« Due to cooperation problems, Daemon has decided to continue Limbonic Art alone. »

C’est la seule explication « officielle » que j’ai pu trouver concernant le départ de Morfeus de LIMBONIC ART en 2009. Car oui, le premier enseignement de Phantasmagoria est que LIMBONIC ART est désormais un one-man band. Mis à part une suggestion de dispute entre les deux membres historiques du combo norvégien relayée par le Wikipédia anglais, il est difficile d’en savoir plus sur ce départ ô combien étonnant de Morfeus. Cependant, il est à noter que ce dernier fait partie du line-up Live de MAYHEM depuis fin 2008, et a rejoint ANCIENT au poste de guitariste permanent la même année. A partir de là, je vous laisse libre de vos spéculations… Toujours est-il qu’il est assez bizarre de voir le duo fondateur de LIMBONIC ART, groupe culte de la scène Black Sympho norvégienne s’il en est, voler en éclats de la sorte après 14 ans d’efforts communs… et surtout après une reformation en 2006 : on a envie de se dire « tout ça pour ça ! ». Mais que les fans se réjouissent (rappelons que certaines rumeurs ont prétendu que le groupe s’était reformé « sous la pression des fans »), malgré que ça puisse paraître incongru LIMBONIC ART existe toujours grâce à Daemon et c’est à lui que revient la lourde charge de présenter aux fans le 7ème album du désormais projet. Mais est-ce que dans certaines circonstances, les fans n’auraient pas préféré un split (quitte à faire une seconde reformation plus tard ?) pour éviter une lente fin en queue de poisson avec des albums en demi-teinte, c’est là qu’est toute la question…

D’emblée, et histoire de faire gagner du temps à tout le monde, je précise que si vous en êtes restés à la période nettement plus axée symphonique du groupe (à savoir Moon In The Scorpio et In Abhorrence Dementia) et que vous n’avez jamais pu encadrer la version plus Black et plus bourrine du groupe en vigueur depuis Ad Noctum – Dynasty Of Death, vous pourrez passer votre chemin sans grand risque. Phantasmagoria est dans la lignée de Legacy Of Evil et The Ultimate Death Worship (j’en profite pour dire qu’une fois occultée la prod hors de propos, je trouve cet album assez énorme et je vous encourage à y rejeter une oreille), à ce titre le départ de Morfeus ne change rien au style et il n’y a aucune surprise. A partir de là, le seul accroc qu’il puisse y avoir c’est un album de piètre qualité par rapport aux autres. Legacy Of Evil comportait quelques bons titres (je pense notamment à "Seven Doors of Death" et "Unleashed From Hell") mais aussi des passages plus symphoniques un peu ratés, et du remplissage au milieu de très bonnes choses, mais dans sa globalité l’album était plutôt correct. Si pour Phantasmagoria Daemon y est allé à l’économie pour le livret (malgré un artwork plutôt réussi, il subsiste juste les paroles sur fond noir, avec une photo de cimetière inutile au milieu du livret, et sa trogne sans corpsepaint ov grim (bouh) à côté des crédits sur la dernière page), il s’est en revanche lâché pour la musique et Phantasmagoria allonge 71 minutes pour 12 titres. Bon In Abhorrence Dementia et Ad Noctum duraient 76 minutes chacun mais c’était avec les bonus et le groupe était un duo. Et sur Phantasmagoria Daemon a presque tout fait : tous les instruments et vocaux, compos, arrangements, paroles et co-production. Si on peut saluer la performance individuelle, on saluera un peu moins le résultat final. Phantasmagoria est donc un album de LIMBONIC ART deuxième période tout à fait classique, le souci ici se situe à trois niveaux principalement :

- Le manque d’inspiration. C’est simple, LIMBONIC ART est en roue libre sur cet album, Daemon se contentant du minimum syndical. Du Black mi-brutal mi-épique comme à l’accoutumée, c’est à peu près tout ce qu’il y a au menu. On passera donc de passages bien speed à des breaks plus posés et plus atmosphériques, rien de très grave mais tout cela sonne trop déjà entendu. Et par la force des choses, on ne retiendra que quelques riffs plutôt efficaces, mais rarement un titre en entier. Je citerai notamment "Crypt of Bereavement" qui commence par un riff plein de tonus pour se finir sur un mid-tempo très moyen porté par un chant mi-clair mal amené. L’album s’essouffle sérieusement au fur et à mesure des morceaux, et on se dit juste « mouais, c’est un album de LIMBO quoi », quelque peu plombé par des passages assez répétitifs ("Curse of the Necromancer" par exemple) et par du mid-tempo sympho sans saveur ("Dark Winds", le début de "A World in Pandemonium"). Certes, pour certains groupes on attend en général que la sauce soit envoyée sans chercher à avoir des albums différents des autres, mais LIMBONIC ART est-il vraiment dans ce cas ?

