Si Lunar Aurora sont toujours restés une grosse cote, même dans leur division de rattachement (le black metal de “seconde génération”), ce n'est pas faute d'être revenu assidûment à la charge avec des albums de toujours belle facture. La patte Lunar Aurora est peut-être un peu trop à l'ouest pour collectionner les suffrages, voilà tout. Ou peut-être aussi que ceux qui se reconnaissent dans leur musique ne se reconnaissent pas dans le partage social de leur passion via le bouche à oreilles syndiqué. Bref... Le groupe continue de régaler son petit bataillon de fidèles avec une musique très confidentielle qui n'en finit pas de redéfinir le juste équilibre entre black traditionnel et atmosphères énigmatiques, tantôt tournées vers la lumière (froide mais scintillante), tantôt au contraire vers le délabrement total à travers des lambeaux de synthés, prisme d'une chute sublime et éprouvante. Le truc avec Lunar Aurora, c'est qu'ils ont la capacité rare d'appliquer leur personnalité à une multitude de toiles de fond. Ainsi, si “Of Stargates and Bloodstained Celestial Spheres” vagabondait impétueusement de tanière en clairière dans une Brocéliande satyrique, son successeur “Ars Moriendi” se prenait au jeu de l'éponymie en empestant le caveau jusqu'aux dernières notes de morceaux torturés, véritables épreuves pour les nerfs. Aujourd'hui “Elixir of Sorrow” remonte un peu la pente, mais un peu seulement, au fil d'une musique plus lisible, plus rageuse également, dont le terrain de jeu encore une fois miné de samples fort bien placés évoque la lente plongée dans la démence résultant de l'emprisonnement dans le mépris et la vanité. On citera en exemple le massif “Zorn aus Äonen”, dont l'étonnante insistance du riff initial finit par éclater en orage de mélodies sévères, ou encore l'excellent “Hier und jetzt”, sans doute le meilleur morceau de Lunar Aurora à ce jour, avec sa beauté confuse, punie par chaque bordée de cymbales, et ses convulsions vocales possédées. Avec ses interminables galeries de pierre noire piquées de rugissements fantômes et de résonances prophétiques, “Elixir of Sorrow” se parcourt un peu à la manière d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe, dans l'expectative nerveuse de la seconde, du bruit, du détail qui va tout faire basculer dans le non-retour. Ne vous laissez pas (dés)abuser par une pochette calamiteuse – Lunar Aurora est bien toujours l'un des groupes les plus délicieusement et intelligemment pervers de sa génération.


Rédigé par : Uriel | 14/20 | Nb de lectures : 10362