J’étais tranquillement en train de déprimer mollement sur la réduction des bacs de mon disquaire préféré, lorsque mon œil vitreux fut attiré par la pochette sibylline d’une galette coincée dans l’extrême. Tiens, il y a un joli sticker qui me dit que c’est genre la nouvelle sensation post black bidule avec des riffs de la mort qui tue, etc. Et puis, il y a Colin Marston, monsieur Krallice, qui produit.

Je me dis que cela va être un truc pour moi, un truc genre black atmo post-corisé. En gros, un skeud bien pépère pour me relaxer le soir au fond des bois. Je fais signe à mon camarade pour lui indiquer que j’apprécierais assez de me l’esgourdasser. Casque sur les oreilles, je m’apprête à lancer le machin quand surprise, le compteur affiche onze titres pour à peine trente-neuf minutes. Ca doit être un nouveau concept, l’atmo courte durée.

Apparaît une voix qui tient une note sans discontinuer, puis une autre voix tenant une autre note et ainsi de suite. Du chant tibétain !! On pense aussi à Ligeti et donc à 2001 de Kubrick. J’imagine le grand monolithe noir se poser délicatement devant moi.
Excepté que ce satané monolithe est lancé à la vitesse de l’éclair et vous arrive en pleine tronche dès le deuxième titre. Une batterie complètement déchaînée et des trémolos esquissés à deux mille à l’heure viennent vous assaillir à toute berzingue. Mais il fait quoi à ses cymbales l’autre ! Il est fou ! Il faut appeler la société protectrice des batteries ! Ca va pas de taper aussi fort ! Pour la relaxation, c’était foutu mais je repartis avec le skeud, n’ayant qu’une hâte celui de me l’écouter au frais.

Liturgy est une bande de joyeux inconnus venant de Brooklyn et qui n’ont qu’une démo à leur actif. Tout est écrit et composé par un certain Hunter Hunt-Hendrix qui occupe les postes de chanteur et de guitariste. La batterie se limite à un seul kick, une caisse claire et des cymbales. Les quatre sauvages citent aussi bien Vlad Tepes que Angelo Badalamenti. Sacré grand écart qui ne s’avère pas si con car tel la pochette et le titre, cet album n’est que contrastes et paradoxes.
Ainsi, malgré un présupposé résolument black avec ces trémolos ultra rapides, ces rythmiques véhémentes et la compacité des titres, l’ensemble nous plonge en transe. Il suffit pour cela de quelques interludes qui évoquent Sunn O))) ainsi que des ralentissements écrasants et lancinants. A ce titre, on évoquera "Mysterium" composé comme une succession de montés d’adrénaline; "Pagan Dawn" avec son final apocalyptique et solennel ou "Arctica" et son final quasiment sludge.

Dans le même ordre d’idée, l'apparente brutalité de l’ensemble est contrebalancée par une véritable délicatesse au niveau des mélodies. Ces dernières vous choppent directement à la gorge et ne vous lâchent plus. En effet, même si on retrouve quelques influences classiques du type post-core ou black french touch, on pense plus volontiers à des compositeurs comme Michael Nyman ou les premiers travaux d’Howard Shore puisqu’on retrouve la même obsession du leitmotiv et de la répétition de motifs mélodiques.

On s’aperçoit que l’ensemble est parfaitement ciselé, millimétré d’où cette étonnante concision. Aucun passage ne tire en longueur et ils n’abusent d’aucun effet à la différence de pas mal de groupes qui opèrent dans ce style et qui parfois ont tendance à étirer deux riffs pendant une plombe.

Ce qui aurait pu être un exercice intellectuel et stérile se révèle complètement organique et sauvage grâce à la prod ultra naturel de Colin Marston. Le son de batterie est parfaitement hallucinant ; si j’osais, je ferais un rapprochement avec du grind ou le punk, en tout cas c’est raw. Ce qui est moins sympa, c’est qu’on se demande où est la basse mais difficile de passer à la fois le mur de grattes et celui cette batterie thermonucléaire.

Sinon, le principal défaut à mon goût, est le chant typé dépressif. Ce hurlement de goule relativement monocorde qui vient telle une litanie, finit par user l’auditeur. Heureusement ce dernier se trouve reléguer derrière.

Pour moi, c’est la révélation de l’année (je déconne, il y a le Bliss of Flesh et le Profane)!!
Album incroyable, à la fois sauvage et virtuose, compact et varié, débridé et carré, violent et planant !!!!
Une grosse claque dans ma gueule !! Brutal, original et inspiré !!
ULTIME !!!!!


Rédigé par : Dark Rabbit | 17/20 | Nb de lectures : 11882