S'ils sont encore de ce monde aujourd'hui, les amateurs de noire dépression avaient peut-être noté à l'époque la sortie de Leere chez WestWall (CD digiploc) et Eternity Records (baise-couillons magnétique et LP). Nous parlons ici d'un opus sorti en 2005, soit il y a cinq ans et demi (oui, déjà), soit aussi en plein boom de la vague dépressive avant que la lame de fond des projets MySpace ne noie tout le bazar dans un océan couleur grise "copie carbone". Je dois avouer que Kältetod ne m'avait pas soulevé d'enthousiasme, alors que mes joues se rappelaient encore de la baffe Forgotten Tomb, tandis que Beatrik, Shining, Tenebrae in Perpetuum ou Krohm suivaient la voie d'un Abyssic Hate pour nous proposer du plus saignant. A part quelques surprises comme Anti, la colonie de vacances du dépressif ne m'avaient pas laissé de grands souvenirs, à l'image de ce Kältetod dont j'ai oublié le visage.

On se promet de garder contact, de s'envoyer des cartes postales. Mais, d'EP propre en split sale, notre germanique R. en est venu à moins donner de nouvelles. C'est ça aussi quand on s'amourache pendant les vacances d'hiver. De retour dans la joyeuse grisaille quotidienne, on en oublie les êtres fugitivement aimés. Salaud, va! Je te hais et tu aimes ça! Et puis après quatre ans de mutisme, vient le temps de rejaillir chez Eternity Records. Et en septembre dernier, ce ne sont pas moins de deux opus qui ont vu le jour. De Talpfade, je ne vous dirais rien, ne l'ayant pas eu à écouter et n'ayant pas envie de tenter l'expérience. Attelons-nous d'abord à ce Reue, mais il est assez clair que les nuances stylistiques entre les deux albums s'avèreront certainement aussi minces qu'un Shamallow coincé entre les fesses de Jennifer Lopez.

Reue est déprimant. L'album nous repropose la recette éculée du dépressif, avec une composition "dynamique" à l'allemande qui fait sonner les cavalcades comme un régiment défilant au pas. En bon chef de projet, R. a mené seul son combat face à la bonne humeur. Sur ces compositions mitonnées entre 2004 et 2006 (puis mises en boîte entre 2007 et 2010), l'investissement temporel consenti est bien au-delà du résultat obtenu. Reue, c'est un "developement hell" hollywoodien à la sauce black, le projet qui met dix ans à se monter pour accoucher d'une souris. Tout n'est pas rose dans cet univers trop peu sombre, il reste une part d'obscurité qui est un artwork bleuté classique mais joli. Le digipack numéroté à deux panneaux vous apportera une sensation de vide, qui est raccord avec la qualité de la galette. Le genre d'albums qui me donne envie de m'écouter mes achats d'il y a (déjà) cinq-six ans, alors que le train du dépressif suicidaire se traînait hurlant sur ses rails et que Kältetod le regardait déjà passer.


Rédigé par : Prince de Lu | 08,5/20 | Nb de lectures : 12977