L’observateur pointilleux remarquera qu’avec la crise que traverse le monde de la musique, on assiste à de drôles de choses chez certains labels et pas des moindres. Tenez, prenez Metal Blade par exemple. Après des années de Death ou de Deathcore bidule présenté comme le new extreme, le label se met à signer des styles assez atypiques dont du black.
Dans le cadre de cette nouvelle politique et après la signature de Valkyrja, c’est au tour de cette bande de Californiens d’atterrir sur le label à l’occasion de la sortie de leur second opus.

Oui, vous avez bien lu ! Californie et Black metal peuvent se côtoyer dans la même phrase. Apparemment, le soleil, les bimbos et Hollywood ont bien tapé sur le ciboulot de nos chevelus à cartouchières. Mais attention, il ne faut pas trop se fier à l’étiquette de traçabilité de la barbaque car si vous attendez de l’USBM à la Leviathan, du Krallice-like ou un descendant de Judas Iscariot, vous risquez fort de vivre une belle déconvenue ! Eux, ce qu’ils aiment c’est la Scandinavie avec une grosse préférence pour la Suède même si le mid-tempo guerrier "Damnation Pantastrike" avec son sample de sulfateuse sonne norvégien.

Ils l’aiment la Suède car malgré une prod réalisée au Trench Studios en Californie, ils n’ont pas hésité à casser leur tirelire et à confier le mix et le mastering au Necromorbus. C’est plus trve ! Précision, c’est Sverker Widgren, chanteur de Demonical et gratteux de Diabolical, qui s’en est chargé. Je sais que vous vous en fichez mais c’est assez révélateur car le vieux crevard que je suis a versé une petite larme en entendant ces grattes de bûcheron. Esprit de Skogsberg es-tu là ?

Il va falloir être paré à se faire laminer durant 44 minutes par ce doux mélange de black blasté à la suédoise et de passages made in Stockholm. D’ailleurs, ils sont suffisamment prévenants pour ne pas trop noyer l’auditeur sous ce déluge. Après avoir tabassé les trois premiers titres qui vous enchaînent du blast orthodoxe réfrigérant, du trémolo ivöl, du thrash et cette lourdeur vieille école, les damnés nous gratifient d’un interlude Ambient avec quelques arpèges histoire que l’auditeur se refasse une santé puisque ce dernier est en train de mâchouiller ses dents avec les gencives.

C’est de plus une des qualités du combo. En effet, les diablotins ne se contentent pas d’annihiler les pièges à ours de l’auditeur mais savent créer une ambiance obscure qui vous happe au fond de l’abysse. On s’aperçoit assez vite qu’ils n’hésitent pas à développer des passages plus instrumentaux, plus lancinants aérant l’intensité de leurs compos. A ce titre, le très long titre qui clôture l’album est tout à fait représentatif. Ca démarre sur quelques nappes d’ambient, ça se poursuit un mid de bûcheron oldschool qui va vous arracher les cervicales, enfin nous arrivons au corps du titre qui va alterner un blast sauvage et riffs lancinants. L’ensemble est accompagné par des « vocaux » qui s’apparentent plus aux râles d’une agonie sans fin.

Parlons-en des vocaux car là aussi on a le droit à de petites variations. Le « hurleur » module son growl entre grave et plus criard. Attention ce n’est pas une alternance Grind à la Carcass, non on est vraiment dans la nuance mais cela confère une variété qui évite la linéarité. Le beugleur a un véritable don pour sortir des gargouillis du fond de sa glotte.

La batterie est un métronome infernal qui n’a pas le son le plus nature qu’on ait eu mais il n’y a pas de quoi crier au scandale. De plus, ce son renforce la froideur de ces blasts nihilistes. En revanche ce son de guitare, mais ce son… épais, croustillant miam ! Je me croyais revenu au temps du Sunlight ! Même la basse ronfle et claque comme la bulle sortant de la bouche pâteuse d’un dormeur aviné. Preuve en est qu’il possible de combiner crasse, puissance et clarté !

Certes, on est d’accord tout ça n’est pas d’une folle originalité. Vous prenez tout ce qu’à fait la Suède de Bathory en passant par Entombed, Marduk (les vieux) et toute la clique orthodoxe, vous faites revenir avec quelques plans Thrash et des ambiances de caveaux et vous obtenez ce mélange assez accrocheur mine de rien. Mais le tour de force, est que l’œuvre garde sa cohérence et ne ressemble pas un vaste enchaînement de plans hétéroclites. De la même manière, on ressent une véritable appropriation de ces éléments vieillots ainsi qu’une conviction à toutes épreuves qui les empêche de tomber dans le pastiche ou l’hommage.

Ce ne sera pas le disque de l’année, même pas du mois peut-être mais je plaide une totale mauvaise foi et une partialité sans bornes dès que j’entends un vieux Suédois jouer le bûcheron au fond d’un bois obscur.
Un truc pour vioques qui peut plaire aux jeunes ! Rendez-vous au fond du gouffre !


Rédigé par : Dark Rabbit | 15,5/20 | Nb de lectures : 12514