Il est bien loin le temps où j'avais été voir Lofo au Summer Rock Festival à Carmaux. A cette époque, nous étions toute une tripotée à avoir été nous bousculer sur « L'oeuf », « No Facho » et « Holiday in France ». Non contents d'être particulièrement puissants sur scène, les Lofo réussissaient le tour de force de réunir les métalleux, les punks, les « Je sais pas ce que j'écoute dans la vie », les hippies et les bourrins de tout poil.
Plus de 20 ans ont passé, des milliers de kilomètres de bitume ont été avalés et une tripotée d'excellents morceaux ont été composés. J'aime moins les deux derniers albums mais « Dur comme Fer », « Lofofora » et « Le fond et la forme » sont de véritables réussites particulièrement puissantes que j'ai écoutés des dizaines et des dizaines de fois chacun. Est-ce que ce « Monstre Ordinaire » est à la hauteur de ce que le groupe a fait de meilleur ?

Au risque d'être un peu rabat-joie, je dirais que Lofo fait ici du bon Lofo... mais sans plus. Pour moi le groupe peut être grand mais ici ils sont juste bons (c'est déjà pas mal, il y en a qui sont jamais bons de leur vie). Plusieurs bonnes chansons, une (« La beauté et la bête ») peut-être au niveau des meilleures et hélas un petit sentiment de lassitude qui m'attrape en milieu d'album. Il est pourtant particulièrement homogène autant au niveau du style que du son.

« Revenu » à un crossover où les mid tempos sont de rigueur Lofo a laissé de côté son urgence punk pour écraser avec méthode ses auditeurs. Les Parisiens ont donc choisi de tester une sorte de stoner des montagnes pendant qu'ils roulaient sur les pauvres cadavres de ceux qui croyaient que Lofo allait se diriger vers un son plus consensuel.
La guitare de Daniel sonne un peu différemment (le gars a délaissé sa vieille Les Paul pour jouer sur Vigier) avec un son un poil plus compressé et moins chaud. Bien que la différence soit relativement ténue, j'accroche un peu moins à ce nouveau son.
La section rythmique est efficace et Vincent s'est sort plutôt bien avec un style plus discret mais plus entêtant que son prédécesseur. La musique est en tout cas compacte et on comprend mieux l'image de la pelle sur la pochette... dès les premières secondes d'écoute tout devient très cohérent.
Je regrette un peu qu'il n'y ait pas plus de respirations et de son clair qui donneraient aux accélérations de l'album plus de vigueur.
Les lyrics sont, quant à eux, toujours très bons et Reuno montre, si besoin est, qu'il demeure toujours une des meilleures plume du rock énervé français. Je comprends pas trop d'ailleurs ceux qui disent qu'il n'écrit pas bien. On peut ne pas être d'accord avec le fond, être énervé par le côté un peu moralisateur, mais dire que Reuno n'écrit pas bien... non. Chanté avec toujours autant de nerf et de rage, le chant sonne particulièrement rugueux et gueulard comme si le daron des neiges venait te passer le savon de ta vie.
Le gaillard continue à se livrer davantage et à nous parler de ses démons personnels (« Ma folie »), il fustige la peur d'une société qui se recroqueville de plus en plus sur elle-même (« Le visiteur » qui rappelle un peu « Les gens ») et met en boîte avec son style si particulier notre belle époque avec toute la « magie » si particulière qu'elle draine avec elle (« Utopiste » et « Cannibales »).
Comme je le disais au départ, c'est avec « La beauté et la bête » que Reno retrouve à mon goût sa verve la plus bileuse et la plus sombre, celle qui fait le plus mal parce qu'elle fleure mauvais une vérité assez évidente. Le texte est fort, la musique est racée et puissante, comme dans un hit de Lofo.
« Monstre Ordinaire » n'est pas l'album ultime que j'attendais mais un album efficace et assez réussi. Je n'ai pas trouvé au travers de ces titres quelques-uns qui pourraient venir se classer au côté de « L'oeuf » ou « Weedo » mais Lofofora est toujours là, accompagné de ce qui est à mon goût sa meilleure pochette et prêt à nous botter le cul en live ou ailleurs... et c'est bien là le principal.


Rédigé par : Pamlach | 13/20 | Nb de lectures : 13988