Le retour des Kros norvégiennes de Printemps (2/2)

Après Ihsahn, intéressons-nous aujourd'hui à la nouvelle sortie de Keep Of Kalessin, deux ans après la baffe monumentale qu'était "Armada".

Après avoir vu trois fois Keep Of Kalessin en live avec les titres de "Armada" en 2006 et 2007 (dont deux fois dans des conditions catastrophiques à Paris), l'envie d'entendre de nouvelles compos se faisaient grandement ressentir. Ma soif d'un nouvel album n'était toutefois pas assez grande pour participer à leur concours du fond d'écran fantasy le plus gay ou pour adouber la récente video L'Oréal du titre "Ascendant". Pour finir de ne pas me rassurer, Keep Of Kalessin a fait partie de l'hémorragie sévère qu'a connue Tabu Recordings récemment, puisque Enslaved, Lumsk, Vreid et KoK se sont barrés du label (les deux derniers pour rallier la jeune écurie Indie Recordings). Dans tout ce chambard, je croisais les orteils en espérant que les Norvégiens évitent de caler sur le second opus de la nouvelle période du groupe.

Soyons clairs, "Kolossus" reprend bien les choses là où "Armada" les avait laissées. Le menu est donc connu : un black/thrash ultra mélodique qui envoie grave dans tous les sens et une thématique heroic fantasy avec des gros dragons, des batailles et des gens qui meurent dans les bras les uns des autres. A la pointe de la technologie, KoK s’équipe comme pour le précédent album d’une production en acier trempé dernier cri et d’un artwork qui pète (j’imagine, je n’ai rien à me mettre sous la dent mais j’ai vu les teasers). Bref, le peuple va pouvoir s’en mettre plein les mirettes et les esgourdes, comme il l’avait demandé.

Sauf que le peuple n’est pas si facile à abuser quand même. Effectivement, KoK reprend de "Armada" tout ce qui en a fait son succès. Les hyperblasts sont bien là, ainsi que les riffs joués à haute vitesse. Mais si la forme est respectée, sincèrement cet opus manque de patate dès la première écoute. Plutôt que de manque de patate, je devrais plutôt dire qu'il faut s'emmerder pendant plus de 30 minutes avec des titres qui alignent les notes sans âme avant d'avoir un "Escape the Union" un tant soit peu rageur (au début). La recette est là, mais le cuistot se contente de répéter ses gestes et ne réalise pas sa purée avec ses tripes. KoK n'imprime jamais une pulsion hargneuse et verse même parfois allègrement dans le "too much", notamment avec des solos fort dispensables et des passages "lents" ultra bateau (la seconde partie de "The Rising Sign" est une horreur, l'espignolade de "Kolossus" est à peine mieux). Comme beaucoup de mélodies suaves de l'album, les arpèges du refrain de "Warmonger" me restent encore en travers de l'aorte.

Les premiers titres me sont même pénibles à écouter, la faute (hors un désintérêt pour les riffs) à l’affreuse voix triplée en studio de Thebon. KoK fait ici la même erreur que Behemoth a faite sur "Demigod", en doublant, voire triplant les pistes de voix, histoire de donner de la patate. Thebon n’a plus du tout une voix naturelle et il m’est difficile d’accrocher à ce mélange indigeste voix black/voix death qui nous est imposé sur le début de l'album. Le reste de la production est évidemment énorme, même si je me demande comment Obsidian C. va réussir à rendre toutes ses pistes de guitare en live avec seulement deux mains. La volonté d'en mettre plein les dents était grande et on a l'impression que c'était leur seul objectif. Gros son, grande vitesse, slip propre, mais des cordes un peu trop usées sur les mêmes frettes.

Ce que j’avais adoré sur "Armada", ce sont les enchaînements lumineux et les montées en puissance des morceaux vers une ambiance d’épopée épique. Sur "Kolossus", les associations d’idées brillantes ont disparu pour céder la place à un simple assemblage de riffs joués très vite. Obsidian C. avait passé trois ans dans l’ombre pour préparer en toute tranquillité son "Armada". Une fois celle-ci lâchée sur l’Europe, il est clair qu’il a eu beaucoup moins de disponibilités sur ces deux dernières années pour composer un nouvel album. Et "Kolossus" a été à mon sens composé trop vite et ne parvient jamais à se démarquer de son prédécesseur dont il n’est qu’une séquelle sans relief. Une séquelle sans aucune surprise, qui se réfère constamment au précédent forfait.

Là où "Armada" avait été une vraie surprise de la part d'un groupe en pleine reconstruction, "Kolossus" est l'opus servi par un groupe qui se savait attendu et qui veut en mettre plein la gueule, en oubliant ses ambiances au vestiaire. Bref, un KoK (déjà) en roue libre qui livre un album aussi décevant qu’il est rempli de notes. Ca envoie grave à la première écoute, mais l’effet se dissipe rapidement. Et pour se persuader d'être passé à côté d'une nouvelle bombe, il suffit d'écouter l'unique titre réellement épique "Ascendant" (en virant mentalement les solos) ou la première moitié de "Kolossus". A part ça, il reste quelques solides riffs épars et une technicité à toute épreuve. Mais à mes oreilles, cela ne suffit pas à sauver les meubles de ce gros chamallow. Grosse déception et grosse sensation de gâchis. Qui peut caler signe.

Pour info, l'album est sorti en version digipack avec un DVD regroupant un making-of, des interviews et des images qui bougent en live (pitié, pas à Paris). Une édition boî-boîte en métal limitée à 500 exemplaires contient le digipack et un collier.


Rédigé par : Prince de Lu | 11/20 | Nb de lectures : 13259