Avec le recul, il est intéressant de constater à quel point "Static Tensions" aura expédié KYLESA aux cimes de la scène metal """"underground"""" et permis au groupe de passer après cinq albums (sans compter la préquelle DAMAD) du rang de succès d'estime à succès public. Même si à leur échelle succès public ne signifie que tournées de plus en plus conséquentes et shirts vendus par palettes entières (preuve en était au Hellfest, où t'en croisais trois dès que tu tournais la tête). Une destinée semblable à leurs potes de BARONESS, avec qui ils partagent une évolution identique; des outsiders de choix ayant su mêler crust, sludge, hardcore et esprit punk à un héritage metal plus classique, et évoluant depuis dans des eaux plus mélodiques, musicales et psychédéliques. La Savannah touch, en somme, qui devra sa gabelle à la voie déblayée par MASTODON, et qui influence déjà quelques groupes de seconde zone repérés puis signés à la va-vite par tout gros label qui se respecte (BISON BC chez Metal Blade, HOWL et BLACK TUSK chez Relapse...)

Preuve de ce succès, la signature de la clique à Philip Cope chez nos Season Of Mist nationaux, qui après avoir débauché THE DILLINGER ESCAPE PLAN poursuit son ouverture vers les poids lourds des nouvelles scènes. Sauf que la différence avec ces derniers, qui niveau tournées en bouffent eux aussi des kilomètres, c'est que nos KYLESA ont l'air de les subir plus qu'autre chose. Puisqu'après avoir croisé trois fois leur chemin en un peu plus d'un an, le constat est pas glorieux. Voix expédiées par dessus la gambette, alors que c'est déjà pas leur point fort sur CD, doublette de batteurs plus encombrante qu'utile et motivation de manutentionnaires sur le chemin de l'abattoir. Ce qui les sauve, c'est leur talent de composition, parce que sur ce point-là, tu peux pas trop aller les chercher. Voilà pourquoi en dépit de ces rendez-vous manqués, "Spiral Shadow" ne pouvait qu'être attendu de pied ferme.

Première sensation, l'impression tenace d'avoir affaire au faux-jumeau de "Static Tensions". Pas désagréable donc. La seule véritable évolution en terme de rugosité étant aussi minime qu'attendue: les quelques traces d'ultra-lourdeur abrasive et les éructations menaçantes, qui battaient déjà retraite sur "Static Tensions", ont quasiment déserté le navire. KYLESA s'enfonce définitivement dans un songwriting de plus en plus soigné, et si l'urgence s'est fait la malle pour de bon, le sextet a su compenser avec d'autres qualités. Plus trippées, plus lancinantes, plus foisonnant de détails, les nouvelles velléités du groupe trouvent leur acme sur des titres comme "Forsaken", slunge (grungexsludge, oui, c'est nouveau) comme un JUCIFER peut l'être ou "Drop Out", où les voix heureusement gorgées d'effets de Laura Pleasant et Philip Cope deviennent enfin agréables. Enfin, quelques bizarreries de choix, tels les tappings Super Mario des marais de "Cheating Sinergy" ou ce "Back and Forth" qui irait presque piétiner les plates-bandes d'un US CHRISTMAS niveau riffing et voix sous LSD, montrent un groupe qui trace un peu plus sa propre voie sans regarder avant de traverser.

Tout ça nous fait un album avec certes moins de tubes en puissance que son prédécesseur, mais rien à foutre, puisqu'aussi beaucoup plus homogène. En effet, le gros défaut de "Static Tensions", c'était ce déséquilibre qui pointait à mi-album, avec un gros coup de mou synonyme de perte d'intérêt. Ici le groupe, même s'il n'appuie plus très fort niveau virulence, parvient à maintenir la pression et prouve comme ses coupaings pré-cités que les sédatifs, ça fusille pas forcément un groupe. Savoir se renouveler, même en s'adoucissant, et ce en restant toujours aussi marquant, voilà l'apanage des grands.




Rédigé par : Crown_Me | 16,5/20 | Nb de lectures : 16177