Si l’on devait juger, à une échelle quelconque, la pertinence ou le ridicule des blases dont peuvent s’affubler certains groupes, il faudrait certainement rajouter quelques barreaux à cette même échelle dans le cas de KROTALUS, sympathique et confidentielle formation américaine de Caroline du Nord qui n’a probablement pas réfléchi suffisamment avant de choisir ce patronyme improbable.

Il serait pourtant dommage de se détourner trop rapidement de ce quatuor à cause de cet insignifiant détail comme semblent l’avoir fait les labels outre-Atlantique ; une grosse erreur en fait car KROTALUS déboule de nulle part avec un premier album autoproduit diablement séduisant.

Enfin, de nulle part, pas tout à fait car si l’on creuse un peu, on se rend compte que le groupe compte dans ses rangs deux anciens membres de LECHEROUS NOCTURNE et plus précisément la section rythmique qui s’était probablement fait la malle avant que Dallas Toler-Wade, le gratteux-chanteur de NILE ne vienne poser ses papattes poilues sur les baguettes du groupe histoire de varier les plaisirs instrumentaux.

Pour revenir à KROTALUS, le groupe travaillait donc dans l’ombre depuis quatre piges pour finalement accoucher de « Blood Offerings ». Au vu de leur passé dans une formation de bourrins qui tabassent au point de se retrouver chez Unique Leader, on aurait pu croire que KROTALUS aurait emprunté la route d’un brutal death technique à écarteler mémé sur la table en formica de la cuisine. Que nenni, KROTALUS fait partie de ces groupes tournés vers la grandeur des temps anciens et largement inspirés par les années 80. Difficile pourtant de mettre une étiquette ferme et définitive sur la musique proposée par nos quatre larrons car ses atours trouvent leurs réminiscences dans l’effervescence de plusieurs styles désormais éprouvés. On pourrait donc parler d’un alliage regroupant le thrash metal teuton teinté de black des premiers DESTRUCTION, le speed du grand VENOM (c’est-à-dire antérieur à 1985) adjoint d’un petit côté SLAYER.
Chorus de guitares, rythmiques tressautantes et sacrément dominées par un véritable cogneur de fûts, riffs accrocheurs, solis parfois limite mais tombant toujours à propos et une attention toute particulière portée à la qualité des chansons proposées, KROTALUS connaît toutes les ficelles et les manie avec virtuosité et suffisamment de tripes pour que le propos ne sombre pas sur les écueils d’une mauvaise parodie rétro. Mais ce qui met l’ouie en éveil, c’est avant tout le chant énervé de Chad Bradley ; un timbre aigu geignard à classer, à la louche, entre Schmier, Chuck Schuldiner et John Tardy (pour les petits effets de gorge) très surprenant et un peu trop « authentique » au prime abord mais qui se révèle indissociable de la musique à l’arrivée.

Alors, il est vrai qu’avec un tableau brossé de la sorte, les plus jeunes concluront déjà que KORTALUS donne dans le rétro et que « Blood Offerings » ne fera opiner mollement que l’arthrose cervicale de quelques vieux croutons nostalgiques de l’élasticité de leur futal d’époque. En fait, c’est tout le contraire ; KROTALUS confère à son thrash un côté très actuel se traduisant par une production calculée et une certaine radicalisation qui dépoussièrent allégrement le genre au point de lui conférer une certaine fraîcheur. Et le meilleur dans tout ça, c’est que ce disque se bonifie au fil des écoutes au point de se retrouver , comme par hasard, en mode « repeat ». Et si les titres se ressemblent parfois de façon un peu trop marquée, on n’en boudera pas son plaisir pour autant.

Une belle découverte du moment, un gros coup de cœur sans être révolutionnaire. Moi, c’est décidé, j’suis fan.


Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 10961