Après un « Southern Storm » (2009) qui avait fait l’effet d’une tempête mais qui ne parvenait pas vraiment à nous ôter l’idée que KRISIUN était en train de remuer les fonds de tiroirs, les Brésiliens semblent désormais motivés à nous prouver que nous avions tort. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que KRISIUN a creusé son potentiel au maximum et pis encore, qu’il n’est pas hermétique à l’originalité.

Avant de nous jeter corps et âme dans une description de « The Great Execution », rappelons ce qu’est KRISIUN. Pour beaucoup l’évocation de ce nom est synonyme d’une brutalité old-school mais les choses ne sont pas aussi simples. Même si cela n’est pas complètement faux, KRISIUN n’est pas seulement un projet formé par trois adolescents en quête d’expériences extrêmes ayant passé leur enfance à se casser le crâne à coup de SEPULTURA, MORBID ANGEL et SLAYER. Nos larrons sont avant tout des mélomanes refoulés. En effet, dans toute leur discographie et surtout dans leur dernière période, KRISIUN a fait preuve d’une certaine défiance vis-à-vis de la mélodie mais sans jamais vraiment parvenir à l’exclure. On pourrait même dire que, malgré sa production froide et son extrême brutalité, « Southern Storm » était un de leurs albums les plus mélodiques, c’est ainsi que « The Great Execution » se trouve dans sa continuité. La « bande à Moyses » accepte enfin de proposer des choses belles et harmonieuses, ce qui ne l’empêche pas de bastonner le reste du temps.

A présent relativisons. La racine de KRISIUN reste inchangée, c’est-à-dire que vous retrouverez ce redoutable mélange de blasts, de guitares tranchantes, mais la nouveauté réside dans le fait que les Brésiliens ont décidé d’incorporer des riffs groovy, et des mélodies plaisantes. « Descending abomination » est sûrement un des morceaux illustrant le mieux cette alliance de groove, de brutalité et de mélodie. Dans l’ensemble le groupe cogne sévèrement mais les riffs sont entraînants et les soli nous montrent un rare effort de construction pour le style pratiqué. Celui de la chanson que nous venons d’évoquer est assez marquant dans la mesure où il établit un jeu permanent entre des passages dissonants et des moments harmonieux. Bref… à l’image de ce solo il y a KRISIUN, un large panel d’émotions qui a toujours plus ou moins été réprimé et qui explose enfin à travers un album aussi violent que contrasté.

Même, si nous ne remettons pas en cause le fait que KRISIUN est relativement technique en ce qui concerne la batterie, ses riffs n’ont jamais nécessité un coup de médiator du tonnerre… jusqu’à présent. « The Great Execution » propose rythmiquement des plans de guitares plus complexes que par le passé et ce n’est pas un titre comme « Violentia Dementia » qui nous contredira. Ce morceau comporte pendant sa longue introduction ainsi que son outro un excellent plan où la guitare exécute une rythmique dans les graves mais à une vitesse telle que nous sommes presque dans le shred. Ce plan, qui peut évoquer une certaine vague de groupes modernes et techniques opère une mise en lumière d’un KRISIUN inédit. Le chant a également pas mal évolué. Certes, le registre reste extrême mais la voix est plus massive que jamais et ne manquera pas d’en surprendre plus d’un sur « Extinçao en massa » dont le débit de parole est typé Grindcore, preuve que le groupe se moque des étiquettes. Bref comme le démontre son esthétique de l’hybridité des genres, le monstre brésilien sonne plus contemporain que jamais. Au même titre que KRISIUN joue de la colère comme de la mélancolie, il maîtrise le simple et le complexe, l’archaïque et le nouveau, et c’est tout cela qui constitue son actuelle grandeur : un brutal death sans concession qui joue la carte d’une certaine ouverture d’esprit.

En conclusion, « The Great Execution » est un album massif qui mérite amplement plusieurs écoutes pour en déceler toutes les subtilités. Autant IN FLAMES s’est tiré une balle dans le pied le jour où il a décidé de se moderniser, autant KRISIUN a parfaitement réussi son tour de passe en passe et ne reniant pas ce qu’il est mais en ouvrant son identité à des sonorités originales et pertinentes. Le meilleur album de Brutal death de 2011.


Rédigé par : Cris | 15/20 | Nb de lectures : 15578