Dans quelques cas rares survenus au cours de ma carrière de kronikeur, je me suis retrouvé confronté à un cas particulier : j'aime tellement un album que ma page reste désespérément vide. Comment exprimer avec des mots les sentiments que l'on ressent à l'écoute d'un disque ? Comment coucher sur le papier le constat que les poils des bras se hérissent à l'écoute d'un passage ? Comment expliquer qu'on se sent mieux après l'écoute de tel ou tel morceau ? C'est tout simplement ce qui m'arrive à chaque fois que je tente de pondre cette satanée kronik. Ce que vous lisez ici est la quatrième tentative en moins d'une semaine et j'ai décidé de me lancer une bonne fois pour toute sous peine de recevoir une pénalité de retard de la part de mon webmaster. Ce disque est donc le troisième de la part des milanais après l'éponyme sorti en 1999 et le splendide "unleashed memories" de 2001. Ce dernier, qui était déjà proche de la perfection, avait permis à Lacuna Coil de sortir du rang en se démarquant totalement des groupes auxquels il était assimilé auparavant. Plus question de les comparer à The Gathering ou à Theatre of Tragedy. Un grand groupe était né avec son propre style, son identité et un talent démesuré. Le cap du troisième disque allait donc d'autant être difficile à franchir, aucun faux pas musical n'ayant été commis à ce jour par les Italiens. On se souvient que beaucoup de groupes avaient parfois décu lors de ce fameux passage psychologique. Mais avant de procéder à la première écoute je me suis dit que d'autres formations ont sorti des chefs-d'oeuvre absolus en 3° position comme Slayer, Metallica ou encore Faith No More. Et la première écoute a été concluante : "Comalies" explose largement "unleashed memories" et se pose comme la référence absolue en matière de métal à tendance gothique et au chant féminin. Si je me suis extasié sur des magnifiques titres de l'album précédent comme "heir of a dying day" ou "a dead man malked", les qualités de composition sont encore plus flagrantes sur ce disque. Tous les morceaux, sans exception aucune, ont fait l'objet d'un soin ahurissant et peuvent légitimement tous prétendre au statut de single. Si le premier extrait sera "heaven's a lie", n'importe lequel d'entre eux pourra prétendre être le flambeau promotionnel de Lacuna Coil. Cristina Scabbia chante divinement bien et son acolyte Andrea Ferro, qui était peut-être le seul point perfectible autrefois, a fait des progrès immenses et se pose en parfait alter-ego rital d'un Nick Holmes sous-utilisé. L'innovation la plus flagrante sur "comalies" est l'apport de guitares beaucoup plus puissantes qu'auparavant. Dès le démarrage, la puissance de "swamped" vous prendra à la gorge et, à moins que vous n'écoutiez que du Last Days of Humanity, vous serez rassurés par le fait que Lacuna Coil est, et restera, encore un véritable groupe de métal. Que ce soit sur "tight rope" ou sur le fabuleux "daylight dancer" la guitare se pose en charpente idéale de morceaux à la fois émouvants, percutants et somptueusement addictifs. Chaque refrain vous trottera dans la tête jusqu'à l'envi et je décerne une mention spéciale à "heaven's a lie", "daylight dancer", "humane" et "unspoken" qui sont les quatre meilleurs titres de Lacuna Coil depuis leur création. Si le groupe n'oublie de baisser le rythme sur "the ghost woman and the hunter" ou "entwined", il ne devient jamais mielleux, commercial ou condescendant. L'adjonction d'instruments classiques par petites touches parcimonieuses s'est faite dans une optique d'écriture entière et non pas par simple injection d'éléments pseudo-symphoniques comme celà est pratiqué trop souvent. Au niveau de la production, c'est également un sans faute. Enregistré aux Woodhouse Studios sous le contrôle du génie Waldemar Sorychta (dont je n'avais plus de nouvelles depuis un moment, ça fait plaisir de le revoir dans de telles circonstances), "Comalies" voit tous ses attributs amplifiés, transcendés par un son titanesque et une justesse dans le mixage d'un niveau rarement égalé. Le disque dure 52 minutes et, hormis un interlude "aeon" sans grand intérêt, on trouve 50 minutes de grande classe, de professionalisme avéré et de véritable passion pour la musique. Si vous avez aimé le "draconian times" de Paradise Lost, sachez simplement que ce disque le dépasse encore d'une tête pour ce qui est de la recherche mélodique, des sentiments à fleur de peau et du mélancolisme. Vous direz peut-être que je me laisse emporter par mon enthousiasme et que je ne suis pas objectif. La seule réponse que je peux vous donner est de jeter une oreille attentive à ce disque. Même le plus borné des headbangers trouvera des qualités à "comalies" et l'honneteté, la dévotion et le talent de ces six musiciens mérite d'être hurlé à qui veut l'entendre. Je pensais que le "nothing remains the same" de Pain serait intouchable en tête de mon top 10 de 2002 mais cette galette est la première qui arrive à me faire douter. Au bout d'un mois d'écoute, je ne me suis aucunement lassé de cette merveille et la fièvre semble avoir gagné les oreilles de Mme Loufi qui commence également à me chanter les louanges de cette nouvelle référence. Hors des stricts carcans du métal, Lacuna Coil nous présente ici un des plus beaux albums de musique (oui, de musique tout court) des dernières années et je suis curieux de voir quelle sera la réaction des médias de musique "traditionnelle" face à ce monument qui ne souffre que d'une pochette à peu près aussi moche que celle de l'album précédent. Bon, je crois que je vais arrêter là car je vais bientôt être obligé d'appeler un éditeur pour faire relier cette kronik. Je vais attendre quelques jours avant d'en recommencer une autre car mes oreilles ne supporteront vraisemblablement pas une qualité inférieure. Après les pizzas, la mozarella et les spaghettis, voici tout simplement la chose la plus succulente venue d'Italie depuis belle lurette. Bravissimo !


Rédigé par : Loufi | 19.5/20 | Nb de lectures : 12338