Savannah, théâtre de la plus grosse grève des éboueurs qui ait jamais existé? Ca n'aurait rien d'étonnant, tant ce fief de Géorgie semble être le terreau de formations malpropres s'évertuant à jouer le plus fort possible pour faire tomber la crasse profondément incrustée sous leurs ongles. Aux côtés des Baroness, Black Tusk et autres Unpersons, Kylesa règne depuis quatre albums déjà au sommet de la pile d'ordures. Faut dire qu'ils ont l'effectif pour, puisque pour un simple quintet ils n'abritent rien de moins que trois vocalistes et deux matraqueurs de fûts, histoire de pouvoir distiller leur mélange bien dosé de punk, crust, metal, sludge et psyché faisant d'eux un groupe au caractère profondément affirmé depuis leurs débuts.

Commençons par les griefs, on en sera débarrassé. De leur configuration vocale à la early-Neurosis, il ne reste plus que deux têtes à l'hydre, leur Dave Edwardson de service et ses brûlants growls ayant temporairement quitté le navire. Nous reste donc la plaisante Laura qui continue à s'égosiller, s'autorisant de plus en plus d'adoucissements planants fort bien gérés, et Phillip Cope. J'ai déjà plus de mal avec le chant du bonhomme, en particulier certaines intonations trop gaillardes sentant un peu trop la paille et la fourche. Et ce rustre ramenant ses souliers crotteux sur une musique qui tend de plus en plus à s'affiner, faut dire que ça jure un peu.

Parce que oui, "Static Tensions" est l'album le plus "doux" de Kylesa. Mais aussi le plus abouti, le plus profond, le plus exigeant, le plus peaufiné. Un constat incontestable qui se vérifiera à la simple écoute des parties de batteries: là où la présence d'un cogneur supplémentaire tenait plus du gadget qu'autre chose sur "Time Will Fuse Its Worth" (ça doit par contre violemment se ressentir sur scène), elle se voit ici exploitée à sa juste valeur. Même si doté d'un son trop mollasson et proéminent, le binôme apporte une foutue pêche aux titres, envoyant voler les copeaux dans des parties fournies fourmillant de détails, et allant jusqu'à dégager un gros feeling chaotique sur "Said And Done".

Moins bruts mais pas moins puissants, chargés en ambiances psychés, les titres dégagent un étrange magnétisme au goût de reviens-y. Et on se le fait pas dire deux fois, du planant "Running Red" et ses forts relents de Baroness - dont on retrouve l'incontournable John Dyer Baizley derrière l'artwork - au surpuissant "Scapegoat" d'ouverture, du limite blackisant "Said And Done" à l'envoûtant "Unknown Awareness", prépare-toi à l'user ce "Static Tensions". Malgré ses imperfections, malgré une fin d'album trop raffinée, Kylesa livre une pièce de choix, épique, et dotée d'un charme surnaturel. Et de la chrysalide émerge le papillon.


Rédigé par : Crown_Me | 15,5/20 | Nb de lectures : 12876