Entre deux chroniques de black, rien de tel pour se détendre qu'une écoute approfondie du dernier opus de la rouquine canadienne. Elle avait enchanté nos oreilles par ses mélodies irlandaises sur ses premiers albums. Et puis, au fil des sorties et de ses voyages, elle a intégré des instruments plus exotiques. Le oud et les instruments arabes ont fait leur apparition dès "The Mask and the Mirror" pour ne plus la quitter. "A Winter Garden" marque la rencontre de Loreena avec Peter Gabriel, la graine qui permettra à la fleur magnifique qu'est "The Books of Secrets" d'éclore en 1997. Et puis, quasiment plus rien. Un live, certes énorme, mais point de nouvel album. Jusqu'à ce que la nouvelle tombe en novembre dernier: "An Ancient Muse" est sorti! Panique, achat compulsif, écoute religieuse...

Si vous avez accroché à "The Book of Secrets", votre bonheur est fait. "An Ancient Muse" poursuit les pérégrinations de Mc Kennitt, comme si le temps ne s'était pas écoulé. La chanteuse s'est inspirée de la musique des territoires les plus orientaux parcourus par les Celtes, foulant l'herbe de Mongolie jusqu'à feu l'Empire byzantin. Elle met ainsi un terme à sa série de "carnets de voyage musicaux". Loin de la musique folklorique, Loreena propose à nouveau un opus de "world music", réunissant sur 55 minutes une foultitude de sonorités, notamment des pays arabes. Les interventions d'instrumentations traditionnelles viennent se mêler avec une beauté incomparable à la voix d'or de la chanteuse, qui a su s'entourer de nombreux musiciens pour cette occasion (dont l'excellente Annbjørg Lien. Annbjørg, je t'aime).

Les titres alternent entre les morceaux d'ambiance pures ("The Gates of Istanbul") ou les chansons rythmées et entraînantes (le magnifique "Caravanserai", le plus médiéval et très très réussi "Kecharitomene"). On trouve également des plages plus habituelles pour l'artiste, notamment les répères familiers évoqués par le trio piano-violon-voix de "Penelope's Song". Le monde de Loreena Mc Kennitt est fait de beauté et de délicatesse, un univers sonore unique où sa personnalité est immédiatement reconnaissable et apaisante. J'ai un peu de mal à déterminer si je suis fan de la gente dame au point de ne pas voir de défaut ou si ses albums sont simplement des perles à la nacre parfaite. Encore une fois, je reste sur mon séant devant le travail accompli.

Plutôt que de couper l'album en deux parties, peut-être que le très posé "The English Ladye and the Knight" aurait mérité de servir d'outro (comme le fait le titre qui lui ressemble fortement sur "The Book of Secrets"). Peut-être qu'on aurait apprécié une évolution plus nette de la musique de Loreena, bien que des morceaux comme "Sacred Shabbat" soit sa plus profonde incursion dans le monde traditionnel moyen-oriental. Mais loin de toutes ces questions, je préfère déguster ce magnifique effort avec délectation et m'incliner devant la grâce, ressentir l'émotion. L'exécution est évidemment parfaite et le son distille avec une pureté magnifique les vocalises et les instrumentations. Frissons garantis.

Si la pochette n'est pas la plus réussie, ce digipack devrait provoquer des moments d'enchantement dans les chaumières qui le recueilleront. Profitez-en pour acheter un des albums réédités, avec le DVD contenant le documentaire passé sur une chaîne canadienne, il en vaut la peine. Pourvu qu'elle ne mette pas encore dix ans à composer un album...


Rédigé par : Prince de Lu | 18/20 | Nb de lectures : 11720