, où trône une chaine-hifi poussiéreuse. Il appuie sur un bouton, enclenche la lecture d’un CD.
"Paranoia". MARTYRDÖD. Rugosité, animosité, violence pernicieuse.

Les décibels emplissent peu à peu l’espace confiné de la pièce. Le son, puissant, gras et âpre des guitares s’équilibre avec les hurlements qui surgissent. Des mélodies mélancoliques fusent et parasitent le cerveau, s’incrustant avec une extraordinaire et opaque efficacité dans les fragments de mémoire de l’Homme.
Les hurlements déchirés, expressifs, retranscrivent les déferlantes d’animosité viscérales dévorant l’Homme. Ils expriment plus d’antipathie qu’un être humain ne peut féconder. Amplifié par le son rugueux qui sort des hauts-parleurs, l’Homme trouve, enfin, exutoire à l’échelle de son mal être.

Un sentiment d’oppression intérieur l’habite, le dévore. Persuadé d’être persécuté, obnubilé par l’hypothétique, dévoré par la paranoïa, il en perd toute lucidité. Son anéantissement trouve écho dans l’ambiance agressive et âcre de "Paranoia", dont l’intensité rythmique renforce l’addiction. Ambiance lourde et violente, éclaircie par les mélodies poignantes des riffs, franchement inventifs.
Défouloir haineux, parfaite retranscription sonore des états d’âmes de l’Homme.
Abattu mais lucide, il puise dans toute l’énergie exprimée au travers des titres abrasifs et rapides, suffisamment de force pour expier son malaise profond.

Si ses muscles n’étaient point ankylosés par le désespoir, l’Homme ne pourrait résister à l’énergie communicative des décibels. Renouant avec son glorieux passé, délaissant la lourdeur, "Paranoia" est beaucoup plus frontal que l’inventif "Sekt". Alliant l’ambiance et la détermination, l’emprise de l’album s’intensifie au fil des écoutes.
L’abattement, l’écrasement sonore, le rejet viscéral de l’existence humaine, l’antipathie profonde mêlée à une animosité extrême : autant d'états d’âmes qui retranscrivent l’uppercut sonore de "Paranoia".

Abandonné par les siens, désabusé, l’Homme trouve ici une forme d’expiation musicale, comme le prolongement de ses songes désespérés. Musique captivante, incroyablement expressive, qui ne fait que confirmer le talent de MARTYRDÖD.
Toujours plus vifs, renouant avec une énergie débordante, les rythmes réussissent à faire osciller la tête de l’Homme, qui se laisse hypnotiser par cette dance morbide addictive.

Pourtant, les mélodies, vaine tentative d’optimisme, masquent mal l’opacité des sentiments, et le profond abattement exprimé.
Plus que jamais, MARTYRDÖD démontre surtout son aptitude à évoluer sans changer.
L’absolu talent d’individus capables de renouveler par les riffs un style relativement fermé.
L’inénarrable variété découlant des accords et mélodies produites ici. Le Crust sombre et métallique des Suédois a acquis une nouvelle dimension, symbiose parfaite de la schizophrénie artistique de MARTYTDÖD.
Le corps décharné de l’Homme trouve dans ces rythmes terriblement accrocheurs une complainte physique qui fait écho avec ses peurs intérieures.

L’Homme se lève, hésitant. Titube, mu par un découragement si profond qu’il en modifie son équilibre physique. Son centre de gravité est à jamais perturbé, acculé par le poids de l’aliénation et de l’isolement sur ses épaules chétives. "Paranoia" résonne encore, la puissance du son et l’exceptionnelle efficacité des morceaux restent ancrées dans le cerveau aliéné de l’Homme. S’accrochant à ces parcelles de résignation, pour ne pas s’écrouler.

La solitude dans toute sa splendeur. L’isolement dans toute sa réalité.
Jamais les moyens de communication n’ont été aussi développés, jamais les individus n’ont été aussi seuls. L’Homme le sait. Ce n’est jamais facile. L’implacable réalité de notre quotidien.

