Sorti l’année dernière, ce n’est pourtant que maintenant que « Resickened », second volet discographique de LORD GORE, apparaît dans les colonnes de VS. Pourtant ce léger anachronisme se justifie par les grands progrès qui se sont opérés depuis « The Autophagous Orgy » et par le caractère prodigieusement efficace de cette séquelle.

Difficile d’imaginer que derrière ce quatuor de furieux originaires de Portland (Oregon) se cachent en fait trois ex-membres de WRAITHEN, un pur groupe de black métal dans la grande tradition US. C’est radicalement du côté du death-gore-grind des CARCASS, IMPETIGO et autres EXHUMED que LORD GORE, le bien nommé, puise ses influences. On pourrait même dire que le groupe s’inscrit dans la lignée de toute cette scène dont Portland nous abreuve depuis quelques années (FRIGHTMARE, ENGORGED, BLOOD FREAK, SPLATTERHOUSE) et il ne serait d’ailleurs pas très surprenant que des membres des groupes sus-cités ne figurent dans les rangs de LORD GORE, tant les identités de tous ces musiciens semblent floues et les affinités musicales rapprochées.

Avec « Resickened » nous revoici invités dans l’univers de LORD GORE. Un endroit où l’organique, le putride et l’orgiaque sont déclinés de toutes les façons imaginables et où règne une atmosphère aux relents de viscosité dont on préfère ignorer l’origine. Du côté des riffs, même si l’on est en pleine harmonie avec le concept spongieux du disque, LORD GORE a misé sur des variations inspirées. Si la ligne conductrice de cet album reste un death/grind écœurant, le gang ne rechigne pas à ponctuer ses compositions de passages plus thrashy ou de ralentissements ultra-lourds. L’album fait la part belle à des guitares bien grasses mais ne délaisse pas pour autant un certain côté mélodique, cher aux britanniques de CARCASS. La superbe intro de « Liquid Lunch » de même que les harmoniques qu’on retrouve plus loin sur ce même morceau sont même tellement criantes d’authenticité qu’elles n’auraient pas juré dans un disque comme « Symphonies of Sickness ». L’autre gros point fort de ce disque réside sans conteste dans les vocaux absolument ignobles qui n’ont pourtant bénéficié d’aucun pitch ou modulateur et autres bricolages que ce soit. On n’ose imaginer les trucs pas catholiques que le « chanteur » a dû ingurgité pour arriver à un résultat aussi inhumain.


Malgré ces influences, peut-être trop manifestes, qui auraient pu annihiler toute trace de personnalité chez LORD GORE, le groupe arrive à faire oublier assez facilement ses mentors par un sens aiguisé de la composition et de la mise en scène. Et puis il y a cette ambiance tout à la fois fétide, obscène et quelque peu rock ‘n’ roll. C’est sans doute par ces détails et ce savoir-faire que LORD GORE apporte une certaine « fraîcheur » - si je puis dire - à un style déjà décliné par une myriade de groupes plus ou moins doués.

LORD GORE est au gore-grind ce que Leatherface est au cinéma d’horreur : un rejeton infâme et fascinant.



Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 12266