Dix ans, cela fait dix ans que Manes existe et qu’il évolue au sein de la scène norvégienne. Le groupe n’a cessé de se métamorphoser au cours de cette décennie pour nous proposer aujourd’hui ce subtil mélange de sonorités électros indus et de riffs froids hérités d’un lointain passé black métal. En effet, si les trois premières démos enregistrées entre 93 et 95 proposait un black métal glacial, les choses ont commencé à changer avec leur premier album sorti chez Hammerheart qui laissait beaucoup plus de place à l’expérimentation. En 2003 Manes n’a gardé du black des débuts que le côté désabusé et mystique, la musique s’étant considérablement étoffée grâce à l’apport des nouvelles technologies. Le ralentissement du tempo associé aux joies de la programmation a ouvert de nouvelles portes pour le groupe qui nous propose un voyage musical vraiment intéressant. Je tiens à m’excuser à l’avance pour le jeux de mot qui va suivre mais c’était trop tentant : Manes et une véritable manne tombée du ciel pour tous ceux qui ne ce sont pas remis du split d’In The Woods et qui recherchent désespérément des groupes talentueux et novateurs capables de combler un minimum le vide laissé par une telle tragédie. Manes est loin d’être une copie conforme d’In The Woods mais on retrouve chez ce groupe la volonté d’aller de l’avant et d’expérimenter sans ce soucier des barrières de style. La musique des deux groupes comporte certaines similarités mais Manes possède sa propre identité, on pourrait voir cet album comme une interprétation et une prolongation personnelle de « three times seven on the pilgrimage ». A titre d’exemple, on retrouve en introduction de l’album des samples de batterie associés à des vocaux féminins trafiqués avant que des riffs de guitare (assez plombés) ne viennent prendre le relais. Au cour de l’album on trouvera même quelques notes de sax (ende) et quelques accords de grattes sèches (terminus a quo…). L’association chant masculin/ chant féminin est particulièrement réussie d’autant plus que le timbre du chanteur (que je qualifierai de plaintif sans aucune connotation négative loin de là) permet de faire passer beaucoup d émotions. Les bruitages et autres bidouillages synthétiques constamment présents en fond finissent d’installer l’atmosphère sombre qui colle au groupe. Le guitariste tient également un rôle important dans la création d’ambiances, ce dernier n’hésite pas à faire pleurer sa guitare (« the hardest of comedowns » avec ces notes cristallines et aériennes) et à utiliser de nombreux effets, il n’y a pas de place pour la démonstration stérile ici, juste de la finesse. Par moments il n’y a rien de métal mais les morceaux se révèlent entêtants « diving with yours hands bounds » avec sa ligne de basse et son refrain magnifique. Le troisième morceau « white devil black shroud » aurait pu se trouver sur le dernier et somptueux album de The Gathering « souvenirs » tant l’approche musicale est la même. « Death of the genuine » semble lui tout droit sortie de « the marriage of heaven and hell » d’Ulver avec ses boucles synthétiques, son chant déclamatoire et sa basse saturée. Le meilleur moyen de décrire cette album est d’imaginer un mélange de l’album d’Ulver précité avec les derniers The Gathering et In The Woods, bref pas des albums de minables (le label voit plutôt une jamming session entre Katatonia, Radiohead et Aphex twin, chacun son avis, mais là encore il ne s’agit pas de manchots !).
Ce Vilosophe est un pur moment de plaisir que je qualifierai de Dark pop métal électro pour ceux qui aiment les étiquettes. Seul petit reproche, le dernier morceau est en fait un long monologue en allemand accompagné de quelques bruitages en arrière plan ; sans les paroles, difficile d’y trouver un quelconque intérêt, surtout après avoir été enchanté par les précédents morceaux. Voilà, c’était juste histoire de trouver quelque chose à dire de négatif (et encore), mis à pat ça il reste quand même 40 minutes de bonheur.


Rédigé par : Dark Tranquilou | 17/20 | Nb de lectures : 9767