"Paranoia" s’achève dans un dernier larsen, confirme et réaffirme la suprématie des Suédois. La vibration acoustique du dernier accord s’éteint et se noie peu à peu dans l’immensité sonore du silence.
Silence tout juste perturbée par le son de la corde qui se tend soudain, suivi du bruit d’un tabouret qui tombe à terre. Quelques gémissements retentissent, puis le silence reprend ses droits. L’orage s’est interrompu. Le calme revient, pour l’éternité.
L’aura captivante de "Paranoia" règne ici en maître.


Rédigé par : ..::Ju::.. | 18/20 | Nb de lectures : 14187




Auteur
Commentaire
glande pinéale
IP:5.135.54.6
Invité
Posté le: 17/09/2012 à 09h13 - (103766)
Faire des chroniques pompeuses pour masquer le fait qu'on a rien à dire sur un disque, c'est la nouvelle mode dans les webzines? Parce que si on ne connait pas, on ne sait pas de quoi il en retourne.

th
IP:83.195.161.201
Invité
Posté le: 17/09/2012 à 09h23 - (103767)
tout ca pour parler d'un disque de crust...

daminoux
Membre enregistré
Posté le: 17/09/2012 à 10h43 - (103769)
sympa... mais pas aussi emballé que toi ...



Dungorpat
Membre enregistré
Posté le: 17/09/2012 à 11h13 - (103770)
@glande : Le son, puissant, gras et âpre des guitares s’équilibre avec les hurlements qui surgissent. Des mélodies mélancoliques fusent et parasitent le cerveau, s’incrustant avec une extraordinaire et opaque efficacité dans les fragments de mémoire de l’Homme.
Les hurlements déchirés, expressifs, retranscrivent les déferlantes d’animosité viscérales dévorant l’Homme. Ils expriment plus d’antipathie qu’un être humain ne peut féconder. Amplifié par le son rugueux qui sort des hauts-parleurs, l’Homme trouve, enfin, exutoire à l’échelle de son mal être.


Renouant avec son glorieux passé, délaissant la lourdeur, "Paranoia" est beaucoup plus frontal que l’inventif "Sekt". Alliant l’ambiance et la détermination, l’emprise de l’album s’intensifie au fil des écoutes.
L’abattement, l’écrasement sonore, le rejet viscéral de l’existence humaine, l’antipathie profonde mêlée à une animosité extrême : autant d'états d’âmes qui retranscrivent l’uppercut sonore de "Paranoia".

Toujours plus vifs, renouant avec une énergie débordante, les rythmes réussissent à faire osciller la tête de l’Homme, qui se laisse hypnotiser par cette dance morbide addictive.

Pourtant, les mélodies, vaine tentative d’optimisme, masquent mal l’opacité des sentiments, et le profond abattement exprimé.
Plus que jamais, MARTYRDÖD démontre surtout son aptitude à évoluer sans changer.
L’absolu talent d’individus capables de renouveler par les riffs un style relativement fermé.
L’inénarrable variété découlant des accords et mélodies produites ici. Le Crust sombre et métallique des Suédois a acquis une nouvelle dimension, symbiose parfaite de la schizophrénie artistique de MARTYTDÖD.


C'est justement tout l'avantage du webzine, de pouvoir s'étendre plus que sur un format papier et donc lâcher qq textes de ce genre. L'appréciation d'un album est en grande partie émotionnelle, ce que Ju a fait ici est tenter de retranscrire son ressenti à l'écoute de l'album et il y parvient plutôt bien je trouve.

Il y a du son de disponible donc ce n'est pas absolument indispensable de faire une liste interminable de références, à chaque chroniqueur d'écrire sa kro de la façon qu'il pense être la meilleure pour faire partager son expérience.

chaussure
Membre enregistré
Posté le: 17/09/2012 à 14h00 - (103778)
découvert la semaine dernière, en écoute intégrale sur toitube.

radical et mélodiquement énorme.





