Six ans !!! C’est le temps qu’il aura fallu à MARTYR pour surenchérir sur le flamboyant “Warp Zone », deuxième album du groupe sorti en 2000, qui avait soulevé les plébiscites unanimes des médias comme des fans. MARTYR avait définitivement marqué de son empreinte le death metal technique et, dès lors, plus rien ne semblait pouvoir arrêter une irrésistible ascension vers les plus hauts sommets du genre au côté des ATHEIST, CYNIC et autre PESTILENCE.
Contre toute attente, c’est exactement l’inverse qui se produisit. Outre un album live sorti en 2001, le groupe réalise une démo deux titres en 2003 laissant planer au passage l’idée d’un troisième album imminent. Cette maquette initialement conçue pour leur ouvrir les portes des labels de vastes envergures ne permettra pourtant pas à MARTYR de décrocher le contrat de leurs rêves. Il faudra donc attendre 2006 pour voir surgir des limbes le métal chiadé des frères Mongrain. Un disque qui marque une évolution certaine dans le style de nos Québécois.

La première chose qui frappe d’entrée de jeu chez ce « Feeding the Abscess » c’est la qualité du son nettement supérieur à celui de « Warp zone » où la caisse claire avait la fâcheuse tendance à sonner comme un baril de lessive. Bénéficiant du travail conjugué de Pierre Remillard, Yannick Saint Amand et Breen Leboeuf aux consoles des différents studios fréquentés de même que d’un mastering signé Alan Douches, le résultat final tutoie la perfection et magnifie au passage l’orchestration prodigieuse déployée tout au long des treize titres de cette ogive.

Le deuxième point significatif dans l’évolution de MARTYR se situe au niveau de son travail de composition. Articulant toujours sa musique autour d’un métal progressif et particulièrement fouillé sur le plan des guitares et des rythmiques, MARTYR a choisi de mettre quelque peu en berne les lead guitares qu’il affectionnait tant pour se concentrer sur un véritable tourbillon de technicité qui, de temps à autres, baisse les armes pour délivrer quelques rafales thrashy plus basiques mais ô combien efficaces. En s’abandonnant à des passages purement catchy, le death technique de MARTYR gagne un petit plus indéniable. Un violoniste de session vient également renforcer le groupe sur une paire de passages prouvant par la même occasion qu’on peut arracher à un violon des sonorités aussi lugubres que lyriques. Difficile de dire si ces légers changements de cap sont dus aux années écoulées ou à l’arrivée en 2001 de Martin Carbonneau en remplacement de Pier-Luc Lampron (qu’on retrouve tout de même en guest sur le somptueux « Feats of Vermin ») mais les résultats sont là.

Le troisième point concernera l’objet de bien des allergies chez les détracteurs du combo. Combien de fois n’avons nous pas entendu ces sempiternelles remarques désobligeantes sur le chant, parfois approximatif, il est vrai, dispensé par les frères Mongrain ? S’il n’y a pas eu de remaniement de la formation pour le poste de chanteur, sachez tout de même que des progrès ont été faits sur ce point. Alternant un registre de voix thrash avec des growls de bonne facture, les deux frangins s’en sortent plutôt bien et n’auront pas à rougir de leurs performances.

L’ultime point à souligner concernera le dernier morceau de cet album qui se trouve être une reprise de « Brain Scan » du plus mythique groupe québécois de tous les temps. J’ai nommé VOIVOD. Cette reprise à la sauce MARTYR est également l’occasion pour le groupe d’accueillir un invité de marque à la basse en la personne de Jean-Yves Thériault plus connu sous le pseudo de Blacky (ex-VOIVOD). Il faut savoir que l’ensemble de ce troisième album de MARTYR est dédié à la mémoire de feu Denis D’amour alias « Piggy » décédé pendant l’été 2005.

MARTYR revient donc, avec un bien bel album. Reste à savoir si le groupe continuera d’être boudé par les gros labels avant de devenir culte… à titre posthume.


Rédigé par : Tonton | 16,5/20 | Nb de lectures : 14009