- Les vocaux. Si Daemon a toujours fait son boulot de chanteur correctement jusqu’ici, sur Phantasmagoria ses vocaux sont assez poussifs. Comme je le disais plus haut, sa tentative de partir dans un chant clair sur "Crypt of Bereavement" est plutôt ratée, et sa voix Black est assez insignifiante tout au long de l’album, déjà légèrement sous-mixée et sonnant assez « fatiguée ». On dirait qu’il n’a tout simplement plus de coffre…

- La prod. Bon ça n’a jamais été le point fort de LIMBONIC ART, surtout au niveau de la BAR qui doit filer des boutons à pas mal de monde. Ceci dit, je la trouve un peu moins envahissante sur cet opus (même si elle envoie du bois sur les passages rapides, comme d’habitude. Mais justement il faut être habitué pour passer outre !). Le problème vient de tout le reste. Le son de Legacy Of Evil était assez crade mais correct pour du LIMBONIC ART en mode « bourrin ». Certes Phantasmagoria ne réédite pas l’exploit de la prod toute pourrite de The Ultimate Death Worship, mais en tentant de refaire un son qui détonne comme Ad Noctum (réécoutez "Pits of the Cold Beyond" par exemple, et comparez) c’est là que tout tombe à plat. La prod de Phantasmagoria n’a tout simplement aucune puissance, les claviers ne portent plus la musique, et tout ce qu’on entend ce sont les guitares au son assez commun pour du Black, juste un mur de saturation en somme, avec la BAR en ligne de mire. Ce qui flingue complètement un titre comme "Flight of the Mind’s Eye" par exemple, où l’on s’écrie « ouf ! » dès qu’il est terminé.

Pourtant, et étant plutôt intéressé par la période brutale de LIMBONIC ART, je trouve que Phantasmagoria parvient à maintenir un tant soit peu la tête hors de l’eau grâce à la fin de l’album. Non pas au niveau des insignifiants morceaux rentre-dedans que sont "Flight of the Mind’s Eye" et "Apocalyptic Manifestation" (qui porte bien son nom : carrément bordélique), mais plutôt au niveau des 4 derniers titres qui sont plutôt bons. "Prophetic Dreams" est un morceau un peu plus travaillé, le seul où les claviers en fond de bourrinage font mouche, les riffs sont assez efficaces, pour un très bon morceau aux parties épiques convaincantes. Idem pour le morceau suivant, "The Burning Vortex", dont le riff principal donne envie de taper du pied à fière allure, dans la lignée de "Seven Doors of Death" sur Legacy Of Evil. Les deux derniers morceaux, "A Black Sphere of Serenity" et "Astral Projection" (8 minutes chacun) sont bien mieux construits. Le premier présente une atmosphère prenante, bien plus convaincante que sur "Dark Winds". Le second enchaîne les riffs incisifs, et présente une partie centrale aux claviers assez magnifiques. Bref avec cette fin d’album en trombe LIMBONIC ART sauve sa peau, ce qui est assez inattendu après un album globalement décevant, mais cela ajoute un défaut de plus à Phantasmagoria : l’hétérogénéité.

En prenant en compte ce final salvateur et satisfaisant (qui à mon sens sauve tout l’album), et en considérant à la fois que je préfère la période brutale de LIMBONIC ART et à la fois que cet album est une déception à plusieurs niveaux, Phantasmagoria mérite de ma part juste la moyenne (et parce qu’au bout du compte cet album n’est pas aussi catastrophique que ça). Beaucoup de personnes vont très certainement crier à la bouse, ce qui est tout à fait compréhensible au vu de la qualité relative de cet opus, mais je pense que Daemon peut faire pire. Reprendre LIMBONIC ART à bout de bras n’était pas une mince affaire, et j’espère qu’il saura s’arrêter assez tôt (ou, à défaut, se remettre en question) pour éviter une véritable descente aux enfers et un salissement irréversible du nom LIMBONIC ART. En définitive, pour moi le principal enseignement de ce Phantasmagoria est que faire du Black Sympho qui poutre, ça ne marche pas à tous les coups.




Rédigé par : ZeSnake | 10/20 | Nb de lectures : 14110