On ne va pas présenter KICKBACK, tout le monde les connaît, tout le monde a son opinion et ses a prioris sur le groupe. On s’en fout de qui pense quoi de KICKBACK. Eux les premiers. Toutefois, on ne peut pas remettre en cause leur goût pour la provocation, comme le prouve le titre de ce nouvel album, ni le fait que les parisiens négatifs poursuivent leur voie en ne livrant jamais deux fois le même album et en faisant rimer "évoluer" avec "qualité". KICKBACK, qui avait mis la misère à toute la scène avec un « No Surrender » dantesque, revient achever le boulot avec « Et Le Diable Rit Avec Nous… » même pas deux ans après, là où on avait dû attendre une décennie avant de se repaître de « No Surrender ». Donc ce nouvel album est différent du précédent qui faisait la transition parfaite entre l’ancien et le nouveau KICKBACK. « No Surrender » était l’album de l’intronisation de Toxik dans le groupe, celui-ci est celui de sa prise de pouvoir.

Prise de pouvoir car son univers se mêle totalement à celui du groupe, mêlant sa crasse, sa saleté, sa bassesse, son satanisme urbain à la violence brute, à la culture street, à la haine et à la philosophie nihiliste du groupe. Tout ça donne « Et Le Diable Rit Avec Nous… » dont les frontières avec le dernier album de Diapsiquir se font de plus en plus minces. Thématiquement parlant surtout. Prise de pouvoir aussi car son jeu de guitare imprègne tout entier cet album et fait basculer le groupe dans la folie pure à coups de riffs totalement fous et des descentes de manche démentes. KICKBACK n’a désormais plus rien de hardcore, ni de metal, KIKCBACK fait du KICKBACK. Comme il l’a toujours fait en fait, sauf qu’ici ils poussent le concept à son paroxysme. D’ailleurs plus qu’un groupe, KCKBCK est devenu un concept englobant la musique, l’idéologie, l’imagerie et bien sûr, la légende. On croit savoir beaucoup de chose sur eux mais au final on ne sait rien. On croit avoir dompté la bête mais on se fait claquer la gueule au sol en un seul coup de rein. Et ce coup de rein c’est « Sorption », le titre d’ouverture.

« Sorption » aurait pu avoir sa place sur le précédent méfait du groupe : rythme enlevé, batterie classique en rythmique hardcore, la violence urbaine suinte de tous les côtés et l’entrée de voix de Stephen ferait flipper Satan lui-même. Un hurlement désespéré et haineux à souhait qui n’a plus grand-chose d’humain. Seule la guitare sonne différemment avec des riffs plus « expérimentaux » moins hardcore. Déboule ensuite « Triumph And Disgust » et son riff totalement fou, entraînant tout et tout le monde dans une spirale de folie, vers l’Enfer, avec ses petit relent de post black à casquette. Ce riff représente à lui seul tout l’album et l’apport de Damien, désormais une pièce essentiel de la galaxie KICKBACK. Ces riffs, lui seul auraient pu les sortir et les jouer. Un gros break scandé au milieu du morceau précède une reprise des hostilités dantesque elle aussi. « Triumph And Disgust » est un des titres phares de « Et Le Diable… » et de leur discographie tout entière. On retrouve d’ailleurs le même type de pà un point tel qu’on a parfois l’impression que le fil va se rompre et que tout va se casser la gueule mais non, ça n’arrive jamais, Toxik retombe toujours sur ses pattes. L’identité des Parisiens tient désormais dans le jeu de guitare déglinguo de Damien et la voix, encore plus « à la limite » et haineuse que d’habitude de Stephen, toutefois, il ne faut pas sous-estimé l’importance de Pascal à la basse, qui fait une fois de plus un travail remarquable et permet à l’ensemble de tenir debout en toute cohérence. Seul le batteur est un peu faible avec un jeu trop dépouillé et simple qui ne parvient pas à suivre le rythme et le niveau imposé par ses comparses. La voix évolue elle aussi, plus arrachée et écorchée que jamais, elle se permet même quelques effets ou quelques nouveautés comme sur l’ouverture de « Le Chant Du Diable » par exemple avec ses voix mixées et mêlées dans une mélopée incantatoire qui fait froid dans le dos, le tout placé sur des parties de grattes désenchantées. Il n’y a plus aucun espoir dans ce morceau. Plus rien si ce n’est une sensation de nihilisme et de basculement dans le canniveau. On retrouvera la même technique sur « We Prowl, They Crawl », la bombe de l’album magnifiée elle aussi par un guitariste venu de l’Autre Monde.

Si « No Surrender » était une boule de violence qui donnait envie de descendre dans la rue tabasser tout le monde avant de se taper une pute bon marché les narines pleines de vieille coke frelatée, celui-ci est moins sauvage, moins animal, moins sexuel et plus intellectuel. Oui intellectuel. On sent que les concepts ont été poussés plus loin, que la philosophie du groupe s’est affinée et que la musique suit le même mouvement pour s’accorder encore et encore avec tout le reste. Le groupe convoque encore e nombreux penseurs et philosophes dans ses lyrics et son livret histoire de donner des pistes de compréhension de son univers aux auditeurs. « Et Le Diable… » est moins direct, moins brutal mais pas moins violent pour autant. Cette violence est plus insidieuse, plus diffuse. Le son est moins parfait, plus cracra, plus sludgy aussi. On peut trouver que la production manque un peu puissance. C’est vrai, Francis Caste avait fait des miracles que ne parvient pas à réitérer Igor Wouters (batteur de Backfire !) qui produit ce disque. Une petite touche de vraie puissance sonore en aurait fait l’égal de « No Surrender », en l’état « Et Le Diable… » est le meilleur album français sorti cette année. Avec le Diapsiquir. Tiens tiens… Je répète, ce guitariste vient d’ailleurs, je ne vois pas d’autres explications.

KICKBACK livre huit nouveaux titres tout en folie, en crasse et en réflexion mais cadeau bonus, et c’est une première pour eux, ils nous offrent deux reprises. Là où certains reprennent n’importe quel pouffe R’n’B à la mode, eux reprennent les Geto Boys pour un titre hip hop hardcore surviolent, suragressif et sans concessions aucune qui met facilement l’original, pourtant un très bon morceau de hip hop old school, à l’amende. La seconde reprise est un titre du groupe rock suédois Brainbombs que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam mais dont le riff principal est foutrement entêtant. Au niveau des invités c’est pareil quand certains invitent un DJ dubstep histoire de rameuter du monde, eux invitent l'infâme Mike "Apocalypse" Cheese de Gehennah. Définitivement pas le même monde, définitivement pas la même musique. KICKBACK confirme que, plus que jamais: « This is for us, This is not for you. »


Rédigé par : Seb On Fire | 18/20 | Nb de lectures : 21220