Alain Proust
IP:109.214.121.59
Invité
Posté le: 17/09/2012 à 14h11 - (103780)
Un chroniqueur qui se prend pour un auteur... Ouille !

Le style et la qualité d'un texte ne se mesurent pas à la quantité d'adjectifs utilisés.

pearly
Membre enregistré
Posté le: 17/09/2012 à 14h46 - (103782)
De loin la meilleure sortie du genre cette année à mon sens.
J'en attendais énormément, depuis l'album "Sekt".
Et je ne suis pas déçu, du tout. Impressionnant, excellente personnalisation de tous les gimmicks du genre - dans un genre qui se résume souvent à des gimmicks. Du crust de salon sans l'aspect putassier qu'on pourrait éventuellement coller à cette étiquette, un crust propre, grassement produit, moderne, et pourtant sans fioritures.
L'antithèse de Doom. J'adhère à 100%.



..::Ju::..
Membre enregistré
Posté le: 17/09/2012 à 22h12 - (103788)
@glande pinéale, th : Ah ben c'est sur, désolé, ça change d'un simple "J'aime". Je comprends que vous soyez désarçonnés. faut pas trop bousculer les habitudes d'internet aussi, c'est de ma faute.
Et oui, Crust ou pas, quand un album est riche, on peut toujours dire un tas de trucs, ; faut juste faire l'effort de l'écouter 1 fois pour de vrai, autrement qu'en surfant sur le net et en matant des vidéos sur youtube.

J'ai énormément de trucs à dire sur cet album, je voulais simplement le tourner autrement.
Je ne suis pas auteur, ni rien du tout en fait, juste fan de Metal.
Aucune prétention ici, à part changer un peu le fond d'une chronique.

Merci Pat, pour ton intervention lucide


Bon sinon, ben j'adore cet album.
Ultra captivant, et voila.




trashercorpse
Membre enregistré
Posté le: 17/09/2012 à 23h40 - (103792)
J'ai bien aimé la chronique ca restranscrit bien l'ambiance et le feeling du groupe ! Et puis martyrdod c'est super bonnard quoiiii ! merci Ju pour la Kro ^^



Ennemie
IP:81.252.135.249
Invité
Posté le: 18/09/2012 à 13h27 - (103799)
Groupe découvert il y a deux ans...Totalement puissant et intense.

xYohmx
IP:93.14.205.45
Invité
Posté le: 19/09/2012 à 07h47 - (103813)
T'inquiète .:Ju:. ceux qui apprécient tes chroniques sont plus nombreux que les deux cancres au fond de la classe qui ne comprennent pas quand il y'a plus de 5 mots dans une phrase (et qui le font savoir en plus ahah)

Crom-Cruach
IP:90.42.126.150
Invité
Posté le: 19/09/2012 à 21h41 - (103830)
Bonne kro, n'en déplaise aux deux cerveaux de poulpes qui débutent les com pour un album plutôt réussit mais mon coeur balance toujours plus du côté de la Brigade du loup.

..::Ju::..
Membre enregistré
Posté le: 19/09/2012 à 22h08 - (103831)
Merci pour vos retours, c'est gentil.

J'adore cet album.
Et je te rejoins partiellement Crom-Cruach, mon coeur aussi balance pas mal du côté de la Brigade du Loup, surtout avec leur excellent dernier album ! Mais MARTYRDÖD est un petit cran au dessus je trouve...

AegoroN
Membre enregistré
Posté le: 20/09/2012 à 22h32 - (103847)
Encore un album essentiel d'une formation qui l'est tout autant.

Très belle chronique, qui témoigne de la teneur tout aussi cérébrale que physique (peut-être même davantage) de la musique du groupe.
Sûrement la plus belle preuve de la possibilité de produire une musique sophistiquée sans fioritures, et d'évoluer sans se compromettre.



daminoux
Membre enregistré
Posté le: 21/09/2012 à 13h51 - (103860)
finalement, plus je l'écoute plus il me massacre le cervelet.... moins direct que les loups....



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