J’attendais beaucoup de ce nouvel album des Leng Tch’e. Peut-être un peu trop…
Je me suis replongé avec frénésie dans les débuts typiquement Razor Grind, deux albums brutalement dévastateurs. Je me suis délecté de l’énorme "The Process of Elimination", à la qualité indéniable. Puis j’ai repris le temps de redécouvrir le mésestimé "Marasmus", symbolisant l’évolution assumée du groupe, et comportant son lot de titres énergiques et efficaces... Mais peut-être pas assez…

Pourtant Leng Tch'e est de retour avec un très bon album. Mais parler de retour aux sources serait abscons. Le changement dans la continuité, prôné par quelques-uns des plus grands humanistes de notre 21ème siècle (sic), semble être mis en avant par le quatuor belge qui met ici à profit son expérience scénique et discographique pour opérer un savant changement dans la continuité. Si le précédent opus, "Marasmus", illustrait un réel souhait d’évolution, propulsant le ‘Razor’ Grind du groupe dans des contrées moins furieuses, "Hypomanic" renoue avec un certain équilibre que l’on croyait révolu, entre rage et groove.

L’inégalable "The Process of Elimination" demeure évidemment le summum de cette symbiose musicale, et "Hypomanic" ne l’atteint malheureusement pas. Mais bien que minés par de nouveaux changements de line-up, Leng Tch’e a tout de même puisé en lui toute la hargne et l’énergie nécessaires pour accoucher d’un 5ème album terriblement percutant. Énergie, force de percussion, puissance dévastatrice et rage omnisciente sont les mamelles de cette rondelle, qui déflorera sûrement mais violemment les plus réticents d’entre vous.
Persistant dans son Grind Core ‘Moderne’, bien éloigné de la furie hystérique des deux premiers albums, le quatuor a revu à la hausse le pourcentage de blast et de rage, pour ne conserver de "Marasmus" qu’une légère proportion de rythmiques Heavy ou Rock’ N’ Roll. Mais sans complètement changer son style résolument ‘moderne’, agrémenté des incontournables variations rythmiques, des pures accélérations Grind, et des ralentissements orientés vers des Breaks HxC.
Foncièrement accrocheur, et radicalement doué pour composer des titres efficaces et percutants : sur ces points, Leng Tch’e n’a pas non plus changé, et quelques défauts de "Marasmus" ont été corrigés.

Lesquels ? Les riffs, tout d’abord. Les divers résidus de lacunes inspiratives de "Marasmus", qui avaient entraîné la production de quelques morceaux clairement moins attirants à cause de riffs trop typés Metalcore, sont globalement réduits ici un mauvais souvenir. Bon, oui, certes, pas totalement. Quelques titres portent encore les stigmates de l’opus précédent. Mais en proportion, un gros travail a été effectué lors de la phase de composition, permettant d’aboutir sur ce point à un résultat plus convaincant.
Idem concernant les tempos ; le prédécesseur avait parfois tendance à s’embourber un peu trop dans les breaks longuets ou dans des mid-tempos manquants cruellement de folie. "Hypomanic" comble plutôt bien cet écueil en diversifiant considérablement les rythmes, mais tout en rehaussant la proportion de blast et de passages purement Grind. Tant mieux, car je trouve que Leng Tch’e s’exprime bien mieux dans ces accès de rage, et dont les variations de rythmes siéent bien mieux au style du groupe.

L’autre point d’évolution notoire est indubitablement le hurleur. Exit Boris, et bienvenue à Serge (Kasongo). Si je conserve à jamais un faible pour le premier soprano du groupe, le Ninja Isaac qui hurlait avec une démence idéale, Serge assume plutôt bien la comparaison avec ses aînés, et varie parfaitement ses incursions vocales. Opérant principalement dans des cris écorchés et rauques, Serge apporte son énergie et sa rage pour agrémenter la majorité des titres d’une chape de folie salvatrice. Divers beuglements plus aigus, ou a contrario presque growlés, ornementent la prestation du bonhomme qui le rend bien au groupe, portant les 14 titres dans des sphères résolument violentes.

Tous ces changements bénéfiques, combinés néanmoins à l’émergence parallèle de groupes de Grind bien plus percutant, entraînent finalement un sentiment mitigé. Leng Tch’e a réussi à se reprendre pour ne pas couler, et en tirant profit de ses expériences et de son souhait d’évoluer, à produire un album puissant, accrocheur et violent. La plupart des titres sont ainsi variés, efficaces et facilement assimilables, et sans omettre de plonger sporadiquement dans la furie Grind. Mais paradoxalement, difficile de ne pas voir certaines lacunes masquant le manque d’inspiration, couplées à un léger essoufflement bien présent... Pas rédhibitoire, loin de là, mais pas exceptionnel non plus.

Si le changement opéré entre "The Process of Elimination" et "Marasmus" vous a semblé trop soudain ou incommensurable, alors délectez-vous d’"Hypomanic", qui constitue le parfait chaînon manquant entre ces deux albums. Sans atteindre l’excellence du premier, "Hypomanic" surpasse allégrement le second grâce à une force de percussion rehaussée et une appréciable augmentation de féroces passages purement Grind.




Rédigé par : ..::Ju::.. | 14,5/20 | Nb de lectures : 12894