LOVE LIES BLEEDING - Ex Nihilo (CCP/Adipocere) - 20/01/2003 @ 14h05
Adrastis est un garçon travailleur. A peine le précédent effort “ S.I.N. ” a-t-il fini de faire parler de lui (en bien, soulignons le) que Love Lies Bleeding remet le couvert de façon aussi fracassante qu’inattendue avec une nouvelle campagne sonore opulente et tranchante, croisant à plusieurs encablures de certaines visions enracinées du metal que, par pure empathie, nous appellerons rudimentaires. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, le line-up à trois têtes est demeuré stable, avec donc Adrastis en mentor polyinstrumentiste secondé d’Hydraoth aux fûts et de Dame Emrys au micro. En sus, trois autres intervenants prêtent leur organe en quelques endroits des compositions, parmi lesquelles le chanteur d’Eros Nécropsique, emblématique groupe d’atmosphérique très branché nihilisme et pourissement. Pour ceux qui connaissent “ S.I.N. ” et ont adhéré à sa conception classieuse du black symphonique, le constat est rapidement établi et ne déstabilisera personne outre mesure : Love Lies Bleeding a sensiblement fortifié sa silhouette et recadré son jeu dans un périmètre uni et maîtrisé. Le premier et plus fort contraste de “ Ex Nihilo ” affleure ici-même, dans la coexistence de cette géométrie musicale pointue à la mise en scène compacte avec une vive profondeur dans le choix des accords orchestraux et canevas vocaux foncièrement humbles qui constituent les clés de voûte les plus mémorisables de l’album. Pureté contre Purisme en quelque sorte, et comprenne qui voudra… “ Ex Nihilo ” se présente comme une œuvre complète mais qui n’est pas tant là pour impressionner que pour aligner les preuves de son équilibre et, pour le coup, de sa capacité à désherber la jachère des méninges en semant diverses graines de réflexion telles que, entre toutes, la place même de la violence coercitive du black metal dans la traduction d’un courant de pensée qui énonce que toute quête de sens en est définitivement dépourvue. A l’heure où les pionniers du style se vautrent dans la suffisance ou franchissent abusivement le seuil de la porte ouverte par les nouveaux savoir-faires technologiques, Love Lies Bleeding choisit de ne rien vouloir réinventer, mais de dispenser le goût du beau et du souverain avec une maestria et un souci du détail qui ne peuvent que laisser admiratif. “ Ex Nihilo ” comporte cinq longs chapitres qui, sans jamais tomber dans l’inertie ou l’effet de boucle, donnent l’impression de former une chaîne homogène et constante, à la façon d’un cycle cosmique traversé par les trajectoires de comètes récurrentes. Au menu de ce voyage périlleux, les turbulences sont un copieux hors d’œuvre, si bien que les frappes assourdissantes et chirurgicales d’Hydraoth amènent à l’esprit que c’est bien la première fois qu’un batteur de chair et de sang s’efforce d’émuler une boîte à rythmes et non l’inverse… Peu importe que tout ce que l’on peut entendre sur ce disque nous renvoie à un fonds académique éprouvé depuis un bon lustre et demi, car quelque chose au cœur de la musique reflète un mystère entier évoqué avec un souffle bien actuel. Une partie du mérite en revient aux synthés, plus flottants que véritablement mélodramatiques. Même lorsque le tempo s’emballe sur la longueur, le tissu symphonique demeure imperturbablement limpide et relaxant. C’est là un aspect que j’affectionne, et qui m’avait marqué par exemple sur les plus jeunes enregistrements de Limbonic Art ou Obtained Enslavement : la section metal déchaîne la tempête mais le synthé continue à jouer presque isolément avec sang-froid et finesse. Sur “ Ex Nihilo ”, l’impression est complétée par le chant féminin qui se débat principalement sur un schéma comparable au jeu orchestral, garantissant des nuances tonales lorsque celles-ci sont requises. Que pourrait-on aller chercher pour blâmer un album qui contribue à ce point à apporter du fuel au moteur d’une scène française en plein boom ? Trop carré au détriment de l’innocence exploratrice encore palpable de “ S.I.N. ”, trop de notes à la minute par endroits, moments de pur transport trop éparpillés, trop brutal aux encoignures… Autant de critères facilement contre-attaquables car intimement subjectifs et variables d’écoute en écoute, d’autant que c’est exactement le type de reproches que l’on peut faire à un groupe comme Anorexia Nervosa, et est-ce que Love Lies Bleeding est similaire à ces derniers ? Certainement pas. Comme je l’ai déjà dit plus haut, beaucoup de choses ici sentent le déjà-entendu, néanmoins il est bien probable que vous ayez rarement entendu mieux auparavant, comme quoi le plant n’était pas encore totalement déshydraté et il subsiste de l’espoir de le voir donner de beaux fruits à l’avenir. S’il était avenu il y a six ans, “ Ex Nihilo ” aurait – sous toute réserve – été aujourd’hui un standard comparable à ce qu’est “ Moon in the Scorpio ”. Mais en l’état des choses, nul doute qu’Adrastis et ses acolytes se contenteraient volontiers d’une reconnaissance d’estime méritée auprès de leurs pairs et du public initié.


Rédigé par : Uriel | 15.5/20 | Nb de lectures : 8111




Auteur
Commentaire
mydrin
Membre enregistré
Posté le: 02/12/2005 à 17h58 - (21874)
Ecxellent album une fois de plus :-)

Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion






Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site

Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs. S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos

Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker