Le « Razor-grind » vous connaissez ? C’est par ce slogan tapageur que LENG TCH’E décrivait jusqu’alors ses techniques de torture discographique ; le terme même de LENG TCH’E étant, rappelons-le, un mot chinois pour décrire une torture asiatique pas franchement hygiénique qui condamnait inexorablement la victime à être saignée à blanc.

Déjà un quatrième album pour LENG TCH’E et le second de leur carrière chez Relapse. Voilà « Marasmus » le mal nommé car s’il est bien une situation dans laquelle LENG TCH’E semble ne jamais vouloir se laisser enfermer, c’est bien dans celle d’un certain marasme qui les ferait enchaîner des albums composés sur papier carbone.

Avec les seize titres de « Marasmus » (et non pas 17 comme le proclame béatement sur le promo), le quatuor néerlando-belge confirme un véritable désir d’évolution déjà bien palpable sur « The Process of Elimination ». Une évolution qui, inévitablement, ne sera du goût de tout le monde car pour ce quatrième épisode de sa carrière LENG TCH’E a décidé de préciser davantage ses nouvelles orientations au point de rendre le terme de « Razor-Grind » quelque peu désuet ou tout du moins, relatif.

Avec cette nouvelle galette LENG TCH’E a revu à la baisse la fougue dévastatrice de ses blasts pour s’orienter vers un style plus chaloupé qui fait la part belle à des rythmiques heavy aux relents parfois typiquement HxC ; un style que le groupe avait déjà quelque peu étrenné sur son split album avec WARSCARS dont on retrouve d’ailleurs ici quatre titres.

N’allez pas croire pour autant que nos gaillards aient tronqué leur effervescence pour enfiler les pantoufles plombées (mais jouissives) de CROWBAR. Le Grind, plus ou moins « razor » est toujours de la partie avec des accélérations aussi spontanées qu’un éjaculateur précoce. Au contraire, le balancement des rythmiques très rock’n’roll a même pour effet de rendre les parties rapides encore plus spectaculaires et donne ainsi une notion de contraste pas si mal venue. Alors que les grindeux purs et durs ou les fans de la première heure seront déjà en train de se faire hara-kiri face à l’affront d’un disque moins percutant, j’irai même jusqu’à dire que cette nouvelle orientation rend l’ensemble un peu plus punchy.

Au rayon des éléments qui n’ont pas changé, on notera ce perpétuel attachement du groupe à toujours concocter des titres aussi facilement assimilables qu’accrocheurs. Entendez par-là que les titres balancent toujours aussi bien et que ça envoie toujours le boulet (excusez, je m’adapte à notre lectorat le plus jeune).
Le cas de Boris, également chanteur de SUPPOSITORY, rappelons-le, ne s’arrange pas et la façon dont il martyrise ici ses cordes vocales, par force gruiks et autres grognements dignes d’un bestiaire sonore, ne laisse planer aucun doute sur l’étalage d’amygdales que les autres membres du groupe ont dû subir pendant l’enregistrement de cette rondelle.

Cependant, le dépouillement de « Marasmus » rend encore plus évident le fait que LENG TCH’E soit devenu un groupe sérieux et que l’insolence, l’humour politiquement incorrect qui faisaient le charme des deux premiers albums appartiennent désormais à un passé révolu.

L’autre choix un peu discutable sera celui de la production.
Il est clair qu’en s’attribuant un mixage au studio Fredman et un mastering sous la houlette d’Alan Douches (MASTODON, CONVERGE et j’en passe) LENG TCH’E était certain d’un résultat d’envergure. Hélas, « Marasmus » ressort de ce passage à la moulinette avec un son surproduit et une compression qu’on croyait jusqu’alors réservée aux grands fonds marins. Messieurs Douches et Nordstrom ont sans doute perdu de vue que dans « Razor-Grind », il y a le mot grind et que la production énorme qu’ils ont concoctée pour ce disque lui a, par la même occasion, ôté un peu de son âme. Il va sans dire que le son de « Marasmus » ne manquera pas de vous coller littéralement au plafond mais au fond de moi, une petite voix réfractaire aux progrès de l’ingénierie de studio continuera de bougonner que le résultat aurait peut-être été plus optimal avec une production moins aseptisée.

Ce ne sont pas ces regrets de vieillard ventripotent qui feront de « Marasmus » un mauvais album, loin de là. L’intelligentsia grind boudera peut-être ces quelques changements mais les autres en auront assurément pour leurs deniers.


Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 12526