On a la culture qu'on mérite. En découvrant le nom du groupe pour la première fois je ne pus m'empêcher de penser en tout premier lieu aux aventures du célèbre magicien, qui accompagné de son acolyte Lothar ont bercé une bonne partie de mon enfance (avec Blek le roc ou Dylan Dog mais ces derniers prêtent moins à confusion). Seul un anglophile averti aura immédiatement reconnu dans ce patronyme la mandragore, plante hallucinogène aux supposées vertus magiques qui illustre la pochette du premier album du groupe. Un premier album paru il y a plus de dix ans ce qui fait de nos Allemands des anciens de la scène gothic metal en dépit d'une popularité toute relative.

« Innoncence weakness » constitue le cinquième album de MANDRAKE, qui persistent à faire du ravissant minois de Birgit Lau l'argument majeur des visuels de leurs covers. Détail qui présente un fâcheux contresens sur la nature de leur musique, on est en effet très loin du metal à chanteuse tendance symphonique qui a fait les belles heures du gothic metal avant d'entraîner sa chute. La musique de Mandrake offre un bien bel écrin au chant de Birgit Lau, toutefois celle-ci officie dans un registre metal/rock/folk très convaincant qui la rapproche davantage des derniers albums de The Gathering ou Theatre of Tragedy. Point de chant lyrique caricatural ou de d'interminables envolées épiques, les morceaux de Mandrake évoluent dans un doom-death soutenu par une science du riff remarquablement efficace et particulièrement variée. Plages instrumentales, passages au feeling rock bourrés d'émotions, robustes accélérations où les grattes déploient le potentiel létal du groupe, soudaines torpeurs doom : on ne s'ennuie pas un instant à l'écoute de cet album composite mais résolument homogène.
Il manquera peut-être un peu plus de constance pour éviter une paire de titres moins accrocheurs ici et là, mais l'ensemble demeure plus que réjouissant, y compris sur les morceaux les plus pêchus ("Coma" ; "Save us from ourselves") qui font une concession aux gimmicks du genre en laissant le guitariste Lutz de Putter assurer les growls de circonstance. Et encore on évite alors le contraste trivial entre la belle et la bête pour installer une dialectique plus subtile explorant au mieux les capacités vocales des deux intervenants. Même remarque pour l'utilisation des claviers qui est pertinente grâce à cette manière de se faire oublier en se mêlant à la trame de la musique.
Voilà, on en arrive à ce stade de développement d'un groupe où la présence d'une femme séduisante au micro ne confine pas sa musique dans un genre inutilement réducteur, et place de fait MANDRAKE quelque part entre Crematory pour l'inspiration et Type O Negative pour élargir l'acception du champ gothic metal. Ne ratez pas à cet égard la reprise très réussie de « Everything dies » qui ne figure pour le moment que sur le Myspace du groupe, bel hommage qui déjoue les innombrables pièges inhérents aux covers de ce groupe désormais rentré dans la légende -mais c'est une autre histoire.

Ce nouvel album de Mandrake est tout à la fois une séance de rattrapage pour ceux qui étaient passés à côté de leur carrière et une vraie bonne surprise pour les amateurs du genre. Et sinon vous ne lisiez pas Mandrake? Et the Phantom? Les revues Kiwi et Mustang? Martin mystère? Diabolik? Les Fumetti et tout et tout...


Rédigé par : #Guillaume# | 15/20 | Nb de lectures : 12427