MARILLION - Happiness Is the Road (Racket) - 28/11/2008 @ 08h58
Essence.

01. Dreamy Street 1.59
02. This Train Is My Life 4.47
03. Essence 6.26
04. Wrapped In Time 5.03
05. Liquidity 2.09
06. Nothing Fills The Hole 3.21
07. Woke Up 3.37
08. Trap The Spark 5.39
09. A State Of Mind 4.31
10. Happiness Is The Road 10.03

Comme annoncé Marillion a très vite tourné la page de "Somewhere Else". Son accueil mitigé a quelque peu surpris le groupe, désappointé même et sans doute accéléré le mouvement.

Il n’est pas le seul. La seule explication plausible est que nombreux étaient ceux encore très fortement marqués (traumatisés ?) par l’effet "Marbles". Or, "Somewhere Else" trop partiellement doté du même pouvoir d’attraction était condamné à un oubli plus ou moins rapide. C’est fait, c’est dit, passons à autre chose.

L’art du contre-pied est devenu une habitude pour la formation britannique. Après le chef d’œuvre, l’admiration et le respect s’emparent de tous. Puis vient l’album moyen et l’inquiétude ressurgit.

Vous connaissez la propension du fan à s’emballer plus vite que la moyenne. Aussi, lorsque le quintet a émis l’idée de sortir à nouveau un double album, le microcosme a frémi d’impatience à l’idée de revivre les mêmes sensations qu’avec Marbles. Le simple fait d’exister, cette information a fait tournebouler les têtes à plus d’un. Pensez donc, Marillion allait certainement refaire le coup de "Marbles" ! Est-il raisonnable de susciter même artificiellement un tel espoir ? Rien n’est moins sûr que les Anglais soient capables de renouveler une performance qui ne se produit qu’une ou deux fois dans la vie d’un groupe.

S’interroger de la sorte n’est pas innocent. Marillion a pour credo de se remettre en question mais avec des résultats inégaux. Bien que présentant quelques risques, une telle démarche peut s’avérer salutaire et même être extrêmement payante si elle est animée par de nobles motivations. Ce dont nous ne doutons pas un instant concernant les Anglais. Pour mémo souvenons-nous qu’après une bonne série – de "Holydays in Eden" à "This Strange Engine" – s’en est suivi un long passage à vide ("Radiation" - "Marillion.com" et "Anoraknophobia").

Concernant "Happiness…", le projet initial n’était pas aussi ambitieux. A l’origine, il s’agissait de rassembler les chutes de "Somewhere Else", de les retravailler, de leur adjoindre quelques nouveaux titres et le tour était joué. Mais le résultat n’aurait été qu’un produit à moitié réussi pour ne pas dire bâclé. Le groupe a donc revu sa copie et opté pour le double et la fièvre est montée.

De toute façon, Marillion n’est pas responsable de ce bouillonnement médiatico-nombriliste. Ce sont les fans et eux seuls qui créent des attentes souvent irréalistes.

Finalement, en dernier recours, l’auditeur aura le dernier mot. Le fanatisme de certains et la lassitude des autres feront la différence au moment de compter les points. A ce stade, les paris sont ouverts tant la réaction vis-à-vis de Marillion est souvent contradictoire et démesurée. Histoire de jeter le trouble, certains crient haut et fort qu’ils n’ont pas aimé "Marbles" mais qu’ils écoutent "Somewhere Else" en boucle. Allez comprendre !

Ne feignons pas l’étonnement, rien n’est jamais simple s’agissant de la bande à Steve Hoggarth.

Même la sortie « technique » de ce 15ème album l’est moins que les précédents. Depuis "Marbles", Marillion nous a bousculés dans nos habitudes avec sa méthode peu orthodoxe de financer ses albums. En gros, le groupe demande un préfinancement à ses fans et lorsque la somme est réunie, il se lance dans l’aventure. Cela permet une plus grande liberté d’action et un contrôle total sur son travail. De quoi donner des idées à d’autres formations subissant la même crise de confiance des labels.

Mais le groupe a voulu aller plus loin dans la maîtrise de son œuvre. Il a souhaité devancer le piratage de "Happiness…" en lançant lui-même sur le net une version dite « d’avertissement ». Par le biais d’une société appelée Music Glue, plusieurs semaines avant la sortie officielle (le 20 octobre) il a donc inondé le web de versions contenant un message demandant aux « pirates » d’acheter légalement l’album en les renvoyant vers le site officiel pour en acquérir la version légale.

A l’heure qu’il est cet objectif commercial n’a pas été atteint. Bien avant la date fatidique, des versions « normales » de "Hapiness" circulaient déjà sur le net et en plus grand nombre que celles avec avertissement. Les pirates ont toujours une longueur d’avance…

Voilà pour la partie business. Et qu’en est-il de l’objectif séduction ? L’artwork de ce 15ème album a de quoi surprendre avec son visuel très « métal cérébral ». En fait, il s’agit « d’artworks » au pluriel reconnaissables uniquement par leur différence de couleur. Car "Happiness" est un double album en 2 parties distinctes comme le fut par exemple "The Dream Sequencer"/"Universal Migrator" d’Ayreon. Distinctes mais complémentaires. Et il s’agit d’un concept dont je vais tenter de résumer brièvement la trame.

