Ah chouette, une nouvelle sortie de Lutomysl! Allez, vous êtes grands maintenant, on peut bien parler du projet ukrainien sur VS. Oui, parce que Lutomysl était réservé aux hommes, aux vrais. A ceux qui aiment leur black mélodique et croustillant à la fois. Enfin, c'était surtout vrai jusqu'au 5ème album Catharsis sorti chez Mercenary Musik en 2007. Le court passage chez Supernal en 2008 a accouché d'un De Profundis bien plus soigné niveau production, mais renfermant des riffs si prenants qu'ils auront permis à l'album de prendre la tête de mon top albums pour une année assez morose. Voilà qu'en décembre 2010 on retrouve l'Ukrainien signé chez ses compatriotes de Nihilward Productions, son sixième label pour sa septième sortie CD depuis 2002 (sans compter les rééditions et les autres formats).

Avis aux amateurs des abysses, Nihilward vient de rééditer sur deux CD les démos de Haemoth. Je sais, c'est pas du vinyl limité en splatter mes-couilles, mais vous n'êtes pas obligés de vous faire détrousser tout le temps non plus. On notera également l'artwork du digi de Lutomysl réalisé par Metastazis qui revient dans ses tons religio-totalitaires plus sobres (au moins le gris ne fait pas ressortir les pédoncules à yeux), tout en restant dans les idées qu'on a pu récemment subir avec le dernier Ascension ou Slavia. Le livret tranche par contre avec sa sobriété exemplaire. Hop, musique.

Quand j'écoute Lutomysl, j'ai envie d'une chose: que l'Ukrainien me chante de beaux hymnes tout en me frottant vigoureusement la tête avec du papier de verre à gros grains. De Profundis était certes mieux présenté que ses prédécesseurs bruts, mais il recélait des riffs mariant agressivité barbare et mélancolie slave. Et d'emblée je dois avouer que cet album éponyme me laisse sur ma faim, officiant plus dans la caresse que le vigoureux. Tous les titres ne sont pas de la teneur du début de "Deathly Silence", dans un opus qui ronronne et tourne un peu en rond. Si vous découvrez Lutomysl, vous risquez la baffe. Si vous connaissez déjà le projet, vous aurez le loisir d'esquiver trop facilement le coup.

On ne retrouve pas l'intensité des blasts furieux des précédentes réalisations dans une sortie qui s'avère plus mélancolique, plus intimiste. Les éléments si particuliers du groupe sont bien tous là, de la voix de victime de tortures génitales au son de guitares criard. Mais agencés différemment, moins portés sur la violence qui contre-balançait à la perfection des passages plus mélodiques désormais presque (trop) seuls maîtres à bord. Lutomysl va un poil trop loin. Un peu comme si l'humain Lutomysl s'était trouvé une nana, en fait, et qu'il calmait un peu le jeu inconsciemment en enfilant ses pantoufles cloutées.

Mon petit plaisir personnel, c'est à nouveau la présence derrière les fûts de Yuriy Sinitsky, dont j'adore définitivement le jeu rentre-dedans mais plein de nuances. Le bretteur m'avait déjà subjugué chez Drudkh et il ne baisse pas encore les bras ce coup-ci. Sinon, ce Lutomysl est un bon album, mais il n'est pas appelé à tourner si souvent dans ma platine. Je lui préfèrerai ses aînés. "Agréable", je ne pensais pas coller ce qualificatif à Lutomysl un jour. Disons plutôt "bien, mais sans plus".


Rédigé par : Prince de Lu | 13/20 | Nb de lectures : 12961