Le philosophe français Maxime Le Forestier chantait qu'être né quelque part, c'est toujours un hasard. Mais il y a évidemment des situations plus écrasantes que d'autre, comme survivre à Medellin, sauter de joie à Bagdad ou grandir à Limoges. Et quand on habite dans une ville aussi pourrie que Limoges, il y a de quoi en vouloir à la terre entière. Trois vieilles pierres entassées, de la porcelaine et un aéroport innternachionôle, le tout servi avec pléthore de péquenauds à perte de vue. Ça donne envie de se monter un groupe de black metal bien humaniste. La démarche de Kveste est donc on-ne-peut-plus légitime et j'adresse au groupe toutes mes condoléances pour son terroir miteux.

Mais cela fait bien plaisir quand la soupape d'une haine trop longtemps contenue vient à péter au grand air, méthanant la planète aussi efficacement que les vaches limousines. Après avoir laissé fermenter sa colère pendant deux années, Kveste a sorti sa première démo, "War Against Humanity", en octobre dernier chez Eisiger Mond Productions, un label dont j'aime fréquemment la rugosité. Le CD sera limité à 300 exemplaires, comme d'habitude, pour quatre titres (et une intro) qui vont nous vomir leurs saloperies sur les pompes pendant 26 minutes.

L'influence du grand Nord se fait ressentir dans les riffs sélectionnés par Kveste. Le souffle glacial de Darkthrone (le vrai, pas le pseudo-punk) est omniprésent dans des compos qui sentent la mort et la haine. Les hurlements de Balkor parachèvent un ensemble sonore agressif, bloqué dans les aigus criards. Sur cette base, d'autres références peuvent être évoquées par les accords. Les lâchers de notes aiguës en fin de riff sur "Plague Wind" me font penser à Nehëmah, autre adorateur de Darkthrone. La mélodie qui tourne en continu sur la première partie de "Under the Black Lake Surface" m'évoque Burzum. Rien de bien dégueulasse, me direz-vous. Le riff thrashy puis l'arpège de "Ancestral Fear..." m'évoque aussi grandement Gorgoroth période King (le final du morceau à partir de cet arpège, avec le batteur qui vient agacer le charley, est d'ailleurs fort prenant). Finalement, le pied n'est levé que sur "Chaotic Anthem...", qui reprend probablement trop des éléments déjà entendus dans "Plague Wind" et "Ancestral Fear...". Cette litanie sonore répétitive est très certainement volontaire, afin de clore la démo avec une touche presque rituelle.

Kveste ne s'improvise pas apprenti sorcier, mais fier guerrier de la tradition nordique. La mise en place est aussi brute, avec un enregistrement "roots" qui privilégie la folie de l'instant au lieu d'une mise en place trop aseptisée. OK, ce n'est pas parfait sur tous les blasts, mais ça envoie franchement comme il faut. Ça sent les tripes, exhumées à pleine main du cadavre fumant du rock. L'avantage est une immersion immédiate dans un univers où l'efficacité est là et les ambiances accrocheuses. L'inconvénient est évidemment que Kveste n'a pas l'entière paternité de son art, s'inspirant grandement des Anciens. Mais le résultat parle de lui-même et conviendra à tout amateur d'art le plus noir, sincère à défaut d'être avant-gardiste. J'avoue un certain plaisir sauvage à m'écouter cette galette qui respire bon le ch'nord! Espérons seulement que le groupe pourra dégoter son nouveau chanteur rapidement, afin de poursuivre sur sa lancée. Avis aux hurleurs!


Rédigé par : Prince de Lu | 3,666/5 | Nb de lectures : 13509