Le premier album nommé "Essence" nous propose une réflexion dont un proverbe tibétain pourrait être le socle. Ce proverbe dit : « le bonheur n’est pas sur la route, le bonheur c’est la route ». Partant de ce postulat Marillion décline tout un tas de principes philosophiques.

Dans le même ordre d’idées, Confucius a dit : « Tous les hommes pensent que le bonheur se trouve au sommet de la montagne alors qu’il réside dans la façon de la gravir. » Où, pour résumer, l’important n’est pas d’obtenir ce que l’on cherche mais la façon dont on parvient à l’acquérir.

Je vous passe les raisons qui ont poussé Hogarth à écrire sur un sujet aussi new age. Sachez seulement qu’il y est question de méditation sur « l’éveil de la conscience de soi » dont Eckhart Tolle se fait le théoricien dans son livre The Power Of Now (le pouvoir du moment présent).

Le second disque nommé "The Hard Shoulder" (ou « la bande d’arrêt d’urgence » pour continuer dans la métaphore routière) propose des solutions, des réponses aux interrogations posées par le premier volet.

Appliqué à la politique artistique de Marillion, cette philosophie très Jacques Kerouac de « la route » définit parfaitement ce que le groupe est devenu et les buts qu’il s’est désormais fixés. Surprendre, sortir des sentiers battus, innover et surtout ne pas se soucier des opinions versatiles de la masse.

De ce point de vue, l’objectif est atteint. Et "Somewhere Else" n’est plus qu’un vague (mauvais ?) souvenir. Et bien que l’on ne puisse pas confondre "Marbles" et "Hapiness…", la tentation est grande de les rapprocher afin de les comparer. Car les similitudes et les affinités sont nombreuses. Mais Marillion va plus loin tout en restant lui-même. Il sait mieux que personne ménager un rock pop très moderne et une sophistication propre au rock prog atmosphérique en le transcendant pour ne pas le limiter à ses extravagances pompières.

Prenez donc l’album "Marbles", enlevez lui des titres comme "The Invisible Man", "Neverland" et "Ocean Cloud". Jusque-là vous pensez que l’affaire se présente mal. Attendez, pas de panique, soyez patients et mixez ce qui reste encore de très bon – "Fantastic Place" par exemple - avec le meilleur de "Brave" et vous aurez une assez bonne physionomie de "Hapiness"/"Essence…"

Ça peut sembler insuffisant. Il n’en est rien. C’est juste différent. Familier mais différent. En fait, en 10 titres, le groupe déroule son concept dans une ambiance éthérée, toute en douceur. "Hapiness"/"Essence" est bien plus qu’un album ou un concept. C’est une aventure, un voyage intérieur, une épopée intime.

Dès l’intro de "Dreamy Street", le ton est donné. "Essence" sera décliné sur ce mode soft et mélancolique. De cette chimie magnétique naissent des climats vaporeux d’où la complexité semble être absente mais elle émerge toutefois parmi les nappes de claviers captivantes ou au beau milieu de combinaisons savantes et pour tout dire inattendues. Les belles harmonies sont elles aussi au rendez-vous. "Wrapped Up In Time" est là pour nous rappeler cette science parfaitement maîtrisée.

Cependant – et c’est sans doute le défaut principal de cette première partie – le sentiment de redite s’installe graduellement avec "Essence", "Trap the Spark" ou "A state of Mind". Ces titres ne déméritent pas. Bien plus, ils surpassent haut la main la moitié des titres dits « faibles » de "Somewhere Else" mais ils ne déparaient pas suffisamment des productions antérieures pour crier au génie.

Fort heureusement, le Marillion inspiré revient par la grande porte avec l’instrumental "Liquidity", d’une sensibilité à fleur de peau et surtout avec le titre éponyme qui du haut de ses 10 minutes ressuscite l’univers enchanteur de "Marbles". Au terme de ce premier épisode encourageant on ne peut toutefois ignorer une impression d’inachevé. Que nous réserve la suite ?


The Hard Shoulder.

01. Thunder Fly 6.22
02. The Man From Planet Marzipan 7.53
03. Asylum Satellite #1 9.29
04. Older Than Me 3.09
05. Throw Me Out 3.59
06. Half The World 5.06
07. Whatever Is Wrong With You 4.14
08. Especially True 4.35
09. Real Tears For Sale 7.34
11. Half Empty Jam 6.48

Avec "Essence", le groupe s’interroge – et nous avec lui – dans le confort et la quiétude sur le sens à donner à sa vie. "The Hard Soulder", le volet 2 est d’un autre fumet. Le concept est moins marqué, dilué. Le son est plus rock. Comme s’il avait voulu transgresser les préceptes du 1er, Marillion change de braquet en 9 titres dont certains affichent une énergie qui tranche radicalement avec l’épisode précédent. "The Hard Shoulder" propose des réponses plus dynamiques qui ne sont pas sans rappeler l’inégal et contesté Anoraknophobia".

