LUNA AD NOCTUM - Dimness Profound (Golden Lake Records) - 05/11/2003 @ 14h38
Il est à craindre que Luna ad Noctum ne souffrent quelque peu de la confrontation avec un certain décalage culturel. Bien loin de moi l’idée de tirer un rideau de fer sur l’Europe du metal, mais il n’est pas un secret que les scènes émergentes de l’Est se plient encore massivement à des normes paramusicales que dans nos contrées nous voyons s’éteindre sans trop d’effusions nostalgiques. Je pense en particulier à ces bonnes vieilles enluminures faciales dignes d’un autoportrait de Paul Klee… Fort heureusement la musique n’est pas affectée au premier degré par les choix cosmétiques de ses auteurs. Pourtant c’est un spectre d’obsolescence comparable qui plane avec insistance sur ce « Dimness’ Profound », vestige d’un black metal symphonique traditionnel et spontané dont la recette, à défaut de se perdre totalement, a tendance à prendre des toiles d’araignées. Luna ad Noctum nous viennent donc de Pologne, armés de sept titres pleins plus les deux courtes contributions « limboniciennes » de rigueur placées aux extrémités de l’album. Appuyée par des couloirs instrumentaux propres et mixés très (trop ?) fort, voilà une musique à laquelle, visiblement, le plus grand soin a été apporté dans le conditionnement, ce qui n’était pas gagné d’avance… un bon point, donc. De même, l’épanouissement technique n’est plus un vain mot chez ce groupe qui a beaucoup appris de ses aînés scandinaves - en particulier Emperor dont on distingue l’ascendance directe à plusieurs reprises - pour ce qui est de varier régulièrement les nuances d’une même noirceur. Ainsi la batterie triggée à l’extrême multiplie-t-elle les cassures rythmiques et les enchaînements carrés destinés à éloigner la malédiction du blast monotone. Effilées comme des incisives de squale, les guitares moulinent inlassablement leurs riffs sinistres qui sont d’ailleurs plus souvent de longues notes raccordées horizontalement que des « riffs », tandis qu’un chant acariâtre auquel il manque un peu de corps fait bien en sorte de ne jamais se laisser oublier plus de quelques secondes. Et pour que la famille soit au complet, n’oublions pas de présenter le synthé qui n’en est pas le membre le plus discret. Il joue abondamment la carte de ces sonorités mélodramatiques et ventrues (on dira lunaires pour le contexte) qu’on ne rencontre habituellement que dans les séries B avec Bela Lugosi - ou lors du mariage à l’église. La fusion dans le flux de la musique en est un tantinet clichesque, mais on ne peut plus convenable. Rien de répréhensible jusque là, mais une fois encore l’expérience montre que les meilleurs dispositions peuvent accoucher d’insignifiance. Sans doute absorbés par la forme, Luna ad Noctum en ont beaucoup trop négligé d'inculquer une ambiance à leurs morceaux. Leurs efforts pour peaufiner un produit d’aspect impeccable et sans fausse note sont pour le moins louables, mais ceci ne suffit pas pour masquer ce vide devant lequel se retrouve planté l’auditeur à la recherche de plans rythmiques décisifs ou de mélodies pénétrantes. L’erreur de Luna ad Noctum est d’avoir gardé leurs idées à l’état de fragments embryonnaires accolés les uns aux autres sans la moindre étincelle de conscience, ce qui résulte en une surcharge d’éléments sans piste d’écoute viable. Le paroxysme de cette vacuité est atteint par des lignes de synthés beaucoup trop lapidaires et inanimées, qui font acte de présence au mépris de tout sens mélodique, au lieu d’offrir un tremplin pour accrocher l’oreille. Consacrant la victoire de l’insipide sur l’expressif, « Dimness’ Profound » c’est un peu comme si les boudoirs de Versailles étaient meublés par Ikea : ce serait moderne et fonctionnel, mais l’essence baroque du lieu ferait cruellement défaut. Et bien là le constat est identique : c’est du black symphonique sans rien de ce qui fait la signature du black symphonique (la profondeur, les envolées, les atmosphères, la démesure, etc.). Le futur stylistique de Luna ad Noctum semble prescrit. Maintenant, à défaut d’un album miracle à la Obsidian Gate, les chances de voir leur nom s’incruster durablement dans les playlists sont squelettiques. Mais peut-être qu’en Pologne…
Rédigé par : Uriel | 10.5/20 | Nb de lectures : 7492
un groupe polonais plus qu'efficace! Si le groupe parait, comme le fait remarquer judicieusement la chronique d'Uriel, classique, il y a des arrangements discrets et des lignes de synthé qui piège leur auditeur.
des musicos efficacent et une musique béton
13/20
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Rédigé par : Uriel | 10.5/20 | Nb de lectures : 7492