J’ai fait un rêve étrange et pénétrant…Dream Theater a laissé tomber le côté pompier de certaines de ses compositions. Il a remplacé son symphonisme parfois convenu par une approche plus jazzy mâtinée de death haut de gamme. Sans abandonner son ahurissante maîtrise technique, il ne s’en sert qu’au bénéfice d’une musique folle, explosive, fraîche, inventive. Labrie s’appelle désormais Jos Geron. Il a cessé de pleurnicher et gueule comme Geddy Lee et Nina Hagen réunis. Assurément pas le point fort du groupe. Dave Marks/ Myung a sorti une basse 12 cordes, Petrucci joue sur une 4 manches (Martin Goulding et Charlie Griffiths) et Portnoy/Nick Lowczowski s’est fait greffer 2 bras supplémentaires. Il a rajouté 25 fûts à son attirail déjà bien fourni. Ah, oui, j’oubliais Rudess ! Ne sachant pas trop quoi en faire, on l’a remisé au rang de bidouilleur de samples voire de roadie. Un rêve ? Peut-être pas. Il est probable que la matérialisation de cette vision onirique –cauchemardesque pour certains- se nomme Linear Sphere. Cette formation britannique créée en 2002 est constituée de la crème des crèmes en matière de musiciens. Ils sont, pour la plupart, issus de la plus grande école de musique de Londres, The Guitar Institute; l’équivalent du Berkeley College de Californie. Question : comment se fait-il qu’on en ait jamais entendu parler ? Mystère ! Quoiqu’il en soit, voici leur premier album et il fait grand bruit dans le Landerneau. Assertion gratuite ou emballement exagéré ? Peut-être ! Ce qui est néanmoins acquis, c’est que l’on a à faire à du complexe au sens sibyllin, trouble, bigarré. Les compositions amphigouriques et indomptables de ce quatuor laissent à penser qu’il s’est clairement promené sans casque sous une pluie de pavés. Si les termes déconstruction, discordance, virtuosité font partie de votre lexique courant, voici de quoi vous combler. Un joyeux bordel qui suit malgré tout une ligne directrice assez claire : nous exploser les neurones. Ils y parviennent, ils sont très forts. Dans tous les registres, atmosphères lourdes ou embardées déliées, les Anglais nous ballottent sans égards entre rythmes tendus et tempos mesurés avec une science qui frise le dédain. L’amateur gourmand de progressif musclé, de death technique et de fusion baroque trouvera donc ici de nombreux motifs de satisfaction, y compris une suite de 25 minutes, From Space To Time. Réflexe pavlovien. Mais, c’est dans les pièces les plus courtes, Father Pyramid 4’49 ou le notable Division Man de 4’21 à peine que le talent impétueux de Linear Sphere s’exprime pleinement. On sort de là rincé, torché, abruti, en vrac. De quoi encore occuper de nombreuses séances chez le psy avant d’en guérir. Petit bémol sur le chant ; le mixte Geddy Lee/Nina Hagen n’est pas du meilleur goût. Cette année, peu de disques à ce point barrés ont produit un tel effet sur mes oreilles et mon cerveau. L’avenir est tout tracé pour cette formation qui explose tous les standards. Signe d’une vitalité retrouvée ou soubresaut fugace de la scène technico-cérébrale, je n’en sais rien et je m’en tamponne le coquillard. Quelqu’un disait : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse… ». Ben voilà, à la bonne vôtre !
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Rédigé par : Karadok | 16/20 | Nb de lectures : 12846