Passons sur "Half The World" et "Whatever Is Wrong" qui, dans un regitre pop, n’amènent rien d’exceptionnel.

Plus intéressant, "Thunder Fly" nous montre un versant inattendu de la musique de Marillion ; ce titre sonne comme une séquence d’improvisation peu courante dans la mesure où même le titre le plus court est très construit.

J’ai dit plus haut que "Happiness" pouvait être un assemblage de "Marbles" (moins les titres longs) et "Brave". Je précise mon point de vue ; si "The Man From The Planet Marzipan" et "Asylum Satellite #1" n’ont pas la profondeur d’un "Invisible Man" ou d’un "Neverland", ils n’en demeurent pas moins des titres phares et en tout cas représentatifs du Marillion moderne découvert depuis leur 1er double album référence et perpétué en partie avec "Somewhere Else". Ceux sont des pièces ambitieuses, sophistiquées à l’architecture complexe et aux mélodies suffisamment travaillées pour marquer les esprits.

"Real Tears For Sale" renoue avec la pop celtique. "Especially True" et "Throw Me Out" avec la pop facile familière dont Marillion ne peut décidément se défaire sans se renier complètement.

Au vu de l’objet, il était très tentant d’annoncer le retour de la formation anglaise en grandes pompes. Absolument tout se présentait comme tel. Mais soyons objectifs, "Happiness" n’est pas "Marbles" ; il lui en manque la cohésion. Et il est fort probable que ce double chef-d’œuvre reste très longtemps encore la référence ultime de sa discographie. Il n’a pas non plus la dimension quasi mystique de "Brave". Et oui, certains titres ne sont pas indispensables. Une seule grosse galette de 75 ou 80 minutes aurait suffi à combler notre attente et satisfaire nos envies.

Mais ce 15ème album bicéphale a largement de quoi faire oublier "Somewhere Else". Surtout dans son 2ème volet plus concret, plus généreux et plus actuel. Et c’est en fin de compte la principale et la plus significative de ses qualités.

http://www.marillion.com/music/index.htm - 244 visite(s)

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Rédigé par : Karadok | 16/20 | Nb de lectures : 12219




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Commentaire
Brett
Membre enregistré
Posté le: 28/11/2008 à 10h50 - (64934)
Marrant, moi je lui mettrai un bon 18 (voire plus) avec une nette préférence pour le CD 1. Un album qui se découvre lentement au fur et à mesure des écoutes, pas de l'easy listening mais putain que c'est beau !!!

stench
Membre enregistré
Posté le: 28/11/2008 à 11h44 - (64940)
Pareil en ce qui me concerne : excellent album, mais par contre je prefere le second cd. N'empeche que ce double cd me semble assez cohérent, et ecouté d'une traite, les ambiances semblent logiquement evoluer. Donc je ne partage pas ton opinion qu'un simple aurait suffit : ces titres se completent à merveille! Bien meilleur que le predecesseur, pas tout à fait au niveau de Marbles, mais excellent quand meme. Et pour ceux qui ont l'edition limitée précommandé, putain que c'est beau! Deux livres d'unecentaine de pages chaque, avec des illustrations à tomber par terre. Encore un excellent travail de Marillion

A noter pour les plus nostalgiques le nouveau coffret "Early stages" 6 cds de lives inédits 82/87 avec Fish au chant, ils sont superbes!

Joss
Membre enregistré
Posté le: 28/11/2008 à 11h44 - (64941)
Moi j'ai pas réussi à rentrer dedans. Je me suis forcé un peu quand même pour me faire 5 ou 6 écoutes, mais je me suis emmerdé à chaque fois. Dommage, pour Marillion je resterais à jamais avec mon Marbles et c'est tout.



death_to_false_metal
Membre enregistré
Posté le: 28/11/2008 à 14h38 - (64966)
Marillion est un projet secret du gouvernement pour faire faire des économies à la Caisse d'Assurance maladie.

Avec eux, plus besoin de molécules chimiques du type Stylnox pour trouver le sommeil.

Après 3 morceaux, vous êtes déjà dans les bras de Morphée.

Un peu vicelard comme procédé mais bien vu.

Zblam
Membre enregistré
Posté le: 29/11/2008 à 11h13 - (65010)
C'est marrant comme chacun a son histoire avec les groupes... Quand Karadok range vite Somewhere Else aux oubliettes, de mon côté c'est un de mes préférés. Peut-être son aspect plus organique ou immédiat? Je range Marbles et Somewhere else ensemble dans le haut de la liste, comme quoi...

Avec ce dernier, je reste un peu sur ma faim, car dans le style recherché, l'épique, l'ambiant, le double album, je trouve que ça manque un peu de souffle. Un souffle qu'on ne retrouve que par endroits (Real tears for sale, Happiness is the road). Ca reste de très bonne facture, cela dit. Mais ça manque de retourner mes tripes... Allez un bon 14 pour moi.



Amalrik
IP:83.196.101.195
Invité
Posté le: 30/11/2008 à 15h40 - (65028)
Moi je préfère Misplaced Childhood et la période Fish.
Et pour ces deux là, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'atmosphère. Dommage. J'ai quand même du mal à m'habituer à Hoggarth.

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